Personne n’a jamais songé à le nier : la femme aussi descend du singe…
Comme les seins ou les muscles, les poils font partie de l’arsenal destiné à éblouir l’autre sexe. Non-binaire dans sa grande sagesse, la nature a donné de tout à chacun : elle a muni l’homme de petites mamelles inoffensives et la femme de 5 millions de follicules pileux, moins drus que ceux de son collègue, mais aussi nombreux. À chaque époque, ses lubies. Les filles de la Grèce antique brûlaient leurs poils pubiens à la lampe à huile. Les machos Romains s’arrachaient ceux des jambes, du torse et du sexe. Les dames du Moyen Âge s’épilaient les sourcils et le front (mais pas les jambes). Les gentilshommes de l’Ancien Régime se rasaient de près, barbes et moustaches étant réservées à la soldatesque. Celles-ci ont repris du poil de la bête au XIXe siècle, avec le prestige de l’uniforme. Chez les dames, une lèvre supérieure ombragée était sexy (Balzac, Maupassant), et l’Origine du monde, de Courbet, indique la tendance sous les jupons. Au XXe siècle, quand les poilus de la Grande Guerre furent des gueules cassées à oublier, l’essor du tertiaire fit émerger des types au menton glabre et des bimbos genre Sophia Loren avec de jolies touffes soyeuses sous les aisselles…
SIMONE DE BEAUVOIR AVAIT-ELLE DU POIL AUX PATTES ?
C’est dire si politiser la chose est oiseux. Simone de Beauvoir avait-elle du poil aux pattes ? Rien n’est moins sûr. Si la philosophe voyait dans la mode un vecteur d’aliénation, qui « coupe le corps féminin de sa transcendance » elle jugeait absurde de renoncer au maquillage ou au vernis à ongles, comme le préconisent certains misogynes puritains. Pour autant, le négligé ne signe pas un retour au primate, bien au contraire (comme en témoigne le dandysme de la barbe de trois jours). Les hippies emmerdaient leurs parents et l’hygiénisme bourgeois en ressemblant à des brahmanes anorexiques. Les filles modernes affichaient des tignasses pouilleuses à la Janis Joplin et un « maillot » d’une foisonnante naturalité, voir les toisons de Maria Schneider dans le Dernier Tango à Paris ou de Sandrine Bonnaire dans Police toutes deux mises en scène par des réalisateurs grognons, peu enclins à défendre la lutte des femmes.
Les années 1990 voient le boum de la pornographie et de l’épilation « en ticket de métro », devenue intégrale avec le nouveau millénaire et YouPorn. L’idéal érotique est un clone de Barbie, avec des seins en obus (souvent en plastique) et un sexe de petite fille. Certains soulignent le paradoxe d’une époque qui réprouve la pédophilie mais promeut des corps féminins lisses comme des fesses de bébé… De nos jours, Instagram, #MeToo et le narcissisme de masse poussent cette tartufferie aux confins de l’absurdie. Dans la série je veux le beurre du sex-appeal et l’argent du beurre du féminisme, on découvre des mannequins sublimes de partout exhiber, comme un trophée de la subversion, trois poils en bataille émergeant d’un dégueulis de lingerie fine hors de prix.
Des minettes vont jusqu’à se teindre le minou aux couleurs de l’arc-en-ciel pour défendre la cause LGBT. Des actrices hollywoodiennes sur-botoxées rêvent de « partir en croisade pour la défense des poils pubiens ». Des graphomanes de la Toile se plaignent de la galère du poil incarné comme ultime brimade du patriarcat. Des artistes graphistes postent des clichés complaisants et dénoncent les « commentaires extrêmement durs » voire les « menaces de viol » récoltés (« Tout ça pour quelques poils sur mes jambes ! »). Enfin, des imbéciles divers concluent leurs articles de presse par de farouches : « En 2021, on devrait quand même avoir le DROIT de faire ce qui nous plaît ! » Mais oui, cocotte.