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Il a pris la relève de Dalil Boubakeur à la tête de la Grande Mosquée de Paris.
À la surprise générale, le 11 janvier dernier, Chems-eddine Hafiz, avocat d’origine algérienne, a pris la relève de Dalil Boubakeur à la tête de la Grande Mosquée de Paris. Qui est-il et que peut-on attendre de cette nouvelle direction ?
« Qui vit en paix avec lui-même vit en paix avec l’univers. » C’est en citant Marc Aurèle, et en insistant sur la similitude de ce message avec celui du Coran, que Chems-eddine Hafiz, le nouveau recteur de la Grande Mosquée de Paris, a ouvert sa
conférence de presse le 16 janvier dernier. Porteur d’un message unanime et rassembleur, l’avocat de 65 ans veut faire de l’humanisme le maître-mot de la première mosquée de France.
Qu’est-ce que la Grande Mosquée de Paris ?
La Grande Mosquée de Paris est la plus ancienne mosquée de France métropolitaine. Elle a été inaugurée en 1926 dans le Ve arrondissement, notamment en hommage aux milliers de musulmans morts pour la France pendant la Première Guerre mondiale. Plus tard, lors de l’occupation allemande, elle a constitué un lieu de résistance où de nombreux parachutistes britanniques et des familles juives trouvèrent un abri et des moyens d’exfiltration. La Grande Mosquée de Paris se réclame encore aujourd’hui d’un statut de cheffe de file des mosquées de France.
Pourquoi Dalil Boubakeur a-t-il démissionné ?
Le 11 janvier, nul ne s’attendait, lors du Conseil d’administration de la Société des Habous et des Lieux Saints de l’islam – qui dirige la Grande Mosquée de Paris –, à ce que s’y joue une importante transition à la tête de la Société et, de fait, de la Grande Mosquée de Paris. Dalil Boubakeur, âgé de 79 ans, recteur depuis 1992, y a présenté sa démission « pour raisons personnelles » avant de proposer Chems-eddine Hafiz, son ami et collaborateur de longue date, à sa succession. Le vote qui s’en est suivi n’a fait que confirmer à l’unanimité ce changement tout en douceur.
« L’islam n’est en rien en contradiction avec (…) l’esprit de la République » , a insisté Chems-eddine Hafiz.
Qui est Chems-eddine Hafiz ?
Algérien naturalisé français, avocat depuis 1986 à Alger et Paris, M. Hafiz est engagé dans de nombreuses associations et médias musulmans. Chevalier de la Légion d’honneur et officier de l’ordre national du Mérite, l’avocat est vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM). Il a été reconduit à ce poste lors des élections qui se sont tenues le 19 janvier dernier.
Que propose le nouveau recteur ?
C’est avant tout dans la continuité de son prédécesseur, Dalil Boubakeur, que s’inscrit Chems-eddine Hafiz. Dénonçant les dérives religieuses et la langue de bois, M. Hafiz se dit guidé « par le principe inaliénable de promouvoir l’islam générateur de tolérance, de paix, de fraternité, de progrès (…) », et souhaite investir toute son énergie afin de « prévenir toute forme de radicalisation et d’exclusion ». La Grande Mosquée « restera (…) un lieu de débats, de rencontres et d’échanges », a-t-il annoncé. Conscient du défi que représente l’image de l’islam dans la société française, M. Hafiz souhaite « innover en matière de pédagogie et de communication »,travaillant à « consolider la représentation de l’islam » dans une politique de « conciliation », tout en restant dans la lignée de la tradition de la Grande Mosquée, de l’islam et des valeurs de la République : « L’islam n’est en rien en contradiction avec (…) l’esprit de la République » , a insisté Chems-eddine Hafiz.
Il est reproché à M. Hafiz d’avoir fait des choix qui pourraient lui porter préjudice dans sa mission de conciliation et de dialogue.
Comment la nouvelle de ce changement a-t-elle été accueillie?
Ce changement impromptu à la tête de la Grande Mosquée a généré quelques remous dans les sphères musulmanes et médiatiques. Outre l’effet de surprise de cette transition, il est notamment reproché à M. Hafiz d’avoir, à différentes étapes de son parcours, fait des choix qui pourraient lui porter préjudice dans sa mission de conciliation et de dialogue.
Outre son action en justice, en 2006, contre Charlie Hebdo, auquel était reprochée la publication de caricatures du Prophète, perdue en appel, ainsi que contre l’écrivain Michel Houellebecq en 2001, l’avocat proche de Nicolas Sarkozy a aussi été en son temps le défenseur du Front Polisario, qui combattit dès 1973 pour l’indépendance du Sahara occidental. Ce territoire étant revendiqué par le Maroc, d’aucuns expriment des craintes quant aux relations que Chems-eddine Hafiz entretiendra avec les autorités marocaines actuelles. Fatigué de ce dernier reproche, l’homme martèle qu’il est absurde de tenir coupable un avocat des torts de ses clients : un tel acharnement, ajoute-t-il, tend à la calomnie.
Ce lourd passé ne lui fait-il pas courir le risque de mettre à mal ses relations avec l’Algérie post-Bouteflika, principale mécène de la Grande Mosquée ? Interpellé sur ce sujet, l’intéressé affirme n’avoir, de tout temps, recherché que le meilleur pour ses deux pays et le renforcement des liens qui les unissent. Son soutien à Bouteflika, en 2014, non renouvelé en 2019, ne reflétait selon lui qu’un choix de raison, en faveur de celui qui lui semblait le plus à même de mener à bien cette mission de renforcement des liens internationaux.