L’expression proverbiale « s’en soucier, s’en moquer comme de l’an quarante », un peu familière, a un sens reconnu : « Se dit d’une chose à laquelle on n’attache pas la moindre importance » (TLFi). Mais de quel an quarante s’agit-il ? Chaque époque a cru parler d’un an 40 différent. Parcourons donc le temps. Selon une première explication, cette expression vient de craintes superstitieuses selon lesquelles la fin du monde devait avoir lieu « en l’an 40 du XIe siècle. Mais lorsque l’époque redoutable fut passée, on ne fit plus que rire de ces craintes puériles. » (TLFi, citant le « Larousse du 19e siècle »). La deuxième explication est sans doute la plus intéressante, car elle s’appuie sur la forme : « an quarante semble une altération de Alcoran » (TLFi, cf. « FEW », t. 1, 1948, s.v. « alcoran »), autre appellation du Coran : « s’en moquer comme de l’alcoran ». On imagine qu’au temps des Croisades, les chevaliers chrétiens se moquaient bien du Coran. Selon d’autres, cette expression était « employée par les royalistes pour signifier qu’ils ne s’inquiétaient pas plus de qqch. que de l’an quarante de la République qu’on ne verrait jamais » (Robert). Et de fait, le calendrier républicain a été abrogé avant l’an 40, à la fin de l’an XII précisément, au début de 1806. Enfin, on ne retiendra pas la référence à l’an 1940, année de la défaite française, dont on pourrait se moquer, par ironie, car notre expression est très ancienne. Attention à ne pas voir trente-six chandelles à la lueur de ces explications.Jean-Christophe Pellat.
Autre point de vue, autre nuance :
Cette expression apparaît en 1790 sous une forme plus vulgaire : « s’en foutre comme de l’an 40 ». Selon certains, l’an 40 serait la déformation de l’Alcoran (du Coran, comme on l’appelle au siècle des Lumières).
Autre possibilité, il faudrait y voir une allusion à la fin du monde prévue pour 1040, ou au roman d’anticipation L’An 2440, rêve s’il en fut jamais de Louis-Sébastien Mercier, paru en 1771.
Un nombre symbolisant l’attente
Mais pourquoi 40 ? Dans la Bible, ce nombre symbolise l’attente pendant l’épreuve : le Déluge dure 40 jours, le peuple hébreu erre 40 ans dans le désert, David puis Salomon règnent chacun 40 ans sur Israël, Jésus se retire 40 jours dans le désert après son baptême, alors qu’il est tenté par le diable… Et l’an 1940 alors, si terrible pour la France ? On s’en moque !
Jean-Paul Roig