Dans les pays du bassin méditerranéen, la Grèce et la Turquie en tête, les entrées de maisons et les coques de bateaux sont souvent décorées d’un œil bleu. Mais ce n’est pas seulement pour sa beauté que ce symbole hypnotisant, qui ressemble à une goutte composée de cercles bleu foncé, blanc, bleu clair et noir, est présent dans les pays de l’ancien Empire ottoman. Il a un but, et non des moindres, celui de protéger contre le mauvais œil.
Depuis la plus haute Antiquité, chez les Grecs, les Hébreux ou les Égyptiens, l’œil est une partie du corps particulièrement symbolique. Le « mauvais œil » désigne le regard envieux ou négatif d’une personne et attire la malchance sur la personne regardée. C’est le « regard assassin » évoqué par exemple dans les textes de Sumer, en Mésopotamie, et qui donne naissance à des talismans protecteurs tels que l’œil oudjat qui représente l’œil du dieu faucon Horus dans la mythologie égyptienne.
Chez les musulmans, l’œil est directement lié au cœur : « Eh quoi (ces incrédules) n’ont-ils pas cheminé sur la terre ayant des cœurs avec lesquels comprendre et des oreilles avec lesquelles entendre ? Non ! ce ne sont pas les yeux qui sont aveugles mais ce sont les cœurs dans les poitrines qui sont aveugles »(Coran, Sourate XXII, verset 45).
La diffusion du talisman dans l’Empire ottoman
Ainsi la croyance dans le mauvais œil se répand-elle dans l’Empire ottoman musulman. Élevé au rang de talisman au XVIIIème siècle, l’œil bleu sert de leurre et doit attirer le regard de la personne jalouse ou envieuse pour conjurer ses effets néfastes. Il est fabriqué par les verriers arabes de la ville d’Izmir, dans l’actuelle Turquie.
Pourquoi la couleur bleue ? Si l’on s’en réfère au Dictionnaire des symboles de Malek Chebel, « Dans la mystique musulmane, le bleu (azraq), surtout quand il tire vers le noir, représente les profondeurs insondables de l’univers ».
Après la Guerre d’indépendance grecque (1821-1829) à la suite de laquelle la Grèce s’émancipe du joug ottoman, l’œil bleu est perfectionné par les artisans d’Athènes. Le talisman, que les Turcs appellent « Nazar boncuk » et les Grecs « matiasma », devient le porte-bonheur privilégié des peuples méditerranéens.
De la Turquie à l’Iran, de l’Arménie à la Grèce et au Maghreb, l’œil bleu est encore utilisé pour se protéger du mauvais œil. Si le talisman se brise, c’est bon signe, cela signifie qu’il a rempli son rôle ! Mais pensez à vite le remplacer car l’on n’est jamais à l’abri du mauvais œil.
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