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Par Claudia Cohen
ENQUÊTE – Propagande, manipulation de l’information… L’agence est chargée de protéger les citoyens français d’acteurs malveillants qui pourraient déstabiliser le processus électoral.
C’est une guerre non militaire, mais avec des effets politiques majeurs. Viginum, l’agence de l’État qui doit protéger la France des ingérences numériques étrangères, est sur le pied de guerre avant l’élection présidentielle de 2022. Face à des acteurs malveillants russes,chinois ou turcs, elle devra lutter contre les manipulations de l’information qui déstabiliseraient le processus électoral. Les réseaux d’extrême droite proches des États-Unis comme la mouvance QAnon, active dans l’Hexagone et en Allemagne, ainsi que les organes de propagande proches de Daech et d’al-Qaida pourraient aussi avoir un intérêt à perturber le scrutin.
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Une première réunion se tiendra en octobre avec les services de Cédric O, secrétaire d’État chargé du Numérique, et les plateformes Twitter, Facebook et Google, afin de discuter de la gestion des informations sur les réseaux sociaux. Des canaux d’influence majeurs, où pullulent des débats sensibles autour de l’islam, la sécurité, l’immigration, les violences policières ou le passe sanitaire. Le sujet des manipulations de l’information est brûlant, alors même que l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (Irsem) vient de dévoiler dans un rapport de 650 pages les réseaux d’influence de la Chine.
Crée en septembre 2021, Viginum est un service rattaché au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Il succède à la task force Honfleur, mise en place par Emmanuel Macron après l’automne 2020. À l’époque, l’exécutif n’était pas sorti indemne de la violente campagne anti-française sur les réseaux sociaux dans le monde musulman.
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Elle avait été déclenchée par les prises de position du président turque Erdogan à l’encontre d’Emmanuel Macron, après la republication des caricatures du prophète Mahomet. Et l’appel du chef d’État français à lutter contre le «séparatisme islamiste», après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice. Le président Macron reste marqué par les «MacronLeaks», ces milliers de mails de responsables d’En Marche dévoilés au dernier jour de la campagne présidentielle de 2017.
Détecter les profils inauthentiques
Derrière la vitrine Viginum, la bataille anti-fake news s’organisera au sein du Comité opérationnel de lutte contre les manipulations de l’information (Colmi), où travailleront également les équipes de la Direction du renseignement militaire.
Doté d’un budget de 12 millions d’euros, Viginum compte aujourd’hui vingt personnes à plein temps, issues de l’administration française et du secteur privé: analystes des réseaux sociaux, géopolitiques ou experts en sciences sociales. L’agence désignera le mois prochain son directeur. En fin d’année, elle comptera quarante agents, puis une soixantaine en 2022. Elle dispose aussi d’un comité éthique et scientifique.
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Concrètement, son rôle sera d’étudier les modes opératoires et les techniques pour amplifier la diffusion d’un contenu en ligne. À travers notamment des hashtags et des profils inauthentiques, comme des bots ou des «trolls». Elle analysera les publics visés et les effets recherchés dans la narration des informations, afin de remonter à leur origine. Un travail d’intelligence stratégique pour cartographier les interactions entre les différents acteurs étrangers qui s’immiscent dans notre débat démocratique. L’ambition de l’agence étant de démontrer que certains faits partagés par des citoyens français peuvent s’appuyer sur des éléments créés de toutes pièces par d’autres pays, afin de les induire en erreur.
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Une fois une campagne hostile caractérisée, et les auteurs identifiés par Viginum, c’est l’État qui décidera de lancer ou non une stratégie de réponse contre un pays. À l’image de ce qui peut se faire dans le domaine de la cybersécurité, il pourra par exemple rendre public ces ingérences, geler des accords commerciaux et avoirs financiers, ou s’engager dans des opérations plus secrètes.
Collecte de données
Aujourd’hui, Viginum attend le feu vert de la Commission nationale informatique et liberté (Cnil), saisie en juillet, pour encadrer sa capacité de collecte de données publiques sur les réseaux sociaux. Il n’est pas question pour l’agence de rentrer dans les boucles de messageries privées, comme WhatsApp ou Messenger. Le projet de décret en cours d’examen doit préciser le cadre opérationnel légal du service. Début octobre aura lieu l’audition des représentants du SGDSN par les membres du collège de la CNIL. Le régulateur rendra alors un avis qui sera publié quelques jours plus tard. Dans l’hypothèse où il émettrait un avis défavorable, c’est un projet de loi, et non un projet de décret, qui devra encadrer le périmètre d’action de Viginum. Ce qui pourrait laisser présager des débats animés à l’Assemblée nationale.
En attendant, Viginum a entamé un travail de compréhension du contexte locale et des enjeux dans la sous-région Pacifique, autour du référendum 2021 sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. L’agence regarde également l’Allemagne, où les élections fédérales se tiendront le 26 septembre prochain.
D’autres pays ou groupes d’États sont dotés d’entités semblables à Viginum. En 2015, l’Union européenne avait par exemple créé «East Strat Comm», spécifiquement consacrée à lutter contre les manipulations en provenance de Russie. Au Royaume-Uni le programme NSCT, rattaché aux services du premier ministre, est chargé de ces missions.La rédaction vous conseille