On ne débat plus, on dynamite, on disperse, on ventile. En un mot: on élimine. L’insulte a remplacé l’argument, le procès, la controverse. La liste des «ostracisés» s’allonge de jour en jour: Alain Finkielkraut, Marcel Gauchet, Élisabeth Badinter, Sylviane Agacinski, Michel Onfray, Régis Debray… Les états de service des uns comme des autres n’y changent rien, comme en témoigne l’emblématique Jacques Julliard (lire encadré ci-dessous).
C’est précisément par refus de considérer la gauche comme «le camp du Bien» qu’Élisabeth Lévy l’a définitivement quittée, après un bref rapprochement avec Jean-Pierre Chevènement – «une gauche tellement particulière qu’il était traité d’homme de droite» , rappelle-t-elle. La fondatrice et directrice de la rédaction du mensuel Causeur, chroniqueuse sur CNews et à Sud Radio, ne s’est jamais «plainte d’être bâillonnée» : «Je ne le suis pas et je me fous éperdument d’être invitée sur France Inter! dit-elle tout net. Ce qui me dérange, c’est que je paie pour France Inter! En tant que contribuable, je voudrais une radio où il y aurait un choc des idées à égalité.»
Plus gênant est l’ostracisme dont son magazine est victime. «Il est beaucoup plus difficile de créer un média de droite ou, disons, pas de gauche, qu’un média de gauche, explique la fondatrice de Causeur . Les banques, mais aussi le monde de la publicité, les autres médias, tous ceux que le sociologue américain Robert Reich appelait “les manipulateurs de symboles” ont peur pour leur image, même quand ils n’en pensent pas moins» . « Causeur n’a jamais les campagnes des gros annonceurs, les mêmes qui mettent volontiers leur pub dans Regards (une revue confidentielle de gauche à la pointe du “wokisme”, NDLR)» , constate Élisabeth Lévy. Elle sait aussi qu’en cas de coup dur, le pouvoir politique n’usera pas de son influence pour «inciter» un riche donateur à voler au secours de son mensuel, mais son exigence de liberté éditoriale s’en accommode fort bien: «On a sauvé L’Humanité, on a sauvé Libération, mais je ne compte sur aucun gouvernement pour sauver Causeur et c’est très bien comme ça. On va se sauver tout seuls!»
Celui qui s’écarte des clous devient un mercenaire, une personne qui flatte les basses passions ou qui bascule dans l’irrationnel
Mathieu Bock-Côté
Élisabeth Badinter partage cette indifférence au traitement qui lui est infligé depuis qu’elle a affirmé qu’il ne fallait pas «avoir peur d’être traitée d’islamophobe» . C’était en 2016, un an jour pour jour après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. «Une partie de la presse de gauche ne m’aime pas du tout et cela m’est égal, affirme la philosophe. Je représente pour elle le monde ancien, celui qui pourrait l’empêcher d’installer sa révolution culturelle.» Elle regrette que «ceux qui pensent autrement et rejettent la culture woke, par exemple, aient désormais peur de s’exprimer . Je considère leur silence comme une lâcheté. Si on n’adhère pas à ces valeurs à la mode américaine, alors il faut le dire.»
Ces différentes formes de mise à l’index sont dénoncées avec force par Mathieu Bock-Côté . «La gauche idéologique a des réflexes sectaires qui me semblent insurmontables, explique-t-il. Comme elle prétend avoir le monopole du vrai et du juste, celui qui s’écarte des clous devient un mercenaire, une personne qui flatte les basses passions ou qui bascule dans l’irrationnel. Car comment ne pas être de gauche? De son point de vue, on ne passe pas à droite mais on dérive à droite.» Il est de bon ton de rappeler aux «traîtres» la portée de leurs actes en les culpabilisant par tous moyens. «La malheureuse Élisabeth Roudinesco en représente un exemple, poursuit le collaborateur du Figaro, de CNews et d’Europe 1 à propos de la psychanalyste. Quand elle a voulu enfin dénoncer le “wokisme”, elle s’est rendu compte qu’elle se trouvait sur la même ligne que de nombreuses personnalités classées à droite. Du coup, elle a renoncé à sa propre dénonciation afin de demeurer à l’intérieur de ce qu’elle appelle “le parti de l’intelligence ”.»
