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Largement récupérés par les politiques, religions et laïcité sont brandies de tous les côtés du débat présidentiel. Philippe Clanché, ancien journaliste religieux, revient avec nous sur ce phénomène et sur ses enjeux.
Comment être catholique et laïque en France aujourd’hui, face à une laïcité anti-religieuse et à un catholicisme communautariste ?
Je fais partie de ceux qui pensent que la séparation de l’Eglise et de l’Etat représente une chance pour la communauté catholique. La perte de son statut nous a amenés face à l’autre, à nous confronter à d’autres façons de penser. Jusqu’alors, le catholicisme était plutôt une religion de tradition. En acceptant le pluralisme, on renoue avec un catholicisme d’ouverture, fait de différences de pensées.
Mais la séparation de l’Eglise et de l’Etat est aussi issue d’un anticléricalisme très fort, qui persiste aujourd’hui. La loi de 1905 est souvent mal interprétée et les religions sont cantonnées à l’espace privé, alors que leurs pensées demeurent riches. Dès lors, dans les débats de société, la parole catholique doit avoir sa place, comme les autres. C’est là le point fort de l’association les Voix de la Paix : donner de la voix aux spiritualités dans le cadre de la laïcité pour que cohabitent les anciennes religions dominantes, les religions plus discrètes et celles qui sont nouvellement implantées en France. Ce dialogue peut fonctionner, à condition de ne pas se tromper de lecture sur la loi laïcité.
Les médias parlent depuis l’automne dernier d’un « lobby catholique ». Comment expliquer ce retour du religieux en politique ? Existe-t-il un vote confessionnel ?
Sociologiquement, le catholicisme est depuis 30 ans marqué à droite. Cela s’est nettement renforcé pendant le quinquennat de François Hollande, à cause notamment du Mariage pour tous. Le problème n’est pas la direction qui a été choisie, car elle représente une avancée importante et nécessaire, mais le mépris des politiques de gauche face à la parole catholique. Alors quand Fillon a pris position pour les chrétiens d’Orient et sur un certain nombre de questions familiales à l’été 2016, il a su séduire une grande partie de la communauté catholique.
Néanmoins les derniers scandales à son sujet ont beaucoup ébranlé cet électorat, pour qui la notion de morale et d’honnêteté fondamentale. Parmi eux, ceux qui se sont le plus repliés sur la communauté partiront au Front national, où Marion Maréchal-Le Pen sait les rassurer grâce à ses relations avec des personnalités catholiques. Il est difficile d’empêcher la récupération politique des religions et de la laïcité. Il faudra d’abord qu’on clarifie ces concepts, qu’on accepte d’en parler librement.
Que faire pour ouvrir le dialogue ? Est-ce vraiment une solution contre l’essentialisation des religions et le communautarisme montant ?
Il y a toute une génération qui n’a jamais reçu d’éducation religieuse. En 2002 déjà, un rapport de Régis Debray dénonçait l’inculture religieuse et proposait un enseignement laïc du sujet dans les écoles. Mais c’est un chantier immense pour lequel l’Etat n’a jamais mis les moyens, car le religieux effraie, et il est encore plus suspect à l’heure du repli identitaire. Alors aujourd’hui, on peut dire tout et n’importe quoi sur la religion, il y aura quelqu’un pour y croire. Il est urgent de trouver une issue à cette incompréhension générale.
La mission de l’association les Voix de la Paix va dans ce sens et c’est pour cela que je m’y suis engagé. Ouvrir le dialogue se fait à tous les niveaux : avec les élus de la République, au travail, dans les quartiers. Partout, l’objectif est de faire découvrir les spiritualités pour une meilleure entente entre tous. A la BNP, par exemple, nous avons accompagné les équipes dans la découverte du fait religieux en ouvrant les lieux de culte du quartier. Cette approche qui mêle proximité et rencontre montre le côté positif de la présence du religieux dans la cité. C’est la marque de fabrique de l’association et cela représente un réel espoir pour que les religions retrouvent la parole dans l’espace républicaine.