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Faut-il faire du fait religieux une matière à part entière ?
La laïcité n’interdit nullement de parler de religions à l’école, mais conduit à les aborder sous l’angle du savoir en se plaçant dans le registre de la connaissance et non dans celui de la transmission de la foi ou du partage d’expérience.
Le rapport du philosophe Régis Debray en 2002, est en effet d’enseigner les faits religieux en passant par les disciplines scolaires. En posant une claire distinction entre le religieux comme objet de culte et le religieux comme objet de culture. Cet enseignement du fait religieux se veut rigoureusement « laïque ».
Cette approche pédagogique et distanciée peut offrir une réponse à ce que le ministère de l’éducation nomme les « replis identitaires » et le « relativisme ambiant » d’une « société en perte de repères ». Certes, elle ne saurait constituer un antidote absolu contre la tentation du djihad. Mais elle pourrait concourir davantage au vivre ensemble.
Dans son rapport publié en 2002, peu après les attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis, Régis Debray estimait déjà que « la relégation du fait religieux hors des enceintes de la transmission rationnelle (…) favorise la pathologie du terrain au lieu de l’assainir
Convaincus que l’ignorance des fondements et du rôle des religions empêchait les jeunes de comprendre le monde, voire nourrissait les extrémismes, les pouvoirs publics ont depuis surmonté les résistances et introduit dans les programmes des éléments de savoirs sur les principales confessions.
Si cette démarche n’est plus guère contestée, les pratiques de terrain sont parfois décevantes. Et des voix s’élèvent pour que le « renforcement » annoncé soit aussi l’occasion de donner de nouvelles ambitions à cet enseignement.
Faut-il faire du fait religieux une matière à part entière ?
Un récent rapport sénatorial portant sur la lutte contre les discriminations préconisait de faire du fait religieux une matière d’enseignement à part entière.
À qui doit-on confier cet enseignement ?
Conçu de manière transversale, l’enseignement du fait religieux est dispensé par les professeurs des écoles dans le primaire à partir du CE2, puis, dans le secondaire, par les professeurs d’histoire-géographie (naissance des religions, rôle de l’Église au Moyen Âge, etc.), de français (lecture d’extraits de la Bible et autres textes sacrés), d’arts plastiques ou encore de philosophie (possibilité d’étudier des textes de Saint-Augustin, Averroès ou Saint Thomas d’Aquin).
Depuis l’institution de l’école républicaine, le fait religieux divise les français. Pourtant, il s’agit d’un véritable élément de civilisation … un lien qui structure l’humanité. Il s’agit, au nom de la sauvegarde des humanités, de rendre possible la transmission des cultures religieuses.
La notion de laïcité républicaine comme la liberté de conscience et du culte, mais aussi la liberté d’intelligence, permet de voir dans l’enseignement du fait religieux une visée démocratique qui se doit d’être davantage équilibrée. L’opinion française, dans sa majorité, approuve l’idée de renforcer
l’étude du religieux dans l’école publique. Le but n’est pas de remettre « Dieu à l’école » ! Nous ne sommes pas là pour faire le catéchisme1 !
Mais comment comprendre le 11 septembre 2001 et nos propres évènements, en France, du 7 janvier 2015 sans remonter au wahhabisme, Salafisme, Tabligh, Frères Musulmans, aux fondateurs des dérives dans la violence, aux diverses filiations coraniques ?
L’inculture religieuse, selon nombre d’indices, affecte autant les établissements privés à profil confessionnel que l’école publique. Plusieurs indices montrent que l’ignorance, en ce domaine, est corrélée – à grande échelle – au niveau des études et non à l’origine religieuse des élèves ou à leur appartenance familiale.
Aujourd’hui, une minorité veut imposer sa conception littéraliste de l’islam. Un climat défaitiste pourrait dominer les intellectuels musulmans qui constatent que l’état courtise les imams au dépend d’un vrai espace laïc. Les recherches, sur le « Fait Religieux » permettant de comprendre comment déconstruire les thèses extrémistes prônées par les discours fondamentalistes, doivent produire un discours positif puisé dans les valeurs universelles et l’humanisme et la Laïcité. Ces concepts, dans ma mission d’aumônier, sont une solution. J’ai donc, depuis 4 ans, créé un diaporama et 53 panneaux, dont 10 offert par la BNF–Paris, sur le Fait Religieux. Ces outils doivent être diffusés auprès du public, des enfants des lycées et des collèges. Il ne faut pas oublier que l’ignorance du facteur religieux, l’inculture sur l’islamisme, la méconnaissance de la laïcité, l’absence de formation des imams et des aumôniers, engendrent bien d’autres fractures.
Ces concepts cherchent à promouvoir le « Vivre Ensemble » parce qu’ils développent des outils sous un angle laïque, non confessionnel avec un principe fondamental, une stricte neutralité vis à vis des religions dans un grand respect des croyances. En abordant l’Histoire des Religions, on fait le lien avec l’ensemble des religions monothéistes.
Aujourd’hui, la menace d’attentats n’a jamais été aussi élevée, notamment en raison de l’implication de la France dans la lutte contre Daesch. Ceux qui se radicalisent et partent en Syrie pour rejoindre le Daesch ou Jabbat al Nosra, s’engagent dans ce qui est violence, cruauté, terrorisme, terreur et massacres.
Aujourd’hui, il faudrait que les imams, dans les mosquées, prêchent en français. Qu’ils parlent de l’instruction civique, de la laïcité et du respect de la France, notre pays ! Il faut savoir qu’actuellement, certaines mosquées, dépassées par les islamistes, entreprennent de porter plainte auprès de la Justice. Un décret – loi est en cours de validation par le Ministère de l’Intérieur, rendant obligatoire la formation des imams et des aumôniers, dès cette fin année 2017.
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1 Aumônier depuis 26 ans, je suis préoccupé par le « Vivre Ensemble » depuis de longues années. Dans les prisons, la population carcérale musulmane représente entre 50 et 60 % des détenus. Les détenus musulmans ne connaissent pas leur religion ; ils sont même nombreux à avoir oublié leur langue d’origine. Madame Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, entourée de trois collaboratrices, m’a reçu à Paris le 6 janvier 2015. Durant l’entretien, je l’ai informée sur la marginalisation gravissime des quartiers et de l’insécurité ambiante dans certaines villes de Savoie et en dehors de la Savoie.