Matraquage médiatique
Lorsque la philosophe Sylviane Agacinski , philosophe classée à gauche, s’est exprimée contre la PMA pour toutes les femmes et la GPA, elle a immédiatement été traitée d’homophobe. Ce qui lui a valu une excommunication feutrée des médias dits progressistes ainsi que l’annulation de sa conférence à l’université Bordeaux-Montaigne en octobre 2019. «Nous sommes en train de changer de modèle, de copier la Californie, de faire de la procréation une industrie , s’alarmait-elle à l’été 2020 alors qu’une poignée de députés votaient la révision des lois de bioéthique tambour battant.
«C’est une corruption de la filiation, une cuisine procréatrice qui menace le droit des personnes, transformées par la GPA en objets.» Sa colère était à la hauteur de sa déception: «Depuis plus de vingt ans, je vois le matraquage énorme de toute une partie de la presse. Il y a un terrorisme aujourd’hui, les gens ont peur. Les députés sont tétanisés» , analysait la philosophe, impuissante à changer le cours des choses, faute de tribune.
On ne passe pas à droite mais on dérive à droite
«Le comble, souligne Michel Onfray , c’est que ceux qui s’en sont pris à Sylviane Agacinski à Bordeaux ou à François Hollande à l’université de Lille (en 2019 également, NDLR) l’ont fait au nom de la liberté d’expression: ce sont des fascistes, donc on ne laisse pas parler les fascistes!» Cette étiquette de «fasciste», le plus lu des philosophes français la porte depuis qu’il a publié Le Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne, en 2010 (Grasset): «Le livre n’était pas encore en librairie que les psychanalystes parisiens les plus puissants dans les médias lançaient une campagne contre moi, en expliquant que l’homme de gauche que j’étais était passé du côté de l’extrême droite puisque je critiquais Freud, et que, bien sûr j’étais antisémite!» se souvient-il.
Ses joutes éditoriales avec Bernard-Henri Lévy sur le cas Roman Polanski ont parachevé sa disgrâce: «Tout le dispositif habituel s’est mis en branle raconte-t-il. Le Monde, Libération, France Inter n’ont plus parlé de moi, sauf pour m’attaquer. Je n’étais ni agrégé, ni normalien, ni professeur digne de ce nom, j’étais antisémite et, en prime, pédophile refoulé, puisque je reprochais à BHL sa défense de Polanski.» Bref, il n’est question que de Michel Onfray dans la presse de gauche, mais elle le prive de parole. Ses livres ont beau être parfois des phénomènes d’édition, ils ne sont pas recensés. En 2018, France Culture cesse de diffuser l’été les podcasts des cours qu’il dispensait gratuitement à l’université populaire de Caen. «Et comme j’ai toujours eu plutôt des bons papiers dans Le Figaro Magazine, Valeurs actuelles et Le Point, preuve est faite que je suis bien d’extrême droite!» ironise le philosophe.
Label «de gauche»
La jeune génération n’est pas épargnée par ce climat de chasse aux sorcières. À l’image de l’essayiste Paul Melun , président du mouvement Souverains demain! «Je vis avec l’angoisse d’être mis au ban simplement pour mes idées, déplore l’auteur du Manifeste pour une France indépendante, écologique et indépendante (Éditions Marie B). Cela est extrêmement grave quand on fait comprendre à un intellectuel de 27 ans qu’il y a des choses à ne pas dire. Un seul exemple: parce que j’avais pris la parole en amont sur l’islamo-gauchisme, un colloque sur la démocratie auquel je devais participer dans un institut d’études politiques a été annulé. Et dire, lorsque j’ai commencé à écrire des ouvrages, que je pensais être plus souvent interviewé par Libé que par Le Figaro!»
