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Il touche à sa fin ce procès qu’on redoutait. Avec lui allaient resurgir les fantômes, les blessures, le sommeil qui fuit, et le devoir de tenir.” © Hannah Assouline.
J’en veux à ces défenseurs des droits de l’homme qui invoquent Dreyfus pour prendre le parti des antisémites…
“J’en veux à ceux qui recommencent à fredonner le même refrain, cinq ans et tant de morts après. J’en veux à ces laïques en carton qui résument la séparation à une neutralité pour ne pas résister au fanatisme. J’en veux à ces artistes qui ne savent plus que s’engager que pour des causes sans risques.” L’édito de Caroline Fourest, alors que le procès Charlie touche à sa fin. Par Caroline Fourest
Il touche à sa fin ce procès qu’on redoutait. Avec lui allaient resurgir les fantômes, les blessures, le sommeil qui fuit, et le devoir de tenir. Avec lui allaient rappliquer l’odeur du danger et le chant des lâches. Ils ont frappé ensemble, plus durement qu’on ne l’aurait cru. Jusqu’à recommencer le procès des victimes, au moment où l’on jugeait enfin les bourreaux.
Richard Malka l’a si bien dit « Jamais un procès du terrorisme ne s’est tenu dans une telle terreur ». Sa plaidoirie, celles de tous les avocats de la défense, de Maître Maktouf à Maître Klugman, ont porté la voix de nos morts.
La faiblesse de ce procès était de juger des seconds couteaux. Sa grandeur a été de pointer la violence à laquelle pouvait conduire le « crime d’indifférence ». C’est à ces complices qu’on en veut le plus. À ceux qui ferment les yeux en tendant des cimeterres qui gorgeront nos cimetières. Aux troisièmes couteaux qui aiguisent cette lame de l’indifférence. Ceux que l’on nomme parfois dans l’espoir d’user leurs rémouleurs.
“J’en veux à ces laïques en carton qui résument la séparation à une neutralité pour ne pas résister au fanatisme.”
Je leur en veux tellement.
J’en veux à ces journalistes paresseux qui n’ont pas fait leur travail au moment de l’affaire des caricatures. À ceux qui ont écrit qu’il s’agissait de « moquer Mahomet » au lieu d’expliquer le contexte, de défendre la liberté de caricaturer et d’informer. C’est cette irresponsabilité-là qui a mis de l’huile sur le feu.
J’en veux encore plus à ceux qui recommencent à fredonner le même refrain, cinq ans et tant de morts après.
J’en veux à ces correspondants étrangers, à ces éditorialistes, incapables de déchausser leurs lunettes culturelles pour se mettre à la place de l’Autre. À leur refus obstiné de comprendre qu’Emmanuel Macron n’est pas Donald Trump, et qu’une politique visant l’incitation à la haine islamiste n’a rien à voir avec un « Muslim ban » contre les musulmans.
J’en veux aux cyniques. À tous ceux qui marchent sur les morts en rêvant de grappiller des voix sur des amalgames.
J’en veux à ces défenseurs des droits de l’homme qui invoquent Dreyfus pour prendre le parti des antisémites.
J’en veux à ces laïques en carton qui résument la séparation à une neutralité pour ne pas résister au fanatisme.
J’en veux à « ces nouveaux antiracistes » qui marchent aux côtés des officines de haine. À ceux qui préfèrent coexister à se mélanger.
J’en veux à ces artistes qui ne savent plus que s’engager que pour des causes sans risques.
J’en veux aux lâches d’en vouloir à ceux qui prennent des risques pour défendre leurs libertés. Ils préféreront toujours ceux qui tuent pour leurs idées à ceux qui meurent pour elles.
Mais j’aime l’idée que nous sommes de plus en plus nombreux à les voir, et à leur en vouloir ensemble.