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Publié le 17 octobre 2022
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Les femmes iraniennes affrontent avec un courage inouï les religieux qui leur imposent le port du voile. Beaucoup ont été massacrées mais elles continuent de danser les cheveux dans le vent exprimant leur désir de liberté et de dignité. Le monde entier les regarde avec admiration. Pour ma part, je suis très contente de voir ces femmes dignes refuser la soumission et je me dis qu’enfin je pourrai visiter ce beau pays, l’Iran, où j’ai toujours refusé de me rendre, pour ne pas me soumettre au dictat des mollahs qui imposent aux femmes, y compris les touristes, le port du voile.
Cette révolte du voile qui secoue l’Iran, mettra-t-elle fin à la théocratie islamique et à son régime ségrégationniste à l’égard des femmes ? Cette question mérite d’être posée vu que toutes les révoltes populaires que les pays musulmans ont connues depuis des décennies ont abouti à davantage de conservatisme religieux et de ce fait de renoncement aux acquis de la Nahda (Mouvement de modernisation des sociétés musulmanes du 19° siècle et début du XXe siècle). Elle mérite d’être posée également vu que beaucoup de ces femmes, se révoltant contre le port du voile imposé par les mollahs, sont voilées. Elles manifestent contre l’oppression avec le symbole de leur oppression sur la tête. Parmi elles, il y en a certainement qui ne sont pas dans un combat féministe, mais uniquement politique et économique. Cependant, beaucoup le sont. Mais elles ont une autre conception du féminisme. Elles revendiquent le droit d’être émancipées mais dans le cadre des limites tracées par l’islam dont fait partie le port du voile. Pour elles, il s’agit d’une recommandation divine. (Le voile, est-il réellement une obligation pour les musulmanes?)
« La très grande majorité des femmes musulmanes qui se disent féministes ne condamnent pas les règles de la charia qui les discriminent. »
Ces femmes sont influencées par le féminisme islamique qui est très actif en Iran. Né dans les années 1970 après l’échec de la Nahda, le féminisme islamique inscrit son combat au sein de l’islam et de ce fait ne va pas au-delà de ce que l’islam reconnaît et permet pour la femme. C’est la conception du féminisme et des droits des femmes qui prime aujourd’hui chez beaucoup de femmes musulmanes mais qui est également défendue par des États qui se disant favorables à l’émancipation des femmes. Le féminisme islamique est fondé sur l’idée des islamistes selon laquelle « l’islam a accordé à la femme tous ses droits », pas au même titre que l’homme mais ceux qu’elle mérite, en tant que femme.
Ainsi, la très grande majorité des femmes musulmanes qui se disent féministes ne condamnent pas les règles de la charia qui les discriminent, telles que la polygamie, les inégalités successorales et l’autorité de l’époux pensant qu’elles doivent les respecter car recommandées par le Coran. D’autant plus que celles, généralement des intellectuelles, qui revendiquent l’égalité entre les hommes et les femmes n’arrivent pas à démontrer que les discriminations dont sont victimes les femmes ne sont dues qu’à des interprétations patriarcales erronées, comme elles le prétendent. (Le féminisme islamique : une imposture intellectuelle”).
Le féminisme islamique a ainsi une grande responsabilité dans le fait que le combat des femmes dans les sociétés musulmanes s’est réduit à des revendications qui ne sont pas contraires à la charia comme le droit à l’instruction, au travail et même à la participation à la politique. De plus en plus de femmes musulmanes ne se battent pas pour leur droit d’avoir les mêmes droits que les hommes et le principe d’égalité est lui-même remplacé par celui de l’équité.
De plus en plus de femmes musulmanes ne se battent pas pour leur droit d’avoir les mêmes droits juridiques que les hommes et le principe d’égalité est lui-même remplacé par celui de l’équité.
