L’un dit blanc, l’autre noir, d’autres brandissent le gris… Et plus personne ne comprend rien. Difficile de s’y retrouver dans les différentes annonces à propos de la contagiosité des personnes vaccinées mais infectées par le variant Delta à travers le monde. Outre-Atlantique, on crie à la catastrophe. Les masques sont de nouveau préconisés aux personnes vaccinées dans les zones les plus touchées par le virus.
Autre ton dans l’Hexagone. Jean Castex a assuré que « les analyses faites sur ces personnes (vaccinées, N.D.L.R.) montrent qu’en réalité elles n’ont plus de chance d’attraper la maladie ». Et son ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de surenchérir : « Quand vous êtes vacciné, vous ne risquez pas de contaminer les autres, alors que si vous n’êtes pas vacciné, vous faites courir ce risque », a-t-il pointé sur France Info. Mais là, nouveau rebondissement : le journal Le Monde titre Covid-19 : de nouvelles données suggèrent que les personnes vaccinées peuvent transmettre le virus.
Vous ne savez plus qui écouter, et comment vous comporter si vous avez été vacciné ? Marianne fait le point sur l’état des connaissances à ce sujet avec Pierre Tattevin, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Rennes et président de la société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF).
PFIZER EST-IL MOINS EFFICACE AVEC LE VARIANT DELTA ?
Selon des données publiées par le ministère de la Santé israélien jeudi 22 juillet, le vaccin Pfizer ne protégerait plus qu’à 39 % contre le variant Delta. Cela signifie que les personnes ayant terminé leur cycle vaccinal avec le vaccin Pfizer n’ont plus que 39 % de risque en moins de contracter la maladie. Un taux relativement faible, et donc une annonce inquiétante.
Mais celle-ci est à prendre avec précaution, comme le souligne Le Monde. L’étude inclut par exemple assez peu de patients. « La marge d’erreur est donc potentiellement assez importante », tempère Pierre Tattevin. À noter que les données ne remettent pas en cause l’efficacité contre les formes sévères à modérées de la maladie, et donc la très haute protection contre les hospitalisations.
L’EFFICACITÉ DE LA VACCINATION DIMINUE-T-ELLE AVEC LE TEMPS ?
C’est une « explication probable »des chiffres avancés par Israël, selon Pierre Tattevin. « Peut-être que les personnes incluses dans cette étude ont reçu leur injection il y a plusieurs mois. » La campagne vaccinale a été lancée tôt dans l’État Hébreu, et un pourcentage important de personnes a sûrement été immunisé il y a plusieurs mois. « La protection évolue avec le temps », insiste l’infectiologue. On sait par exemple qu’il faudra sûrement une troisième dose mais quand faut-il l’injecter ? ». L’État hébreu lance par ailleurs une campagne de vaccination « complémentaire » avec une troisième dose pour les plus de 60 ans.
Les premières études portant sur l’efficacité des vaccins contre le variant Delta mettaient pourtant en avant des protections dépassant 90 % pour les technologies à ARN. Mais ces travaux avaient été menés peu de temps après le début de la campagne de vaccination.
En France, où la vaccination a pris de l’ampleur plus tard, seuls 6 % des nouveaux tests positifs du 28 juin au 4 juillet en France concernent des personnes complètement vaccinées, note la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).
VACCINÉS, EST-ON TOUJOURS AUSSI CONTAGIEUX ?
Aux États-Unis, une note alarmiste du centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) estime que le variant Delta est aussi contagieux que la varicelle, et met à mal la protection des vaccins. Surtout, ce même document mentionne que la charge virale des personnes vaccinées infectées par le variant Delta pourrait être aussi élevée que celles des non vaccinées. Or une charge virale élevée sous-entend que la personne est contagieuse. « Les vaccinés peuvent transmettre le virus, c’est un fait », confirmait le Dr Anthony Fauci, conseiller médical de la Maison-Blanche, mardi 27 juillet.
Une autre étude, chinoise cette fois, publiée le 7 juillet dans la revue Virological, montre que la charge virale est multipliée par 1 000 chez les patients atteints par le mutant Delta par rapport à la souche d’origine du Sras-Cov-2 (et non pas la souche Alpha, c’est-à-dire le variant britannique). « La quantité de virus est tellement importante chez les personnes malades qu’il se répand beaucoup plus vite », traduit Pierre Tattevin, qui juge l’étude « convaincante et bien menée ». Autre information de ces travaux : l’incubation plus courte avec ce mutant. Le pic de l’infection survient quatre jours après le contact à risque contre six avec les autres souches.
Sauf que la contamination dépend aussi d’autres facteurs. « La durée de portage de la maladie importe également », précise le scientifique. Ainsi, il se pourrait par exemple que l’infection dure moins longtemps chez les immunisés. « Dans ce cas, forcément, la probabilité qu’ils contaminent quelqu’un d’autre diminue », insiste le Pr Tattevin. En bref, cette charge virale équivalente ne permet pas de conclure directement sur la contagiosité équivalente des piqués et non piqués.
POUR CONCLURE
Ces mauvaises nouvelles ne remettent pas pour autant en cause l’importance de la vaccination. Elle réduit tout de même grandement le nombre d’infections, mais aussi le nombre de formes graves. Pour autant, les données sur la contagiosité et l’efficacité vaccinale sont mouvantes. « On aimerait avoir un chiffre définitif de l’efficacité vaccinale à présenter, mais c’est encore tôt », assure le scientifique. À la fois parce que l’efficacité varie probablement au cours du temps, et parce que la contagion ne dépend pas uniquement du statut vaccinal, mais aussi des conditions, par exemple extérieures ou intérieures, ou encore du respect des gestes barrières.
« Quoi qu’il en soit, les personnes vaccinées sont tout de même protégées, et transmettent moins le virus », conclut le Pr Tattevin. Ce qui justifie malgré tout, selon l’infectiologue rennais, « de continuer à porter son masque en intérieur et lors des situations à risque, même vacciné ». Et de conclure : « le vaccin est une arme, pas une solution miracle. »
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