L’homme, il est vrai, cumule de nombreux handicaps aux yeux des tenants de la gauche morale: issu d’une famille de gauche, ancien président de l’Unef, il officie aujourd’hui en tant que chroniqueur sur… CNews! «Depuis qu’une certaine gauche me tourne le dos, j’observe d’une façon manifeste la différence entre les élites de gauche et le peuple de gauche, détaille-t-il. Quand je retourne dans les Deux-Sèvres, les élus locaux de gauche, comme les militants, sont charmants avec moi. Ils me parlent avec bienveillance des émissions où je m’exprime et que je considère comme de vrais espaces de liberté: les émissions de CNews, mais aussi les débats avec des journalistes comme Éric Brunet (LCI et RTL) qui subissent l’opprobre de ces gens parce qu’ils osent dénoncer tous leurs manèges.»
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Mais peut-on encore se dire de gauche quand on subit l’opprobre des détenteurs du label? «Si la gauche pense qu’on doit pouvoir louer des utérus, acheter des enfants et faire des interruptions médicales de grossesse à neuf mois, c’est-à-dire tuer un enfant dans le ventre de sa mère pour des raisons psychosociales, ou que les musulmans sont les juifs des années 30, c’est sûr que je n’en suis pas, répond Michel Onfray. Mais la gauche ne peut pas être réduite au Parti socialiste, à la France insoumise et à quelques médias que personne ne lit! Je rencontre beaucoup de gens qui, comme moi, se sentent de gauche et pour lesquels elle n’est pas incarnée aujourd’hui.»
Reste qu’elle demeure en position de force dans les milieux intellectuels, universitaires et parmi les journalistes. Selon Mathieu Bock-Côté, le rééquilibrage médiatique est loin d’être acquis: «La gauche a été si longtemps dominante qu’il lui suffit d’être contestée pour se croire assiégée et la droite a été si longtemps dominée qu’il lui suffit d’être entendue pour se croire dominante.» «L’avantage de la gauche, remarque-t-il, c’est qu’elle conserve le pouvoir idéologique et normatif même quand elle perd les élections.» Et les méthodes qui vont avec la certitude d’être dans le vrai.
Jacques Julliard : «De petites bandes d’aboyeurs et de sycophantes»
Jacques Julliard à l’occasion de la sortie de son dernier livre, De Gaulle et les siens , en novembre 2020.JEAN LUC BERTINI/Le Figaro Magazine
Tout, en vérité, tourne autour de la question de l’islam et de l’islamisme. Une partie de la gauche intellectuelle et un certain nombre de journalistes se sont constitués en chiens de garde pour décider, comme disait le trop célèbre président Delegorgue lors du procès Zola (7 au 23 février 1898), que «la question ne sera pas posée» : répétée des dizaines de fois, cette question concernait la culpabilité de Dreyfus. C’est ce qu’en termes d’artillerie on appelle un «tir d’interdiction» . C’est ainsi que j’ai été l’objet, ainsi qu’un certain nombre de confrères dont je considère la compagnie comme flatteuse, tels Marcel Gauchet, Michel Onfray, Alain Finkielkraut, Luc Ferry , Alexis Brézet, Vincent Trémolet de Villers, d’une mise au pilori pour m’être félicité (Marianne du 8 octobre 2021) que le surgissement d’Éric Zemmour dans la campagne présidentielle ait remis au premier plan la question de l’immigration que les gens convenables poussent régulièrement sous le tapis. «Étrange bienveillance» , décrétaient Ariane Chemin et Ivanne Trippenbach dans Le Monde du 1er décembre dernier. La suite de mon article qui déclarait les solutions de Zemmour impraticables, et même susceptibles de mener à la guerre civile, n’intéressait pas celles que l’usage courant me contraint à nommer des «consœurs». C’était assez, j’avais péché.
Il y a là une véritable dégradation. Au lieu de l’exposé loyal d’opinions divergentes – c’est depuis sa création une des fonctions et l’honneur de la profession -, on voit se multiplier, sous couleur de pétitions, de petites bandes d’aboyeurs et de sycophantes, spécialisés dans la stigmatisation de charrettes de réprouvés. Leur modèle journalistique n’est pas Chateaubriand, Hugo ou Mauriac, mais Fouquier-Tinville et Beria ; ajoutant l’odieux au dérisoire. Si elle se confirmait, une telle évolution serait un désastre pour la démocratie.
