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Mais alors, la 5G, c’est quoi ?
Disponibilité, cas d’usage, retard de la France et dangers à éviter : on vous dit tout sur cette technologie qui doit multiplier par dix le débit de nos téléphones. Guillaume Grallet.
C’est surtout une belle promesse. Celle, à terme, avec un million d’objets connectés au kilomètre carré, de considérablement réduire la latence de communication. Celle-ci devrait en effet passer de 40 millisecondes à 1 milliseconde. Reposant sur le standard de transmission sans fil validé par l’organisation professionnelle IEEE et fonctionnant avec un signal 5 Ghz, cette technologie doit en effet permettre de décupler le débit mobile actuel d’ici à 2022. Mais ce sera progressif. « J’ai l’habitude de dire que, dans un premier temps, la 5G, ce sera la 4G boostée, que l’on pourrait comparer à de la 40G grâce à un empilement de technologies compatibles », explique Mari-Noëlle Jégo-Laveissière, la responsable technologique d’Orange.
La 5G sera-t-elle la révolution industrielle des années à venir ?
D’ailleurs dans un premier temps, la 5G aura besoin des autres technologies, on l’appellera la technologie « Non-Standalone ». Puis viendra, avec de nouvelles antennes, la 5G « Standalone », c’est-à-dire dotée de ses propres infrastructures, ce qui n’interviendra pas avant au moins trois ans. Le débit sera alors 1 000 fois plus rapide que ce que permettaient les réseaux mobiles en 2010.
Jouer en réseau à SoulCalibur VIou à Ace Combat 7sans latence depuis un mobile 5 G : voici ce qu’ont récemment proposé les fabricants Oppo et OnePlus en s’alliant à la start-up française Blade. Cette dernière a mis au point Shadow, un service d’accès aux données à distance (le cloud), qui devient particulièrement fluide avec la 5G. Le Cloud Gaming n’est qu’un exemple. Il sera possible de télécharger un film en haute-définition en 20 minutes contre 1h 40 aujourd’hui. Ou encore de suivre un match de foot avec un casque HoloLens, avec des statistiques des différentes équipes qui s’affichent sur l’écran. Mais, surtout, il pourrait y avoir des applications plus « sérieuses ». Le 27 février 2019, le médecin Antonio de Lacy, chef du service gastro-intestinal de l’hôpital Clínic de Barcelone, a dirigé la première opération à distance via la 5G. Par écran interposé, un chirurgien a guidé une équipe de jeunes médecins qui opéraient dans un hôpital situé à quelques kilomètres un patient atteint d’un cancer du côlon. Il s’agissait de retirer le segment du côlon touché par une tumeur, ce que le chirurgien pouvait observer de manière immédiate et très précise grâce à une technologie mise au point par Vodafone. La prochaine étape pourrait être la commande via des bras robotisés. Au programme également des applications « métiers », la technologie 5G va aider le secteur agricole, telles les fermes piscicoles, à avoir les informations en temps réel. En Suède, l’équipementier Ericsson s’est allié à la start-up Einride pour plancher sur le T-pod, un camion 100 % électrique et autonome. « La 5G apporte la connectivité qui va permettre d’introduire le T-pod sur les routes publiques, entraînant une réduction de 90 % des émissions de CO2 et l’élimination d’émissions d’oxyde d’azote », veut croire Robert Falck, le créateur d’Einride. En effet, cette technologie qui permettra aux robots dans les entreprises de communiquer entre eux jouera un rôle-clé pour les véhicules autonomes comme dans l’industrie du futur. « À terme, les grutiers pourront commander leur machine à distance et organiser le déplacement de matériel depuis un joystick », poursuit Mari-Noëlle Jégo-Laveissière à propos de cette industrie 4.0.
D’après la GSMA, l’association mondiale des opérateurs et constructeurs de mobiles, le nombre de connexions en 5G sera de 1,4 milliard d’ici à 2025. Pour Mats Granryd, le directeur général de l’association, les Etats-Unis et la Chine devraient être en avance sur le reste du monde. En 2025, la moitié des connexions en 5G viendra des États-Unis, contre 30 % en Chine et 15 % en Europe, chiffre-t-il. Les autres pays ne restent pas les bras croisés. Fin février, Abdullah Alsawaha, ministre des Télécoms de l’Arabie Saoudite, a expliqué que cette technologie était devenue une priorité pour son pays. Et si les premières expérimentations « grandeur nature » ont eu lieu aux Jeux olympiques d’hiver de PyeongChang en Corée du Sud – en permettant notamment à des bobsleighs de communiquer entre eux –, la 5G devrait briller aux Jeux de 2020 au Japon. Quid de la France ? Pour que la 5G soit déployée en France, il faudra un lancement de procédures de fréquences dont on ne connaît pas encore le cadre de l’attribution : enchères ou concours de beauté, en fonction des engagements pris par les opérateurs. Celui-ci pourrait intervenir avant fin 2019 comme l’a promis la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher. Puis viendra le déploiement. En Europe, la Finlande et la Suisse ont déjà attribué leurs licences. Pour le PDG d’Ericsson Börge Ekholm, l’Europe, qui a pourtant joué un rôle-clé dans l’essor de la téléphonie mobile de première génération dans les années 2000, pourrait bien ne plus être aux premières loges : « L’Europe avance un peu moins vite que le reste du monde », a t-il expliqué fin février aux Echos.
