S’attaquer au «terreau du terrorisme», c’est-à-dire au ferment sur lequel pousse en germe l’islam politique, ne doit pas faire oublier que l’État est aussi à la manœuvre sur ce que les experts nomment le «haut du spectre». Outre 235 visites domiciliaires et 248 interpellations menées dans le cadre de mesures post-attentats depuis le 16 octobre dernier, Gérald Darmanin a clairement affiché son intention d’expulser, dans les meilleurs délais, les quelque 231 étrangers en situation irrégulière inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).
«La moitié est hors d’état de nuire», s’est félicité le ministre de l’Intérieur jeudi dernier, sur RTL. Dans le détail, il a révélé que 66 de ces clandestins radicalisés avaient déjà été raccompagnés dans leur pays d’origine, dans un contexte peu favorable. «On est dans une crise pandémique, et les couloirs aériens sont fermés, donc il n’est pas si facile de le faire», a concédé Gérald Darmanin, qui a précisé qu’«une cinquantaine d’autres (étaient) dans des centres administratifs en attendant leur expulsion après l’ouverture des trafics».
Tournée diplomatique
Ce mouvement s’est accéléré à la suite du dernier attentat perpétré à la basilique Notre-Dame de Nice, le 29 octobre, par un migrant tunisien. Enfin, toujours selon le décompte de la Place Beauvau, une trentaine sont assignés à résidence. «Il en reste entre 70 et 80, que l’on doit soit identifier soit localiser, sachant que certains sont partis dans leur pays d’origine sans que cela soit porté à notre connaissance, a précisé le ministre. Parfois, ils font des recours devant le tribunal administratif, et l’on doit attendre la fin de ces recours pour les expulser.»
Si la pratique des expulsions n’est pas nouvelle, elle ne fait que s’accélérer sous la pression de l’opinion meurtrie et de l’Élysée, qui exige des résultats. Après chaque attaque, l’État sort les muscles et annonce des expulsions d’étrangers radicalisés pour montrer qu’il agit sans trembler contre l’islam radical. Ainsi, le 31 mars 2018, huit jours après les attentats de Trèbes et de Carcassonne, le ministre de l’Intérieur d’alors, Gérard Collomb, avait révélé que vingt clandestins radicalisés avaient été expulsés en 2017. En octobre 2019, après le raid sanglant à la préfecture de police de Paris, les services du premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, faisaient savoir à leur tour que 370 étrangers en situation irrégulière inscrits au FSPRT avaient quitté le territoire national depuis novembre 2017.
Aiguillonné par l’attaque du 25 septembre 2020, commise aux abords des anciens locaux de Charlie Hebdo, par la décapitation de Samuel Paty le 16 octobre et par la tuerie de Notre-Dame de Nice treize jours plus tard, le ministre a fait une tournée au Maroc, en Tunisie, en Algérie ainsi qu’en Russie, pays les plus représentés parmi les étrangers radicalisés en situation irrégulière en France. Objectif ? «Faire accélérer ces expulsions», a lancé le ministre, qui a présenté aux autorités de chaque pays une liste de personnes indésirables. Au total, plus de 450 étrangers en situation irrégulière et fichés pour terrorisme ont déjà été expulsés de France depuis le début du quinquennat.