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L’idée démocratique en Tunisie a une longue histoire antérieure à l’indépendance.
Longtemps délaissé par les chercheurs, à quelques exceptions près, le pays connaît une prolifération d’ouvrages à la suite du soulèvement populaire de décembre 2010-janvier 2011. Brossant un vaste panorama politique et sociologique de la Tunisie contemporaine, ce livre porte un regard distancié sur la révolution et ses conséquences, analyse les mutations sociales, culturelles et politiques en cours, tout en les replaçant sur le temps long.
Il réunit plusieurs générations de chercheurs issus des deux rives de la Méditerranée dont certains avaient vu leurs travaux interdits de publication par la censure. Une place particulière est accordée aux nouveaux mouvements sociaux : antiracisme, mobilisations homosexuelles et contre l’homophobie, renouveau du féminisme, mouvements ruraux et retour en force de la derja (dialecte tunisien) dans les débats publics et le champ culturel. Selon les auteurs, l’idée démocratique en Tunisie a une longue histoire antérieure à l’indépendance, qui s’est manifestée tout au long de la période récente, y compris durant les régimes de Bourguiba et de Ben Ali. Également, dans un contexte où la tradition syndicaliste est profondément ancrée, les aspirations de la société tunisienne pour la justice sociale vont au-delà des revendications matérielles et de la défense de la parité dans le champ politique. Les auteurs font remarquer que les pratiques de la coalition gouvernementale formée par les islamistes d’Ennahda et les anciens cadres du régime de Ben Ali oscillent entre une forme « d’autoritarisme modèle » et aspiration à une « démocratisation exemplaire », là où le clientélisme persiste. L’originalité du livre consiste à dépasser les représentations binaires dictature/démocratie, autoritarisme/pluralisme. Les auteurs reviennent sur cette « synergie protestataire » entre ruralité et urbanité qui fonde la singularité de la révolution tunisienne par rapport aux autres révolutions arabes. Ils soulignent notamment la manière dont le nouveau pouvoir s’est accommodé des structures héritées de l’ancien régime et relativisent les priorités gouvernementales accordées au thème sécuritaire.