À La Baule donc, entre les discours sur le régalien, la grande question est celle de la méthode : comment désigner le candidat de la droite pour 2022 ? Sur l’estrade, les orateurs s’enchaînent, et les méthodes aussi. Franck Louvrier, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, ouvre le bal face aux 500 spectateurs et plaide pour une «primaire interne », réservée donc aux adhérents du parti.
Invitée surprise via une liaison téléphonique, Nadine Morano va dans le même sens pour ne «certainement pas laisser voter les gens qui ne partagent pas nos convictions ». Une posture partagée par Oscar, 17 ans, militant à l’UNI, le syndicat étudiant. «Une primaire ouverte, c’est le risque de voir des gens venir voter uniquement pour faire barrage », prévient-il.
Au passage, l’ancienne ministre sarkozyste, Nadine Morano, n’a pas manqué de s’en prendre aux candidats putatifs, Bruno Retailleau en tête : «Les déclarations en plein mois d’août ne servent pas notre famille politique… »
Larcher appelle la droite et le centre à «se rassembler »
François-Xavier Bellamy, qui a passé une tête, concède qu’il faut «un moyen de trancher sur notre ligne. » Mais le député européen ne sait pas «quel sera le meilleur moyen de mener ce débat entre nous ». «Nous avons besoin d’un rendez-vous pour mener ce débat », insiste-t-il. «Nous ne pouvons en faire l’économie. Ces mois qui viennent seront cruciaux », avertit-il.
Gérard Larcher se charge de conclure la matinée. Lancé dans une tournée des universités d’été de la droite et du centre, le président du Sénat veut, lui, «un système de départage au-delà des frontières des partis, pour choisir notre candidat ». Il appelle donc la droite et le centre à se «rassembler », en mettant sa famille politique en garde contre un duel fratricide dont elle «ne se relèverait pas ». Plusieurs candidats de droite en 2022 ? «C’est inéluctablement l’assurance de ne pas être présents au second tour et d’aller à notre troisième défaite », professe-t-il.
Si la méthode les divise, les frites les rassemblent. À midi, Gérard Larcher partage barquettes et saucisses avec Rachida Dati et Bruno Retailleau. Philippe Juvin, maire de La Garenne-Colombes s’invite à table. Pas loin, Éric Woerth, président de la commission des Finances à l’Assemblée nationale, parle lui aussi présidentielle et presse ses pairs. « On ne peut pas attendre. Il faut une méthode très claire. » Et glisse : «On n’a pas perdu la présidentielle de 2017 à cause de la primaire… »
Des absents très présents
De primaire, Rachida Dati n’en veut pas. «Je n’y suis effectivement pas favorable. C’est une machine à perdre. Les primaires sont des générateurs de haine et de divisions », a-t-elle déclaré la veille dans Ouest France . Comprendre par là : il ne faut pas reproduire l’affrontement de 2016 entre François Fillon et Nicolas Sarkozy. «Nous devons avoir l’intelligence de nous rassembler autour de la meilleure candidature », préfère-t-elle. À la tribune, la maire du VIIe arrondissement de Paris n’ajoute rien, mais salue la «diversité des talents » de la droite. Le matin même, Agnès Evren, députée européenne et présidente de la fédération LR de Paris, qui a fait campagne aux municipales à ses côtés, a fait la réclame de l’ex-Garde des Sceaux. «On ne peut gagner que dans la clarté. Avec Rachida Dati tout était clair : elle sait faire campagne, elle n’a peur de rien », a-t-elle souligné.
Bruno Retailleau est lui aussi en campagne. Tourbillonnant, entre photos avec les jeunes de l’UNI, selfies, et interviews, le sénateur de Vendée est ici chez lui. «Je ne veux pas que le processus de départage se passe dans l’entre soi. Nous avons besoin d’ouvrir les fenêtres et que les militants comme les sympathisants s’expriment ! », exhorte-t-il dans son discours de clôture aux accents de présidentielle. Il souhaite que ce processus de désignation du candidat de droite soit arrêté avant Noël 2020, et que l’élection par les sympathisants et militants ait lieu avant l’été 2021.
Du reste, derrière le pupitre, il a beaucoup été question de régalien – créneau que les responsables de la droite considèrent comme un angle mort de la politique d’Emmanuel Macron – et d’absences, parmi les militants. Nicolas Sarkozy ? S’il n’a pas fait le déplacement, son ombre plane : son dernier ouvrage, Le Temps des tempêtes occupe les têtes de rayons des maisons de presse de la cité bauloise. François Baroin ? «On ne l’entend pas beaucoup », déplore Oscar. Xavier Bertrand ? «Il a la stature », se réjouit Christian, 70 ans. Valérie Pécresse ? «Je l’aime beaucoup », dévoile Philippe, 74 ans, qui ne cache pas être passé «Macron-compatible », après avoir «fait l’impossible » pour François Fillon. Au même moment, la présidente de la région Ile-de-France annonçait d’ailleurs depuis le parc de Villeroy à Mennecy (Essonne), où elle faisait sa rentrée politique, que «le temps est peut-être venu de faire entendre la voix d’une femme libre ». Elle se joindra à la rentrée politique de LR, au Port-Marly, les 4 et 5 septembre prochain. François Baroin y sera aussi. Ne manque plus que Xavier Bertrand.