C’est une des raisons qui expliquent les hésitations actuelles de la France. Les risques d’espionnage ont encouragé le gouvernement à déposer un amendement à la loi Pacte en début d’année. Rejeté dans un premier temps le 6 février au Sénat, il devrait revenir sou une autre mouture – pour renforcer le contrôle par les pouvoirs publics sur le choix de l’équipementier pour leur réseau. Et donc, sans doute, limiter le recours à l’équipementier chinois Huawei, la cible présumée de cette mesure. En attendant, les opérateurs français qui avaient commencé des tests sont au point mort. Ce que les opérateurs redoutent le plus ? Un allongement des procédures administratives ou encore l’obligation de devoir remplacer du matériel déjà installé. « Nous aimerions avoir une réponse fixe avant la fin du second semestre », explique, par exemple, Orange, qui utilise pour l’instant Huawei uniquement en Afrique, mais est tenté d’y recourir pour le déploiement de la 5G en France. Si Huawei était exclu, cela ferait l’affaire de ses principaux concurrents et des deux poids lourds européens du secteur, Ericsson et Nokia. Mais avec le risque de limiter la concurrence, de voir les prix monter et, in fine, de retarder l’arrivée de l’ultra-haut débit mobile alors que Huawei, dont personne n’a prouvé jusqu’ici qu’elle ait espionné quiconque, est une entreprise qui investit 15 % de son chiffre d’affaires en recherche. En dehors de l’espionnage, il faudra veiller à la cybersécurité de cette infrastructure, qui permettra à un élevé d’objets, parfois critiques, de communiquer entre eux.
Et si tout cela était nocif pour notre santé ?
Et si les nouvelles antennes relais allaient ajouter au smog-électromagnétiques avec lequel nous devons vivre tous les jours ? En septembre 2017, 171 scientifiques, issus de 37 pays, ont réclamé un moratoire sur le déploiement de la 5G, en attendant que les risques potentiels aient été pleinement étudiés. Problème, comme pour les études sur les ondes liées au téléphone mobile, les études prennent du temps, mais, en attendant, vous pouvez suivre les travaux de l’ingénieur expert en pollution électromagnétique Pierre Dubochet, qui, installé en Suisse, profite de l’avance de son pays pour faire part de ses réflexions. D’autant qu’il existe des alternatives à la 5G telle qu’elle nous est présentée, plus rapides et moins coûteuses à déployer pour permettre à des objets de communiquer entre eux. Certaines technologies comme le bluetooth, le Wi-Fi, ou encore du Li-Fi ont, en s’appuyant sur les usages, très vite trouvées leur public. Il existe des solutions technologiques alternatives à celles promues par les opérateurs “classiques”, en s’appuyant sur d’autres protocoles. « L’enjeu est de rendre transparente la panoplie de toutes les solutions de connectivité, c’est ce que Sigfox appelle la 0G, un réseau universel à très bas débit et économe en énergie qui servira entre autre de chef d’orchestre » explique Ludovic LeMans, créateur à Toulouse du réseau sans fil SigFox. Déployer son réseau en France a coûté moins de 10 millions d’euros, on est bien loin des dizaines de milliards d’euros nécessités pour couvrir l’Hexagone en 5G, et sa solution pourrait intéresser de nombreux pays dans le monde.
Déjà un train de retard ? Certains industriels commencent déjà à se pencher… sur la 6G. C’est notamment le cas du coréen LG qui a annoncé l’ouverture d’un centre de recherche dédié dans le district de Yuseong à Daejeon, en partenariat avec le prestigieux Kaist, institut des sciences et technologies basé à Séoul. Le but ? « Orienter la normalisation mondiale » liée à cette technologie qui devrait en effet permettre d’accéder en 2030 à un débit 100 fois supérieur à ce que nous connaissons aujourd’hui, et permettre l’utilisation d’hologrammes. De son côté, l’université du Jiangsu, une province au nord de Shanghai, a formé une équipe afin d’effectuer des recherches sur la 6G. Ce qui a fait réagir Donald Trump, qui, le 21 février a expliqué vouloir la 6G « le plus vite possible aux États-Unis » avec une technologie maison. Il pourra s’appuyer sur le fabricant de processeurs californien Qualcomm qui effectue des travaux préparatoires. L’Europe, pas vraiment aux avant-postes, peut tout de même se consoler avec le lancement de 6Genesys, un projet de l’université d’Oulu en Finlande. « Une des applications principales sera la généralisation des robots qui se parleront entre eux dans l’usine du futur », explique ainsi le docteur Marja Matinmikko-Blue qui parie, comme on peut le voir dans cette vidéo, sur la multiplication des écrans ce qui pourrait faciliter la vie des designers industriels comme des concepteurs d’objets.