Reste la question essentielle. Pourquoi, je vous le demande, ne faut-il jamais parler de l’immigration en général et de l’islam en particulier? Il n’y a qu’une réponse possible: c’est que le peuple est intrinsèquement raciste, et qu’il pourrait faire mauvais usage des informations – fussent-elles exactes – qu’on lui fournirait. Voilà ce qu’il y a d’étrange dans mon comportement: considérer le peuple comme majeur et responsable. La vérité, c’est que la gauche politiquement correcte n’a que mépris pour le peuple depuis qu’elle l’a jeté par-dessus bord. À la lecture des sondages actuels, je crains que le peuple ne l’ait compris.
Cinq figures de la gauche politiquement correcte
• Laure Adler, le cerbère du «vivre ensemble»
La journaliste et écrivaine Laure Adler, ex-directrice de France Culture, en janvier 2021. ©Nathalie GUYON-FTV
Toute en suavité dans «L’heure bleue», son entretien vespéral de France Inter avec une personnalité qui lui parle de ses passions, Laure Adler est beaucoup moins empathique quand elle participe à «C ce soir» , la quotidienne de France 5 présentée par Karim Rissouli . Franz-Olivier Giesbert et Emmanuel Todd , entre autres, en ont récemment fait les frais . L’auteur d’Histoire intime de la Ve République (Gallimard) y déplore ne plus entendre assez parler français à Marseille. «Moi qui n’ai pas lu votre bouquin, où vous en êtes, vous, idéologiquement?» l’apostrophe la sourcilleuse gardienne du vivre-ensemble quand elle le reçoit en plateau.
Qualifiant les propos du journaliste de «tendancieux» , elle rend son verdict: «Vous êtes blanc quoi, et fier de l’être, et y a pas assez de Blancs autour de vous!» Emmanuel Todd, lui, a droit à un procès en lèse féminisme pour avoir contesté dans Où en sont-elles? (Le Seuil), la conception néoféministe du patriarcat et les mouvements selon lui «petits-bourgeois» qui prétendent le combattre comme #MeToo et #BalanceTonPorc. Son échange avec Laure Adler est surréaliste. Il ne cite pas l’anthropologue Françoise Héritier dans son livre? «C’est parce que c’est une femme!» grince l’animatrice. Il qualifie d’«irrégularités statistiques» le déséquilibre actuel entre filles et garçons dans les filières scientifiques, en signalant au passage qu’il a une fille polytechnicienne? Laure Adler le «félicite de l’avoir autorisée à faire des maths» . Bref, Emmanuel Todd a tout faux.
• Jean-Michel Aphatie, le père la morale
Jean-Michel Aphatie, journaliste et animateur de radio de la nouvelle émission politique sur France Info, en février 2022. Francois Bouchon / Le Figaro
Quand Jean-Michel Aphatie a déclaré en 2016 sur Public Sénat que s’il était président, sa première mesure serait de «raser le château de Versailles» pour qu’on «cesse d’y cultiver la grandeur de la France», c’était du «second degré». Mais quatre ans plus tard, quand il a trouvé que Jean-Marc Ayrault, ci-devant premier ministre recasé à la tête de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, avait bien raison de vouloir débaptiser la salle Colbert de l’Assemblée nationale, c’était sérieux. Jean-Michel Aphatie a beau qualifier de «stupides» les polémiques sur le déboulonnage des statues, il regrette l’hommage ainsi rendu à l’initiateur du Code noir. Comme il juge «consternant» que le nom du général Bugeaud, stratège impitoyable de la colonisation de l’Algérie, ait pu être donné à des rues et même à une école. Selon lui, «nos avenues Lénine ou nos allées Robespierre» sont également «minables», preuve qu’il n’est pas sectaire!
