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“Un enfant, un homme. Le temps d’une vie”.
Un ouvrage historique unique, relaté à travers des contes exceptionnels, très rares.
L’ambition de comprendre un pays, une époque, une société inspire un projet tel que celui-ci : « TLEMCEN DANS L’HISTOIRE à travers les Contes et Légendes. Un enfant, un homme. Le temps d’une vie ». C’est à la fois un journal de voyage, des Abbassides à nos jours. Un journal intime, le récit autobiographique d’un enfant de Tlemcen, un essai sur le paysage, une célébration de la promenade, un éloge de l’inspiration, des narrations d’une grand-mère à la manière….d’une Shahrazade.
Le conte, quel moyen pédagogique par excellence ! Il n’y a pas de civilisation qui est cultivée avec plus de passion que la musulmane, l’art de la fiction. Ses auteurs racontent pour divertir, instruire émerveiller et pour, quelquefois, livrer un message, délivrer un enseignement. Ce sont paroles d’animaux à la morale bien établie quand bien même le faible y triompherait du plus fort, contes qui ne connaissent pas les frontières.
1ère et 4ème couverture du livre.
L’imaginaire maghrébin en a fécondé sans nombre. Ceux de Tlemcen et de sa région ont été transmis à l’auteur par sa grand mère qu’il appelle affectueusement : Makhiti, expression intra-duisible qui associe, mère et sœur.
L’auteur laisse, en un mot, parler son cœur tout en poursuivant son chemi-nement, ses recherches, son retour aux sources, jusqu’aux racines de l’enfance. Ce que je raconte ne se réfère pas toujours à une date précise, j’ai vu, entendu, cela ne suffit-il pas ? J’oublie ce que je suis pour n’être plus qu’un homme à la recherche de soi…nous précise-t-il en exergue. Voyage en somme initiatique d’une vie.
Tlemcen, centre ville. Au fond la Grande Mosquée.
Préambule : Les longues soirées sont remplies par des bavardages et des histoires merveilleuses racontées par ma grand-mère. Son visage buriné, marqué profon-dément pas les années qui passent, les travaux des champs et la vie au soleil, resplendit et rayonne. Elle avait beaucoup appris au dur combat de la vie et voulait nous résumer les nombreux siècles de sagesse et de culture. Je l’écoute avec une attention religieuse. Con-teuse intarissable, elle n’a pas toujours le souci de la vérité historique.
Mêlant le véridique au surnaturel, elle recrée, indifféremment, mythologie et histoire, faisant cohabiter, quelquefois, des personnages ayant vécu à des époques séparées par des siècles ; elle relate, ceux là, avec assurance et un art que personne ne songe à contester. Instruire en distrayant ! Tel est la pédagogie que s’est fixée Grand-mère en racontant des histoires, des anecdotes à ses petits enfants. Elle présente des personnages qui ont parfois joué un rôle dans la civilisation musulmane, de l’Andalousie à l’époque médiévale et, je pense, à une période bien plus lointaine encore. Mais Grand-mère revient toujours à Tlemcen, à son Haouz [1] et à Aïn El Hout, son village natal. Je voyais défiler Sidna [2] Ibrahim El Khalil (Abraham), Sidna Nouh (Noé), Faraoun et Sidna Moussa (Pharaon et Moïse), Soleiman Benou Daoud (Salomon, fils de David), Haroun Er Rachid, des Mille et Une Nuits, Djafar El Barmaki (le Barmécide), Djeha Oua Sindabad (Jeha et Simbad), confondus quelquefois avec mes propres ancêtres et ma propre enfance.
l’Association Ecolymet” de l’Université de Tlemcen en 2008. Votre serviteur, sur la gauche, porte la cravate rouge.
Des hikâyâtes, (contes) merveilleux et pleins de mystères se bousculent dans mon esprit. La fresque des personnages légendaires, toute la base de la culture populaire, je la tiens de la bouche de ma grand-mère. Grand amateur d’aphorismes, elle nous disait : Nous avons parfois les souvenirs que nous méritons. Ma grand-mère racontait bien. Elle s’inspirait des conteurs du moment, qui interrogeaient leur public à la fin des récits. Elle nous disait qu’à Aïn El Hout les chouettes se rassemblaient la nuit et se racontaient les anciennes légendes qui sortent peu à peu de la mémoire des humains. C’était l’école des sorcières. Je me suis ainsi retrouvé dans mon enfance, de nombreuses fois, les après-midi, plongé dans les mystères de contes de fée, puis dans les premiers romans captivants à la recherche des grandes énigmes de ce monde. Je rêvais sur toutes les images pleines de symboles et je tournais les pages avec délice avec ce frémissement que le corps et l’esprit n’accordent qu’aux grandes joies savourant leur suspens et leur dénouement. « Si vous aimez voyager mais aussi élargir vos connaissances, il faut aimer les gens et ouvrire son coeur », nous disait Grand-mère. « On se lasse de tous mes enfants, excepté de chercher à bien comprendre les choses et le monde », ajoutait-elle. Elle répétait : « Îche nhar, techmâh akhbar ! Vis un jour, tu entendras de nombreuses nouvelles ! La vie est pleine d’enseignements, chaque jour on apprend quelque chose et on parfait son savoir ». Elle ne se mettait pas en scène, bien que jamais absente des réflexions qu’elle offrait à notre méditation.
Sid Ahmed BAGHLI (feu), et Rachid BENABAJI à l’UNESCO à Paris en 2009.
Elle laissait parler son cœur et son esprit dont parfois la pertinence s’accompagnait d’un clin d’œil ou s’illuminait d’un sourire. Ni philosophe ni moraliste, dans ses récits, j’ai acquis la conviction que ses pensées devaient beaucoup à son don d’observation des êtres et des choses. Elle dialoguait, sur le monde intime, à travers les récits et les narrations sur des thèmes familiers avec ses petits enfants, attentionnée et affectueuse. Elle savait écouter avant tout, les âmes et Dieu sait si elle avait l’oreille fine. Voilà, aussi, des siècles que le Diable nous turlupine. Il est, suivant les pays ou les régions, Chitane, Blis, [3] Satan, Belzébuth, Lucifer ou le Malin. Evoluant avec les humains, ce personnage trouble, est nettement plus romanesque que le Tout Puissant. Satan est une source d’inspiration infinie pour beaucoup. Il est un modèle « fantastique » pour les faibles. Ma grand-mère était notre mentor, personnage de l’Odyssée popularisée par Télémaque de Fénelon. Etant de la génération de 1870, elle a vécu un siècle entier. Guide et sage, elle nous disait : « Chouya ouabel hanna, khir mène bel ktire ouel blà ! Il vaut mieux avoir un peu (d’argent) et de la tranquillité, que beaucoup avec des malheurs ! » Conseillère, expérimentée, elle a tissé autour de nous sa toile d’amour et de hilm, (savoir).
Un mariage à Tlemcen
https://www.facebook.com/ness.sahara/videos/1182123118609968/?t=102
[1] Haouz : Banlieue
[2] Sidna : Notre Seigneur (Sidi : Mon Seigneur)
[3] Chitane, Blis : Satan.