Les Républicains font leur rentrée en ordre dispersé et s’interrogent sur le processus de désignation de leur champion. Par Marion Mourgue
Comme un air de déjà-vu… Cette année encore, les Républicains et les personnalités ex-LR feront leur rentrée en ordre dispersé. Toutes les «sensi-bilités» de la droite ont décidé d’organiser leur propre rendez-vous. Dès ce week-end, plusieurs ténors LR – Gérard Larcher, Bruno Retailleau, Rachida Dati, etc. – se retrouveront à La Baule autour du nouveau maire de la ville, Franck Louvrier. Au même moment, Valérie Pécresse réunira les soutiens de son parti, Libres!, dans l’Essonne tandis que Laurent Wauquiez s’apprêtera, comme chaque année, à monter au sommet du mont Mézenc, dans le Massif central. «Il est vrai que je souhaitais une rentrée la plus unitaire possible mais à cause de la crise sanitaire nous avons été contraints de décaler d’une semaine notre rendez-vous prévu à Nîmes, ce qui a fini par se superposer avec les réunions régionales» , reconnaissait dans nos colonnes, vendredi, le patron de LR, Christian Jacob. À vingt mois de la présidentielle, chacun avance ses pions et fait connaître son ambition pour 2022.
Alors que de moins en moins d’élus croient à une candidature de François Baroin, tous réfléchissent désormais au processus de désignation d’un candidat et à son calendrier. «Les partis sont désormais trop faibles pour porter à eux seuls un candidat. C’est pourquoi notre candidat doit être légitimé par un processus de sélection apaisé» , indiquait Bruno Retailleau, la semaine dernière, dans un entretien au quotidien régional Dernières nouvelles d’Alsac e.
«La primaire, c’est une machine à perdre» , met en garde la députée européenne Agnès Evren. «Pour l’avoir vécue de près, ce ne sont que des ego et des divisions. On est en train d’enclencher la machine à perdre au moment même où il faut rassembler» , prévient-elle. Si la primaire continue de diviser à droite, de plus en plus d’élus reprennent pourtant à leur compte le «système de départage» proposé par Gérard Larcher. Même la direction de LR, jusque-là réticente. «Je ne désespère pas d’avoir un candidat qui s’impose naturellement. Si ce n’est pas le cas avant l’été, alors nous devrons réfléchir collectivement à un système de départage» , reconnaissait dans Le Figaro Christian Jacob.
Encore faut-il parvenir à le définir. Faut-il un système à points? Une liste avec des noms à barrer? Avec un ou deux tours? Et comment avoir l’assurance de choisir le meilleur candidat?
Devant ces incertitudes et la crainte d’une nouvelle défaite à la présidentielle qui serait fatale aux Républicains, les regards se tournent vers Nicolas Sarkozy, dont le livre Le Temps des tempêtes s’annonce comme un succès d’édition . Serait-il le bon candidat ?, s’interrogent nombre d’élus. «Il souhaite que ce soit possible. Car pour un politique comme lui, pour rester vivant, il faut que ça reste possible» , veut croire un ex-ministre de Nicolas Sarkozy. «Si Nicolas Sarkozy devait utiliser ce scénario du retour, il faut des circonstances: que Macron soit en grande difficulté et qu’à droite il n’y ait personne ou trop de monde, ce qui revient au même!» , analyse-t-il.
L’ancien président, lui, dément toute volonté de retour ni calcul politique. «Je ne suis pas en campagne. Ça ne me manque pas! Personne ne me croit, mais c’est la vérité », assurait-il mi-juillet au Figaro . Ses dédicaces ne seraient qu’une volonté de mieux rencontrer ses lecteurs et de défendre son livre.
Après plusieurs dates dans le sud de la France, l’ancien président a donné rendez-vous lundi à Paris pour une nouvelle séance de dédicaces. Au point que certains élus LR jugent son ombre un peu encombrante, à droite, pour permettre à un nouveau leader d’émerger. «Non , réfutait Christian Jacob dans nos colonnes vendredi . Je considère que Nicolas Sarkozy est un atout pour la droite. Il est pour nous une référence» , indiquait le patron de LR. «Il est à la fois une référence et une espérance» , assurait même quelques jours plus tôt Éric Ciotti.
«L’espace pour la droite dépend du positionnement que choisira Emmanuel Macron» , s’inquiète pourtant un ténor. «S’il est sur un espace, il le bloque, et s’il ne l’est pas, il l’ouvre. On a quand même besoin d’avoir cette réponse» , ajoute-t-il, avant de désigner celui ou celle qui défendra les couleurs de la droite en 2022. «La boîte de Pandore est ouverte!» , s’alarme un élu LR.
Pourtant, quelques rapprochements s’esquissent, sur le fond comme sur la forme. Alors qu’elle avait quitté Les Républicains en juin 2019 pour dénoncer la ligne politique, Valérie Pécresse se joint à la rentrée politique de LR, au Port-Marly, les 4 et 5 septembre, pour y prononcer le mot d’introduction. Si Xavier Bertrand n’a pas prévu d’y aller, le président des Hauts-de-France voit ses prises de position très critiques à l’égard de la politique du gouvernement, partagées par l’ensemble des élus LR. Comme des convergences possibles avant la prochaine présidentielle ?