S’il ne tenait qu’à lui, son entreprise purificatrice ne s’arrêterait pas à nos monuments et à nos rues. En 2019, il a aussi appelé au boycott d’Éric Zemmour dans les médias. Motif? Inviter ce «délinquant», condamné par la justice pour incitation à la haine religieuse, alors que Dieudonné, condamné pour incitation à la haine raciale, est «interdit de parole» serait faire du «deux poids, deux mesures»! «Un discours antisémite est sanctionné, un discours anti-arabe ne l’est pas», dit celui qui s’honore d’avoir toujours «refusé de débattre» avec le désormais candidat à la présidentielle. Ce statut lui ouvrant de droit un accès équitable aux médias, Jean-Michel Aphatie a reporté sa vindicte sur ses électeurs, ces «Français de chez Français, qui puent un peu des pieds» (déclaration sur LCI, le 5 février).
Bizarrement, ce grand obsédé de la propreté n’apprécie pas le Kärcher. Quand Valérie Pécresse, en campagne dans le Sud, a promis de le «ressortir de la cave» pour «nettoyer les quartiers», le chroniqueur y a vu un «sous-entendu raciste», parce que le Kärcher, c’est bien connu, «ça blanchit tout». Et parce que les «nouveaux barbares», auxquels la candidate de la droite veut s’attaquer, auraient pour caractéristique commune de ne pas être blancs? Voilà un «sous-entendu» qui mériterait d’être exploré!
• Aymeric Caron, l’homme qui murmure aux oreilles des moustiques
Aymeric Caron, aux côtés de Charles Consigny, invités de l’émission «Face à Baba Spéciale Mélenchon», présentée par Cyril Hanouna, le 27 janvier 2022. Jack Tribeca / Bestimage
Aymeric Caron , nostalgique, se souvient de l’époque lointaine où il était vu par des centaines de milliers de Français chez Ruquier, dans l’émission qui n’avait jamais aussi bien porté son nom: «On n’est pas couché». Il y jouait l’inquisiteur en chef aux côtés de Natacha Polony, qui lui évoquait son idole de jeunesse, Jeanne Mas. Hélas, Natacha, n’ayant aucune envie de chanter En rouge et noir – elle préfère Stendhal de loin -, avait eu du mal à supporter l’atrabilaire aboyeur détruisant méticuleusement l’émission hebdomadaire par ses éructations récurrentes.
Ayant été remercié, il fait un petit tour sur France 5 mais refuse d’y débattre avec le directeur de Valeurs Actuelles, «ce torchon», accusé de «banaliser sans complexe les idées les plus puantes». Après avoir participé à l’émission culturelle Fort Boyard, une idée de génie lui est apparue: il a créé avec des amis (dont l’un s’appelle Joyeux) le mouvement REV, soit «Rassemblement écologiste pour le vivant» , car il existe sans doute des rassemblements écologistes pour les morts. Il tempête contre les mères moustiques trucidées par les juillettistes et les aoûtiens alors qu’elles sont enceintes.
En bon antispéciste, il juge que ces malheureuses bêtes «ont le même droit à vivre que vous et moi» et trouve des circonstances atténuantes aux casseurs qui vandalisent les boucheries: «si ces militants se retrouvent obligés d’avoir recours à ces moyens, c’est tout simplement car les voies démocratiques ne servent pas en France». Pour se refaire médiatiquement, il pense avoir trouvé la solution: aller débattre chez le journaliste politique Cyril Hanouna, contre Éric Zemmour. Sa stratégie est simple: le traiter de raciste et lui couper la parole autant que faire se peut.
L’émission n’a pas relancé sa carrière d’humoriste laborieux. Que faire, alors?
Tel Claudel face au pilier de Notre-Dame, il a une révélation: rejoindre la France Insoumise dans sa croisade . Son patron réhabilitera Hugo Chávez, Aymeric, le chevalier poivre et sel, ira combattre en Camargue où les moustiques sont odieusement racisés. À chacun sa cause.
