Amine Elbahi est juriste en droit public et militant associatif à Roubaix. Depuis la diffusion du documentaire de «Zone interdite » sur l’islam radical, il est menacé de mort et placé sous protection policière.
Il aura fallu un nouveau reportage pour montrer l’ampleur de la fracture économique et sociale à Roubaix, là où se trouvent les fondements du séparatisme islamiste enraciné dans plusieurs de nos quartiers. Je m’étonne de notre capacité à nous émouvoir collectivement d’une situation que nous connaissons depuis bien longtemps. Comme un certain nombre de citoyens, j’avais déjà alerté en 2016 sur la carence de l’État et la montée progressive de l’islam radical dans une tribune que j’avais intitulée « Elle est partie défier la République qui n’a pas su la retenir »*. Roubaix comme de nombreux territoires en France sont devenus le symbole de l’échec de l’État, incapable d’affirmer son autorité. Pourtant, au lendemain du reportage de Zone interdite sur l’islam radical dans la ville de Roubaix, plusieurs opérations de contrôles de police ont été ordonnées et des commerces ont été fermés par le préfet. Une fois de plus, sans doute, une fois de trop, l’État n’a pas agi : il a réagi.
C’est donc la conception de l’exercice du pouvoir au sommet de l’État qui doit pouvoir être librement discutée, à l’aube de l’élection présidentielle de 2022. Par lâcheté, l’inaction d’un certain nombre de nos responsables politiques a consacré un droit à la différenciation. Les islamistes l’ont utilisé en devoir d’appartenance communautaire. Ce renforcement de la discrimination par abstention a nourri nos ennemis qui ont fait de la France un bien vilain mot dans les territoires perdus de la République. Pour retrouver une société de confiance, il faudra rechercher la responsabilité de certains élus et alourdir leurs peines. Lorsque des élus laissent agir nos ennemis, par action ou par aveuglement, ils doivent pouvoir répondre de leurs actes et être sanctionnés. Nous tiendrons vent debout contre l’islamisme en martelant, haut et fort, notre attachement à la République française, notre fierté partagée d’être français. Ce combat ne nécessite pas de vivre-ensemble, ni de faire ensemble, mais de choisir ensemble dans quelle société de droits et de devoirs nous voulons vivre demain.
Agir pour la réconciliation, c’est aussi consulter largement des citoyens volontaires, des intellectuels, des journalistes, des professeurs, des élus et des représentants des cultes pour libérer les musulmans de France du fondamentalisme islamiste.
Amine Elbahi
Face à l’islamisme, la riposte est nécessaire. Elle nécessite des moyens et une ambition qui font défaut actuellement. Pour cela, il faudra sortir du déni, sans stigmatiser, ni sombrer dans l’exagération. Aujourd’hui, si la quasi-totalité des musulmans en France respectent les lois de la République, une minorité bruyante, adhérant à un Islam radical, s’exprime et agit en leur nom. Mais qui est islamiste et qui ne l’est pas ? Le combat contre l’islamisme est devenu un slogan face auquel nos responsables politiques sont incapables de déterminer précisément qui est leur ennemi. Le défi pour la République sera d’affirmer ce qu’elle tolère et ce qu’elle ne veut pas sur son territoire. Pour cela, j’appelle de mes vœux à une contre-offensive républicaine par l’instauration d’une Convention nationale face à l’islamisme. Agir pour la réconciliation, c’est aussi consulter largement des citoyens volontaires, des intellectuels, des journalistes, des professeurs, des élus et des représentants des cultes pour libérer les musulmans de France du fondamentalisme islamiste. En nous accordant ensemble sur l’identité de notre ennemi, nous allons agir efficacement contre l’islamisme, en déployant l’appareil de l’État, tout en garantissant la liberté de culte et la laïcité.
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Si la République doit agir partout, l’école doit assumer sa volonté unificatrice autour de notre héritage commun. Elle doit être l’incarnation de la transmission de notre histoire, de notre mémoire et de notre patrimoine. L’école doit permettre d’exporter notre culture française et nos idéaux universels, grâce à notre langue. Pour cela, il faudra renforcer les exigences en matière de syntaxe, d’orthographe, de conjugaison, de lecture et de littérature. L’école n’est pas seulement le lieu de la transmission des droits, elle doit aussi faire respecter les devoirs en renforçant l’instruction publique, en exigeant la connaissance des savoirs, en affirmant l’autorité du professeur. Elle doit être l’impulsion de la méritocratie républicaine : le travail doit être récompensé par l’instauration d’écoles professionnelles d’excellences, par un plan de transformation social et professionnel pour répondre à tension actuelle sur le marché du travail. C’est en cela que l’école doit pouvoir réveiller l’âme française, la partager, la faire aimer. L’école demain a l’obligation de faire réfléchir nos futurs enfants et d’anéantir les idéologies totalitaires. Par notre histoire, par la géographie, de permettre aux citoyens de demain de se mouvoir librement dans le temps et dans l’espace, de permettre aux enfants de Marianne, éclairés par les lumières de Jean-Jacques Rousseau, de s’élever socialement.
Pourquoi notre pays qui subventionne à coups de millions d’euros la construction de logements sociaux dans les territoires urbains n’aurait-il pas son mot à dire sur le peuplement des quartiers ?
Amine Elbahi
Le projet de réconciliation dans notre pays doit enfin se conclure par la Fraternité. Nous rassembler autour de notre diversité, de ce qui nous ressemble en tant que citoyen, plus que de ce qui nous oppose en tant qu’individu. La lutte contre la pauvreté extrême est un terreau sur lequel les islamistes interviennent. Le communautarisme s’est aussi installé là où l’État n’a pas agi. Pourquoi notre pays qui subventionne à coups de millions d’euros la construction de logements sociaux dans les territoires urbains n’aurait-il pas son mot à dire sur le peuplement des quartiers ? Pour cela, je propose un plan anti-ghettos : l’État doit agir lui-même contre les ghettos à ciel ouvert, c’est-à-dire instruire lui-même l’attribution des logements sociaux par un dossier anonyme, suivant un numéro de dossier unique et un permis à points. La sérénité sociale sera justement retrouvée lorsque les conditions d’occupation d’un logement seront contrôlées tous les trois ans. La justice sociale sera rendue lorsque les décisions d’attributions d’un logement social pourront être abrogées à tout moment, lorsque les conditions d’octroi ne sont plus remplies.
Notre pays, la France, a besoin de femmes et d’hommes, unis dans leur diversité, issus de tous les territoires, populaires et urbains, prêts à agir avec fierté et humilité, pour la défendre. Plus que jamais, je suis convaincu à l’idée que ces leviers sont des moyens efficaces pour lutter contre les séparatismes qui avancent chez les jeunes. À nous de nous reparler pour faire aimer la France.
*Dans cette tribune, l’auteur faisait référence à sa sœur, partie rejoindre l’État islamique en Syrie.
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