Ce fut pour lui une désagréable surprise. Il y a quelques semaines, le maire de Montpellier a été alerté par ses services du projet de vente de la mosquée Averroès au Royaume du Maroc pour un euro symbolique, avec l’Union des mosquées de France (UMF) comme intermédiaire. De Benjamin Téoule
Ni une, ni deux, le socialiste Michaël Delafosse annonce vouloir préempter le lieu pour neutraliser la transaction. L’édile y voit un enjeu de laïcité et de souveraineté. « Sur notre territoire, le culte ne peut pas être géré par une puissance étrangère », argumente-t-il. Selon lui, « certains élus ne voient pas, certains cèdent. D’autres refusent et je fais partie de ceux-ci ». Et de compléter : « Je ne suis pas le maire qui compose avec des stratégies clientélistes. »
Une décision que ne comprend pas la fédération héraultaise de la Libre pensée. « Ce n’est ni à l’État ni aux collectivités d’organiser les cultes, ni à en faire la promotion, observe Alban Dessouter. Et comme par hasard, ça tombe sur les musulmans ! » Offensif contre le maire sur sa vision de la laïcité, le militant regrette que « la tendance du gouvernement soit appliquée au local », la semaine du débat parlementaire en faveur de la loi sur les principes de la République, initialement intitulée loi contre le séparatisme. « Il y a des pays qui financent des associations religieuses, comme le Vatican ou les États-Unis à destination des évangéliques. Donc, si on doit interdire les mouvements de fonds, c’est pour tout le monde. »
Une mosquée appartenant aux fidèles
Du côté de l’association cultuelle de la plus grande mosquée de la ville installée dans le quartier populaire de la Mosson, le président Lhoussine Tahri raconte avoir besoin de fonds pour la mise aux normes de l’édifice, la réfection de la toiture et pour assurer les frais de fonctionnement, dont le salaire de l’imam. « Depuis mars et la crise sanitaire, les fidèles sont moins présents, il y a moins de rentrées d’argent, mais une mosquée, il faut la faire tourner », a-t-il indiqué dans Midi libre le 6 décembre dernier.
Sous la précédente majorité municipale, les fidèles s’étaient cotisés à hauteur de 1,2 million d’euros pour acquérir le bien à la ville et obtenir leur indépendance. Désormais, dans la communauté musulmane, plusieurs voix reprochent à Lhoussine Tahri la dissimulation de ce projet de cession et pointent un manque de concertation. Dans une vidéo, l’imam controversé Mohamed Khattabi, poursuivi pour agression sexuelle sur mineure, lui demande même de se retirer.
Dans la campagne des municipales, Lhoussine Tahri n’avait pas serré la main de la présidente de la région Occitanie Carole Delga, soutien de Michaël Delafosse, lui reprochant par la suite son absence dans le quartier. « Cela m’a choqué, réagit encore aujourd’hui le maire de Montpellier. Cela ne se fait pas, il y a des codes de vie qui font le commun. »
Sur la laïcité, nous avons été silencieux et il est temps de changer.
Dans cette même bataille électorale, Michaël Delafosse avait refusé de retenir sur sa liste une candidate voilée membre du Parti communiste français. Malgré la polémique, il s’était montré inflexible sur le sujet. « Il n’y a pas vocation à placer sa foi au-dessus de son devoir de représentation des citoyens », estime Michaël Delafosse.
Devenu maire, il avait recadré deux agents municipaux qui portaient le voile dans l’exercice de leur fonction. Et l’avait fait savoir. Dans le même temps, Michaël Delafosse a lancé un grand plan de soutien scolaire public et gratuit pour répondre « à ces endroits où il n’y a plus que le soutien scolaire confessionnel ». Puis, sans passer par le vote du conseil municipal, il a imposé la signature d’une charte de la laïcité aux associations subventionnées par la ville ou la métropole. Quitte à cliver avec sa gauche. « La gauche c’est la laïcité, mais pendant trop longtemps elle s’est nourrie de complaisances et de petites lâchetés, relève le maire. Réaffirmer la laïcité permet de protéger et de garantir les dernières conquêtes émancipatrices, comme le mariage pour tous, dont la première union entre deux personnes du même sexe a eu lieu à Montpellier. »
Au moment où le Parti socialiste promeut « la République » espérant se démarquer d’Europe Écologie-Les Verts et de La France insoumise, Michaël Delafosse s’active pour y marquer son empreinte. « Je suis socialiste, c’est pas très tendance mais j’assume, note-t-il. Sur la laïcité, nous avons été silencieux et il est temps de changer. » L’élu a été nommé responsable de la commission laïcité au sein de l’Association des maires de France (AMF) et apportera sa contribution à la Fondation Jean-Jaurès.
Selon nos informations, face à la pression de la mairie de Montpellier et l’incompréhension des fidèles, l’association de la mosquée Averroès serait en train de reculer sur son projet de vente.