326 pour, 115 contre, 42 abstentions : le projet de loi bioéthique a été définitivement voté ce mardi soir à l’Assemblée nationale. Des applaudissements ont résonné dans l’hémicycle, mais l’adoption du texte s’est faite sans triomphalisme, en l’absence des ministres concernés (Olivier Véran, ministre de la Santé, Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, et Frédérique Vidal, ministre de la Recherche), tous représentés par Adrien Taquet, secrétaire d’État à l’enfance.
La liberté de vote était de mise sur un tel texte, qui a divisé l’ensemble des partis. « Je ne peux cacher mon émotion de me tenir devant vous » a assuré Adrien Taquet, dans un hémicycle quasi-vide alors que les différents groupes déroulaient une ultime fois leurs argumentaires. Cet épilogue arrive après six lectures par les députés et sénateurs, plus de 5 000 amendements et 468 heures de débats. « Marque d’un progressisme » selon Adrien Taquet, cette loi est « une loi de modernisme humaniste » a poursuivi Coralie Dubost (LREM), particulièrement investie sur le sujet. « Le groupe En Marche s’est battu pour tenir la promesse d’Emmanuel Macron » s’est-elle réjoui.
« Nous sommes au seuil d’un équinoxe moral »
Sans surprise, l’opposition a redit son désaccord, regrettant le franchissement de « lignes rouges ».« Nous sommes au seuil d’un équinoxe moral » a alerté Emmanuelle Ménard (non inscrit), regrettant un « enfant chosifié » et « une logique marchande » tout en prévoyant la légalisation prochaine de la Gestation pour autrui (GPA). Pour Patrick Hetzel (Les Républicains), le législateur ne remplit pas son rôle de « régulateur » et le texte marque une « rupture bioéthique » puisque « l’enjeu de la bioéthique est la protection de l’humain face aux avancées techniques qui pourraient lui porter atteinte ».
« La majorité n’a pas voulu inscrire explicitement dans la loi certains interdits comme celui de l’eugénisme ou de la GPA. Pourquoi ? » a-t-il conclu. « Ne faîtes pas peur aux Français sur la GPA, a rétorqué Marie-George Buffet (Gauche démocrate et républicaine) de l’autre côté de l’hémicycle. Je suis opposée à la GPA mais cette loi ne va pas dans ce sens, sinon je voterais contre ».
« Le gouvernement réalise l’exploit de ne satisfaire personne »
Une fois encore l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules a éclipsé les autres sujets, par exemple la recherche sur l’embryon, qui suscite pourtant des « inquiétudes et interrogations » chez Valérie Six (UDI et indépendants), notamment concernant l’autorisation de la création d’embryons chimères. Sur ce sujet, Philippe Berta (Modem), a au contraire regretté la « mise en cause de l’esprit de responsabilité de nos scientifiques qui laissera des traces ».
Alors qu’une poignée d’opposants de la Manif pour tous manifestaient devant les fenêtres de l’Assemblée nationale, les prises de parole ont eu lieu dans le calme, voire dans une certaine lassitude. Aurore Bergé (LREM) s’est félicité d’un « débat fructueux, même si cela s’est dégradé au fur et à mesure des séances ». Elle a salué « la capacité d’écoute et l’accueil de la parole de l’autre, jamais vus sur un autre texte, lors de la première lecture ». Reste que pour Bastien Lachaud (La France Insoumise), « le gouvernement réalise l’exploit de ne satisfaire personne ». « La discrimination reste dans la loi » a-t-il souligné, notamment à l’égard des personnes transsexuelles qui n’ont pas accès à la PMA.
« Vous voulez vous prétendre progressistes à un an de la fin du mandat » a-t-il critiqué, dénonçant une « loi hypocrite » n’allant au bout du « droit de chacun de disposer de son corps ». Dans un brouhaha croissant à l’approche du vote, Valérie Six (UDI et indépendants) a rappelé que « pour la première fois une loi de bioéthique est adoptée dans la division, non seulement entre la majorité et l’opposition mais entre les deux chambres, le Sénat et l’Assemblée nationale ». Une division qui perdurera jusqu’au bout du processus puisque des députés et sénateurs devraient saisir le Conseil constitutionnel.