Laïcité de façade, enseignements historiques biaisés, discriminations… Une enquête publiée mercredi 9 mars par le Comité national d’action laïque (Cnal), qui regroupe des syndicats enseignants et des associations de parents d’élèves, met en lumière de graves dérives au sein de nombreux établissements scolaires hors contrat.

En épluchant les rapports d’inspection de 164 de ces écoles – sur quelque 1 800 existantes en France –, le Cnal dénonce des manquements dans l’enseignement, en particulier au sein des établissements religieux.

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Les écoles catholiques dans le viseur

L’association étrille particulièrement les établissements catholiques conservateurs, traditionalistes voire intégristes, au premier rang desquels figurent les écoles affiliées à la Fraternité Saint-Pie-X. Le Cnal y dénonce « une grande fermeture des établissements vis-à-vis de l’extérieur et le maintien des élèves dans une vision du monde réactionnaire ». Non-mixité, couverture vaccinale moindre qu’ailleurs, pédagogie par l’obéissance, absence de travaux de groupes ou manuels obsolètes caractériseraient ainsi les écoles de la Fraternité.

Plus grave encore, les contenus dans certaines disciplines y sont lacunaires, parfois même révisionnistes. Dans un établissement en Gironde, l’association constate que « le rôle de Vichy dans l’extermination des juifs est mis sous silence, et (que) ce génocide n’est pas mentionné dans le traitement de la Seconde Guerre mondiale ».

Dans une autre école, « le support de géographie porte une vision marquée par une représentation du monde par “races” humaines (Noirs, Blancs…), qui pose un souci majeur de conception erronée scientifiquement et potentiellement raciste ou a minima racialiste ».

« Confusions entre Histoire et mythes »

Plus généralement, les établissements catholiques sont pointés du doigt par l’association. Les rapports d’inspection obtenus montrent que la pratique sportive, l’enseignement de la citoyenneté ou d’autres matières sont souvent absents des programmes. Le Cnal relève aussi des discriminations entre filles et garçons ainsi que de profondes lacunes numériques.

Hormis les établissements catholiques, certaines écoles affiliées à la mouvance sectaire anthroposophe (Steiner-Waldorf) font l’objet d’une attention particulière. La liste des critiques est longue : « pratiques non conformes aux exigences du socle commun », « rituels et conditionnements (qui) semblent contredire l’affichage laïque de ces écoles », « rejet de la technologie » ou encore « confusions entre faits historiques et mythes » ont été rapportés à plusieurs reprises d’inspections académiques.

Saisie de la Cour des comptes

Afin de lutter contre les dérives constatées, le Cnal adresse plusieurs préconisations. « L’ouverture d’un établissement hors contrat doit passer d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation, afin que les pouvoirs publics ne soient pas placés en situation de fait accompli », demande l’association. Elle réclame de surcroît que le projet pédagogique fasse partie intégrante de toute demande d’ouverture d’école privée.

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« Le préfet doit pouvoir prononcer la fermeture d’un établissement dès lors que l’acquisition du socle commun et des valeurs de la République est défaillante », ajoute l’association. Actuellement, les autorités publiques ne peuvent fermer un établissement que si des manquements à la sécurité sont avérés.

L’association a enfin saisi la Cour des comptes pour qu’elle éclaire « sur le montant des financements perçus par des établissements d’enseignement privé hors contrat notamment en provenance de fondations reconnues d’utilité publique ». Un canal de financement que le Cnal juge contraire à la loi.