« Restez dans vos foyers et ne vous exhibez pas de la manière des femmes avant l’islam. » Ces mots sont ceux de Mmadi Ahamada, imam de la mosquée Attakwa, de Saint-Chamond (Loire). Tenus au cours d’un prêche le jour de l’Aïd, ces propos ont été diffusés sur les réseaux sociaux et mis en exergue par une élue locale (RN), Isabelle Surply, dans un tweet.
En cause, l’égalité entre hommes et femmes
Quelques jours plus tard, le 23 juillet, le ministre de l’Intérieur en personne, Gérald Darmanin annonce à son tour sur Twitter avoir commandé la destitution de l’imam en question : « À ma demande, il a été mis fin aux fonctions de deux imams des Hauts-de-Seine et de la Loire aux prêches inacceptables. Nous combattons sans relâche ceux qui bafouent les règles et les valeurs de la République. »
En cause : ces propos sont jugés attentatoires à l’égalité homme-femme.
Dans un courrier révélé par Le Figaro, Gérald Darmanin a également demandé à la préfète de la Loire, Catherine Séguin, d’instruire le non-renouvellement du titre de séjour de Mmadi Ahamada.
Le droit de citer le Coran
Depuis, les réactions s’enchaînent, les fidèles de la mosquée de Saint-Chamond ont même lancé une pétition pour soutenir l’imam mis en cause. L’auteur de la pétition, Karim Tazekritt, y dénonce une « cabale politico-médiatique » sans fondement, arguant que l’imam entaché est pourtant un fervent défenseur de l’émancipation des femmes et que citer le Coran ne devrait pas être matière à punition.
Karim Tazekritt s’inquiète également des conséquences de ce qu’il considère comme une ingérence de l’État : « Les religieux, de n’importe quelle conviction, n’ont-ils plus le droit de prêcher la pudeur ? (…) Si cette décision se voit entérinée c’est le commencement d’une jurisprudence qui mettra au silence bon nombre de lieux de culte. »
L’inquiétude est partagée par le président du Conseil des mosquées du Rhône et recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, qui s’insurge : « Ces paroles, l’imam a été les prendre dans un livre qui s’appelle le Coran. Maintenant, si le fait pour un imam de se référer au Coran lui fait courir le risque d’être licencié, on se dirige vers une situation anormale. »
Ingérence de l’État
Plus largement, les fidèles et les responsables religieux musulmans déplorent l’irruption de l’État dans le domaine religieux et ce que cela pourra signifier à l’avenir. Kamel Kabtane s’interroge : « Je ne sais pas si dans l’Histoire de France on peut trouver une autre situation où un ministre fait révoquer un prêtre, un rabbin ou un pasteur. Un ministre qui fait licencier un ministre du culte, c’est tout à fait anachronique ! »
Ce point de crispation est partagé par Karim Tazekritt dans la pétition : « L’esprit de la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État défend la sécularisation de l’État, face à l’immixtion de la sphère religieuse dans la sphère publique. Aristide Briand ne s’attendait certainement pas que 116 ans plus tard les pôles s’inversent et qu’à son tour l’État ait l’ambition et se donne les moyens d’ingérer le domaine religieux. »