Vincent Goulet : L’islam ne peut être organisé comme les Églises chrétiennes catholiques, luthériennes ou réformées. D’abord parce que c’est une voie spirituelle plus qu’une religion au sens institutionnel et parce qu’il y a mille manières de pratiquer cette forme de rapport à la transcendance. De plus, l’islam est organisé de manière souple, sans hiérarchie ni clergé, ni centre de pouvoirs. Théoriquement, chaque communauté musulmane locale choisit de manière démocratique ses dirigeants et ses imams selon le modèle congrégationaliste (rassemblement de personnes qui organisent par elles-mêmes leur vie religieuse, même s’il peut être membre d’un groupement religieux plus large). Dans la pratique, des grandes fédérations musulmanes, souvent liées aux pays d’émigration (l’Algérie, le Maroc, la Turquie), structurent une grande partie de culte musulman français, notamment en détachant en France des imams formés dans ces pays, ce qu’on appelle « l’islam consulaire ».
En enterrant le CFCM, les pouvoirs publics prennent acte d’une réalité depuis longtemps connue : ces fédérations peinent à représenter à elles seules toutes les nuances des islams de France, elles sont en lutte permanente pour contrôler les instances de représentation, le CFCM comme le nouveau Conseil national des imams. Une nouvelle voie semble donc être recherchée par le gouvernement, peut-être inspirée par la Deutsche Islam Konferenz, la DIK, que l’on peut traduire par « Conférence allemande sur l’islam ».
Créée en 2006, placée sous l’autorité du ministère de l’Intérieur fédéral, la DIK est actuellement une structure souple, rassemblant des acteurs politiques, des acteurs musulmans et des représentants du monde éducatif, en étant attentive aux jeunes générations. Sur la base de projets, d’ateliers, de conférences ou de forums, elle sollicite non seulement des représentants des grandes fédérations musulmanes mais aussi des acteurs d’initiatives locales, des responsables de mosquées, des personnalités du monde musulman ainsi que des représentants du gouvernement fédéral, des Länder et des communes, des universitaires et des « praticiens » de l’islam.