France : le fantasme du « grand remplacement » entretient la peur de l’immigration
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D’après les chercheurs consultés par le grand quotidien américain, « on trouve un nombre croissant de Français musulmans qui affirment que la discrimination a été un puissant facteur de leur départ et qu’ils se sont sentis contraints de quitter la France en raison d’un plafond de verre de préjugés, d’un questionnement persistant au sujet de leur sécurité et d’un sentiment de non-appartenance ».
Cette ambiance délétère est accentuée, ces derniers mois, par le contexte électorale de la présidentielle d’avril, explique l’enquête, où « les trois principaux rivaux du président Emmanuel Macron – qui devraient cumuler près de 50 % des voix, selon les sondages – mènent des campagnes anti-immigration qui attisent des craintes que la nation serait confrontée à une menace civilisationnelle de la part d’envahisseurs non- européens. Le thème est au cœur de leurs programmes, bien qu’en réalité le nombre d’immigrés en France reste derrière la plupart des autres pays d’Europe ».
Dans les débats électoraux, le phénomène de l’exil de ces Français musulmans est complétement ostracisé. « Ni les politiciens ni les médias n’évoquent ce flux, alors même qu’il témoigne, selon les chercheurs, de l’échec de la France à garantir un ascenseur social même aux membres les plus brillants de l’une de ses plus importantes minorités, d’une ‘’fuite des cerveaux’’ de ceux qui pourraient servir de modèles d’intégration », note le New York Times.
Témoignages poignants
Le quotidien américain rappelle que « les actes antimusulmans étaient en hausse de 52 % en 2020 par rapport à l’année précédente, d’après les plaintes relevées par la Commission nNationale cConsultative des dDroits de l’hHomme. Les incidents se sont multipliés depuis dix ans, avec un pic en 2015. En 2017, une rare enquête publique révélait que les jeunes hommes perçus comme Arabes ou Noirs étaient 20 vingt fois plus susceptibles d’être soumis à un contrôle d’identité par la police ».
Par ailleurs, « sur le marché du travail, les candidats avec des noms aArabes ont 32 % moins de chances d’être contactés pour un entretien d’embauche, selon un rapport gouvernemental publié en novembre dernier ».
Être un « bon Arabe » en France, ou la tentation de ne plus en être un
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Le journal explique que « les Français musulmans, 10 % de la population selon les estimations, occupent une place étrangement disproportionnée dans la campagne [électorale] – même si leurs voix se font peu entendre. C’est une indication non seulement du profond traumatisme infligé par les attentats de 2015 et 2016, qui ont fait des centaines de victimes, mais aussi d’années de débats en France autour des questions identitaires et de ses rapports non résolus avec ses anciennes colonies ».
Le New York Times cite les « expressions chocs » de certains candidats, telles de que « les zones de non-France » assumées évoquées par Valérie Pécresse (Les Républicains) ou encore le programme du polémiste d’extrême droite ou encore Éric Zemmour, qui a déclaré que les employeurs avaient le droit de refuser de recruter des Noirs et des Arabes !.
Le journal ne se contente pas des analyses de chercheurs, il va aussi à la rencontre de ces Français musulmans pour sonder leur désarroi de nouveaux exilés.
C’est le cas par exemple de l’écrivain Sabri Louatah, auteur de la série de quatre romans à succès (adaptée en série pour la télévision) Les Ssauvages, qui dorénavant suit la campagne électorale française à partir de Philadelphie, aux États-unis. Il s’y est installé avec sa famille depuis les attentats de 2015 en France.
« Une mixité décomplexée inimaginable en France »
« Avec le raidissement de l’opinion qui a suivi à l’égard de tous les Français musulmans, il ne se sentait plus en sécurité dans son propre pays. Un jour, on lui a craché dessus et on l’a traité de ‘’sale Arabe’’ », raconte le New York Times, qui rapporte le témoignage de cet écrivain de 38 ans : « C’est vraiment les attentats de 2015 qui m’ont fait partir, j’ai compris qu’on n’allait pas nous pardonner. ».
« C’est vraiment les attentats de 2015 qui m’ont fait partir, j’ai compris qu’on n’allait pas nous pardonner »
– Sabri Louatah, écrivain
Un autre exilé témoigne, Elyes Saafi, responsable marketing de la branche londonienne de la société financière américaine StoneX, qui a agrandi dans l’Est de la FranceFrance, témoigne :. « Quelque chose qui m’a marqué ici [à Londres], c’est le fait d’avoir des repas, des dîners corporate, où il y a un buffet végétarien, un buffet halal, mais que tout le monde se mélange […] Le CEO vient et il a un turban sur la tête, et malgré tout il vient et côtoie ses employés. ».
Lui et sa femme Mathilde, qui ont trouvé à Londres « une mixité décomplexée qui est inimaginable en France », ne veulent plus rentrer. « Au Royaume-Uni, je ne suis pas inquiète d’élever un enfant aArabe », explique Mathilde.
D’après un des rares chercheurs qui travaillent sur le départ des Français de confession musulmanes, Jérémy Mandin, beaucoup de ces derniers étaient ont été déçus par le fait « d’avoir joué selon les règles, d’avoir fait tout ce qu’on ce qu’on leur avait dit et, au final, de ne pas accéder à une vie désirable ».