Le FIGARO.- Quelles sont vos inquiétudes sur le projet de loi séparatisme?
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Le dimanche
Religions, laïcité, spiritualité, à retrouver dans la lettre de Jean-Marie Guénois.
Haïm KORSIA.- Avant de parler des inquiétudes, il faut dire l’enjeu de disposer d’un texte qui permettra aux acteurs publics d’agir. On constate souvent des situations inacceptables, mais nous n’avons pas les textes législatifs pour y répondre. Il est donc nécessaire de rappeler cette évidence: il nous faut des lois pour lutter contre les pulsions séparatistes de certains! J’ajoute une autre prémisse: reconnaissons et saluons le fait que l’ensemble des cultes soient associés à la préparation de cette loi. Quant aux inquiétudes, lors de mon audition au Sénat cette semaine, j’ai demandé que soit mieux précisé, dans l’article premier, le principe même de la liberté de pratique religieuse. Cela permettrait de lever une petite inquiétude issue du texte qui pourrait laisser penser que les religions seraient un facteur de déstabilisation de la République… Or, loin s’en faut: l’État sait très bien que les religions contribuent à la structuration sociale de la République. La liberté de pratique religieuse doit donc être clairement réaffirmée comme une composante de la société . Je l’affirme en effet: aucune religion en France ne cherche à revenir sur le principe de la laïcité! Seuls des opérateurs isolés surfant sur l’abandon de tant de jeunes dans les quartiers leur offrent une apparence de soutien qui est en réalité un endoctrinement.
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La liberté de conscience n’est-elle pas plus importante que la liberté du culte?
Le sénateur Loïc Hervé m’a posé la même question. Je me suis permis de rappeler aux sénateurs que seul «Dieu sonde les reins et les cœurs»… La liberté de conscience est une évidence et personne de nos jours, n’interdit de croire en ce que l’on veut. Par conséquent, le cœur de la laïcité est donc bien la liberté de pratique du culte religieux. C’est elle qui doit être confirmée, car elle n’est pas seulement une question de liberté de conscience. C’est essentiel, car dans une société très sécularisée, la pratique du culte musulman surprend parfois. Même si, reconnaissons-le, chaque culte a ses pratiques et ce sont toujours les pratiques des autres qui inquiètent. La loi garantit de fait la liberté de pratique religieuse dans la limite du respect de l’ordre public, mais cette liberté de pratique est capitale: pour nous c’est la liberté de l’abattage rituel, de la circoncision, du respect du Shabbat, la liberté d’être pleinement engagé dans des parcours citoyens à l’école et de ne pas être confronté au terrible choix entre sa foi et sa citoyenneté. La pratique du judaïsme a ses spécificités, mais notre religion s’est construite sur une logique simple rappelée par une phrase du Talmud qui dit: «La loi de l’État a force de loi.» Le génie de la France est de ne jamais soumettre quelqu’un à un choix cornélien entre sa foi et la loi. Il faut donc bien intégrer la liberté de pratique religieuse dans la loi de laïcité, qui est avant tout une loi de liberté. On dispose ainsi d’un espace commun où chacune et chacun est respecté dans sa foi ou dans son absence de foi.
Pour chasser ceux qui ne veulent pas du tout jouer le jeu républicain, on en vient à voter des lois et prendre des décisions qui vont impacter tout le monde… L’intelligence des législateurs réside justement dans le fait de garder l’esprit des lois pour que les textes ne deviennent pas des entraves à la liberté.
Haïm Korsia
À ce propos, vous avez mis en garde les sénateurs sur la confusion possible entre laïcité et société athée…
Jamais la laïcité ne peut être utilisée pour fonder une société athée. Ce qui m’inquiète, sur ce point, c’est le risque de dépôts d’amendements qui iraient dans ce sens. À l’Assemblée par exemple, un amendement demandait l’interdiction de port de signe religieux pour les enfants de moins de 15 ans! Il a été fort heureusement retoqué au nom de la liberté éducative des parents et du choix des enfants. On voit bien l’intention de lutter contre un endoctrinement, mais le risque de durcissement existe. Il faut donc être vigilant pour permettre aux religions de continuer à faire société.
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Vous avez également mis en garde contre un durcissement de la loi qui toucherait comme un «effet collatéral» les autres religions pourtant exemplaires en termes de laïcité…
Pour chasser ceux qui ne veulent pas du tout jouer le jeu républicain, on en vient à voter des lois et prendre des décisions qui vont impacter tout le monde… L’intelligence des législateurs réside justement dans le fait de garder l’esprit des lois pour que les textes ne deviennent pas des entraves à la liberté. Et il y a des points pour lesquels il faudrait aller plus loin et d’autres où il faut être prudent, parce qu’il ne faut pas toucher aux équilibres acquis. Le contrôle des flux financiers qui viennent de l’étranger ne me pose aucun problème, même si c’est une contrainte supplémentaire. Quant à la réaffirmation de «l’engagement républicain» pour toutes les associations qui reçoivent des fonds publics, non seulement elle ne me gêne pas, mais je l’étendrais à toutes les associations, pas seulement les cultuelles. Car toute association en France devrait travailler à l’affermissement de la République. Faut-il le dire: notre religion, le judaïsme, a toujours baigné dans un esprit et une volonté républicaine. J’ajoute enfin cette proposition du président du consistoire Joël Mergui pour rendre plus attractif le passage des associations loi 1901 à activité religieuse vers des associations cultuelles loi 1905, en augmentant la déduction fiscale des don.
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Vous êtes donc globalement satisfait?
Nous sommes satisfaits de cette loi, mais nous disons attention, pour que les textes ne soient pas contraignants pour ceux qui ont toujours respecté l’esprit républicain. Mais il faut aussi que l’on soit impérativement capable de proposer quelque chose sur le terrain social. Légiférer est un signe positif, mais attention aux grandes déclarations! Il y a des territoires perdus de la République, il y a aussi des générations perdues… Comment fait-on pour que des enfants qui n’ont pas un goûter l’après-midi, qui n’ont pas de prof pour les aider à faire leurs devoirs, ne tombent pas dans les mains de ceux qui vont les instrumentaliser pour pouvoir les contrôler et les embrigader? Cette loi doit être accompagnée par un fort volet social pour dynamiser un nouveau tissage associatif de proximité.
Les autres religions ne partagent toutefois pas votre optimisme sur ce projet de loi…
Il faut entendre toutes les religions. Je comprends que la question de la scolarisation des enfants à la maison inquiète , mais personne n’a jamais dit qu’elle serait interdite! Il faut respecter la liberté et le besoin de scolarisation à domicile de certains enfants mais des cliquets de contrôles doivent être mis en place pour que les extrémistes ne dévoient pas les systèmes de liberté du pays.
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