Beaucoup de ces féministes portent donc le voile. Pour elles, il est une recommandation islamique. Certaines portent même le voile intégral comme c’est le cas de l’iranienne Azam Taléghani, membre du Parlement iranien de 1980 à 1984. La Marocaine Asma Lamrabet, une des féministes islamiques les plus connues, s’est montrée pendant des années avec la tête voilée, c’est-à-dire avec l’étendard de la pratique la plus visible qui discrimine les femmes. Kahina Bahloul, la première imame de France, affirme qu’elle a pris conscience que l’inégalité entre les femmes et les hommes n’avait aucun fondement spirituel (Entretien accordé au journal Ouest France, 10/04/2021). Cependant, elle porte le voile pour faire la prière et incarne ainsi toute la discrimination à l’égard des femmes au sein de la mosquée, lieu de spiritualité. Une position ambiguë au sujet du voile qui n’aide pas les femmes à s’émanciper de cette pratique ancestrale et archaïque.
Le voile n’est pas une liberté, même quand il n’est pas obligatoire
C’est au nom de la liberté que les féministes islamiques défendent le port du voile. La sociologue franco-iranienne, Azadeh Kian, a affirmé sur RCF Radio que les femmes iraniennes ne rejetaient pas le voile en soi mais qu’elles rejetaient le voile obligatoire. Alors que voile est fondamentalement discriminatoire à l’égard des femmes. Des femmes qui se disent féministes acceptent donc les discriminations dès lors que la femme affirme qu’elle se soumet volontairement à la pratique qui la discrimine.
« Aucun pays musulman ne sortira de son archaïsme tant que l’égalité juridique et sociale entre les femmes et les hommes ne sera pas reconnue. »
Ce discours des féministes islamiques a eu une grande influence sur les femmes musulmanes qui se sont mises à porter le voile pensant qu’elles pouvaient être émancipées tout en étant voilées, ce qui est paradoxal. En plus d’être l’emblème politique des islamistes, ce qui explique que le gouvernement iranien tue celles qui refusent de le porter tout comme l’ont fait les islamistes algériens dans les années 1990, le voile est le signe de la soumission de la femme à la charia fondée sur le principe d’inégalité entre les hommes et les femmes.
Le voile est le signe de la soumission de la femme à la charia fondée sur le principe d’inégalité entre les hommes et les femmes.
La charia recommande à la femme d’accepter également la polygamie, les inégalités successorales, l’autorité de l’époux et même son droit de la frapper pour la corriger ou encore de la répudier quand il veut. Logiquement, une femme qui porte sur sa tête le signe de sa soumission à la charia ne peut pas s’opposer à ses règles quand bien même elle le souhaitait.
Ainsi, même si les Iraniennes arrivent à mettre fin au voile obligatoire, imposé par la police des mœurs, cela ne signifie pas la fin du voile obligatoire imposé par la charia tant que les musulmans pensent qu’il est une recommandation divine et que toutes les recommandations coraniques, concernant les femmes (Les musulmans ne mettent pas en pratiquent toutes les recommandations coraniques), doivent être appliquées. Il en est de même en Occident : le fait que la loi n’oblige pas les femmes à porter le voile, n’en fait pas pour autant une liberté pour elles comme beaucoup le pensent.
Que ce soit en Iran ou dans les autres pays musulmans, tant que les femmes reconnaîtront, porteront ou défendront le port du voile, elles n’accéderont jamais à un statut social et juridique digne qui les reconnaisse comme des êtres humains et des citoyennes au même titre que les hommes. Par conséquent, aucun pays musulman ne sortira de son archaïsme ni n’ira vers la maturité sociale, humaine et politique tant que l’égalité juridique et sociale entre les femmes et les hommes ne sera pas reconnue. Le voile n’est pas un problème qui concerne uniquement les femmes. L’avenir des pays musulmans y est extrêmement lié.
Le voile n’est pas un problème qui concerne uniquement les femmes. L’avenir des pays musulmans y est extrêmement lié.
Razika Adnani