• Rokhaya Diallo, la «victime» idéale
La journaliste et militante féministe Rokhaya Diallo, en avril 2021. JOEL SAGET/AFP
La fondatrice des «Indivisibles» n’aime rien tant que susciter la polémique pour faire progresser ses idées proches du «wokisme». Elle est de tous les combats… et de tous les plateaux télé. Fondatrice des Indivisibles, Rokhaya Diallo est la bonne cliente par excellence des médias où elle est devenue l’avocate attitrée de la cause indigéniste . Dans ce registre, elle ne manque ni de bagout ni d’intransigeance. Parmi les «spécialités» de cette féministe classée à gauche, adepte de la polémique tous azimuts: son goût prononcé pour la victimisation à outrance afin d’imposer ses idées et renvoyer celles des autres dans le camp du mal.
Chroniqueuse du rendez-vous «On refait le monde» (RTL), alors animé par Marc-Olivier Fogiel, elle s’était par exemple émue sur les réseaux sociaux – notamment auprès du public américain, très à cheval sur la défense des minorités – de la manière dont ses interlocuteurs osaient interrompre une femme noire. Une méthode parfaitement déloyale, le concept même de l’émission poussant les invités à se couper la parole entre eux! Collaboratrice du Washington Post, fustigeant «le racisme d’État» en France, elle incarne aujourd’hui un des visages les plus intolérants du «wokisme» importé des États-Unis. La clivante Rokhaya Diallo n’ignore sûrement pas que son militantisme acharné (voire caricatural) contribue à renforcer ses adversaires. Que deviendrait sa carrière cathodique sans eux?
• Edwy Plenel, un censeur sachant chasser
Le journaliste Edwy Plenel dans les locaux de Mediapart, le 12 mars 2019. © Alain Guilhot / Divergence
Son métier à lui, c’est de «produire des informations» et «d’éclairer le débat public». C’est normal, il est dans le camp du bien. Pas comme CNews et tous ces médias qui «corrompent le débat public» et égarent le bon peuple «par le déversement des opinions et pas des informations». Depuis toujours, Edwy Plenel sait faire la différence. Ancien trotskiste, écrivant pour l’organe de la LCR, il serait, selon la légende, devenu l’un des «plus grands journalistes d’investigation en France» . Ce sont pourtant deux des meilleurs jouant dans cette catégorie, Pierre Péan et Philippe Cohen, qui ont causé sa chute. Après la parution de l’explosif La Face cachée du Monde , révélant le fonctionnement ubuesque et pas très à gauche du quotidien dont Plenel était devenu directeur de la rédaction, notre homme s’en est retrouvé évincé.
La suite a été éloquente: avec Mediapart, «Canard déchaîné» numérique, dont Plenel est devenu le censeur en chef, la chasse à l’homme était ouverte. À lui de juger ce qui est faisable ou non: lorsqu’on est au gouvernement, interdit de servir du homard ou de prendre quelques jours de vacances à Ibiza. Les bulots ou le camping seraient-ils préférables? Il faudra organiser une AG pour en décider.
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Quant à payer un homme pour entretenir ses chaussures, c’est la décollation d’office. Mais Edwy Plenel a un grand cœur: il avait soutenu les terroristes palestiniens assassins de 11 athlètes israéliens aux JO de Berlin (il dit le regretter aujourd’hui). Il a aussi beaucoup aimé Tariq Ramadan, ami des femmes et des Frères musulmans, qu’il a trouvé spirituel.
L’enfance des frères Kouachi, du Zola en pire, l’a beaucoup ému. C’est tout juste s’il ne ruisselait pas de larmes. Les survivants de Charlie n’ont pas exactement pleuré pour les mêmes raisons… Le moustachu voit des islamophobes et des racistes un peu partout, en particulier dans les forces de l’ordre. D’ailleurs, le préfet de police de Paris est à ses yeux «le symbole d’un État en guerre contre la société» . Edwy Plenel, ce n’est pas un gag, a reçu le prix du vivre-ensemble lorsqu’il a sorti son livre Pour les musulmans. Ses amis pourraient lui offrir un autre ouvrage: Dénoncez-vous les uns les autres , de Benoît Duteurtre (Fayard). De quoi redonner un bon coup de fouet à Mediapart.