A l’occasion de la journée mondiale de la justice sociale, et face aux malaises des adolescents après deux ans de pandémie, la fondatrice de Notre avenir à tous prône la mise en place de journées d’intégration afin de faciliter durablement les relations entre élèves.
Ce dimanche, journée mondiale de la justice sociale, est l’occasion de réfléchir à ces moments d’inégalité imperceptibles pour les uns, et si frustrants pour les autres. La justice sociale c’est aussi l’accès au groupe, et c’est aussi pouvoir s’éloigner de ses soucis.
Des amitiés fragilisées
Les soucis, les adolescents en ont pourtant beaucoup. Deux ans après le début de la pandémie, les amitiés, d’autant plus importantes que la vie à la maison est inégalement agréable et protectrice, ont été fragilisées. Les rentrées scolaires sont devenues moins naturelles. Certains se sont retrouvés, mais d’autres avaient trop changé, et se sont sentis étrangers dans le cadre habituel de la salle de classe, lorsque masqués ils se sont assis avec leur apparence transformée.
Beaucoup d’études, beaucoup de chiffres, parlent de nos adolescents. Globalement ils vont mal. Mais pourquoi ? Pourquoi un adolescent sur dix a déclaré en octobre avoir pensé à l’idée de se tuer, pourquoi cette épidémie de troubles psychologiques qui submerge les hôpitaux où se présentent des adolescents déprimés, angoissés, phobiques, scarifiés, isolés, incapables de sortir de leur chambre, ou de se détourner de leurs idées noires ?
Faciliter les liens d’amitié avec les pairs est une urgence. L’amitié crée des alternatives attrayantes aux écrans. Elle peut faire diminuer durablement la violence et les incivilités à l’école. Elle constitue une réponse non anxiogène à la question écologique, et un précieux antidote contre la déprime.
Confinés, nos enfants ont suivi un cours en accéléré mais à distance, seuls, sur tout ce qui peut être source d’angoisse à propos de leur avenir. Les messages de Greta Thunberg, qui avait prôné une grève de l’école (c’était son choix), ont bruissé à l’oreille d’adolescents qui se sont trouvés ensuite assignés à résidence.
Quelles sont les options possibles pour ceux (presque tous) qui s’intéressent à l’état de la planète ? Certains se sentent assez forts pour se vivre en reconstructeurs, en aidants ; c’est le cas de ceux qui s’engagent, de plus en plus jeunes. D’autres se vivent en participants ; c’est le cas de tous les élèves impliqués, qui voient l’école comme une ressource. Mais de plus en plus nombreux sont ceux pour qui le sens même d’aller à l’école s’évapore.
Répondre à l’envie de collectif de notre jeunesse
Nos adolescents ressentent une forte pression face aux malheurs du monde, et se disent privés d’optimisme. Nous leur devons une remise en question du cadre que nous leur offrons pour grandir, et une redéfinition de la mission éducative. En 2022, quatre-vingt-dix ans après qu’Edouard Henriot a fait rebaptiser l’Instruction publique en Education nationale, la mission éducative faillit lorsque l’école se limite à un lieu de comparaison et d’évaluation individuelle qui complexe, et non un lieu d’élévation collective qui inspire. En 2022, l’envie de collectif est une aspiration de notre jeunesse. Nous devons y répondre.
Cultiver l’esprit de groupe grâce à l’école, c’est le socle d’une politique nouvelle de lutte contre l’injustice. Des écoles innovantes ont compris cela depuis longtemps, et font le bonheur des élèves chanceux qui les fréquentent. Mais c’est toute l’école qui doit porter cette ambition de rupture. Il ne s’agit pas de changer les programmes. Il s’agit d’accueillir les élèves comme des individus que l’on accompagne sur le chemin qui est bien le leur, avec la considération de la personnalité de chacun, qui fait la force du groupe.
Accueillir c’est en septembre. Une action emblématique permettrait d’amorcer cette transition éducative : des journées d’intégration dans les années collège. Il s’agirait de commencer l’année dans tous les collèges de France par deux ou trois journées début septembre, pour apprendre à se connaître avant de se mettre à travailler, sans autre ambition que de faciliter les liens entre pairs. Car nouer des liens à cet âge, c’est indispensable pour se construire, et c’est contribuer à abattre les murs.
Tout cela demandera une organisation afin que progressivement tous les établissements puissent y participer, en commençant par ceux des zones d’éducation prioritaires. Alors davantage d’enfants auront un sentiment d’équité.
La mise en œuvre d’une transition éducative fondée sur le lien entre les enfants peut faire reculer la lame de fond qui menace l’école et au-delà le lien social, une vague dont les symptômes actuels des adolescents sont un signe précurseur. L’excellence n’est pas que dans le rapport Pisa. L’excellence doit aussi être mesurée dans la qualité des relations entre les élèves. Car la justice sociale ne s’apprend pas, elle se pratique.