Parmi les dispositions de la loi du 24 août 2021 destinées à conforter le respect des principes de la République, l’une des plus discutées résulte de l’article 12 de la loi qui insère un article 10-1 dans la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et instaure l’obligation de respecter les obligations résultant de la souscription d’un « contrat d’engagement républicain » dont la signature est soumise à toute association ou fondation qui sollicite une subvention auprès d’une autorité administrative ou d’organisme chargé d’assurer la gestion d’un service public industriel et commercial. Bien que cela ne soit pas précisé, il semble qu’il ait vocation à remplacer la charte d’engagements réciproque entre l’Etat, le mouvement associatif et les collectivités territoriales signé le 14 février 2014 qui avait pour ambition de développer « une politique publique d’attribution de subventions dont les critères de sélection, les modalités d’attribution et de mise en œuvre soient transparents et concertés avec les acteurs concernés ». Signe évident d’une volonté d’encadrement de la liberté associative de même que d’une reprise en main, sous l’autorité des services déconcentrés de l’Etat, des relations entre les collectivités territoriales et le tissu associatif.
Le législateur n’a pas estimé nécessaire de suivre l’avis du Conseil d’Etat, rendu le 3 décembre 2020, qui suggérait de renoncer à qualifier de contractuel l’engagement républicain dès lors qu’il n’était le produit d’aucune négociation mais constituait l’expression de la seule volonté de l’autorité administrative.
Les engagements mises à la charge de l’association sollicitant ou bénéficiant d’une subvention sont sobrement définis dans termes suivants :
« 1° A respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution ;
« 2° A ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ;
« 3° A s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public ».
La signature du contrat d’engagement républicain impose le respect de ses stipulations tant par la personne morale qui le signe que par ses « membres » puisque est prévue une obligation d’information de « ses membres par tout moyen ». L’incompatibilité, a priori ou constatée à postériori, de l’activité de l’organisme subventionné avec les obligations souscrite fait soit obstacle à l’octroi de la subvention sollicitée, soit impose son remboursement.
Le texte
Un décret en Conseil d’Etat devait préciser les conditions d’application du « contrat d’engagement républicain ». Il est intervenu le 31 décembre 2020 en s’affranchissant de l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi qui considérait, avec une sage prudence, qu’ « il est préférable que l’énumération de ces principes dans la loi ait un caractère limitatif et que le décret en Conseil d’Etat prévu ait pour objet non d’ajouter d’autres principes comme le prévoit le projet, mais seulement de préciser les modalités d’application de la loi ». Désormais, dans l’annexe jointe au décret, et qui constitue un modèle de contrat d’engagement républicain, se trouvent explicités sept engagements.
Cette annexe mérite d’être cité dans son intégralité.
« CONTRAT D’ENGAGEMENT RÉPUBLICAIN DES ASSOCIATIONS ET FONDATIONS BÉNÉFICIANT DE SUBVENTIONS PUBLIQUES OU D’UN AGREMENT DE L’ÉTAT
L’importance des associations et des fondations dans la vie de la Nation et leur contribution à l’intérêt général justifient que les autorités administratives décident de leur apporter un soutien financier ou matériel. Il en va de même pour les fédérations sportives et les ligues professionnelles. L’administration, qui doit elle-même rendre des comptes aux citoyens, justifier du bon usage des deniers publics et de la reconnaissance qu’elle peut attribuer, est fondée à s’assurer que les organismes bénéficiaires de subventions publiques ou d’un agrément respectent le pacte républicain.
A cette fin la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a institué le contrat d’engagement républicain.
Conformément aux dispositions des articles 10-1 et 25-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le présent contrat a pour objet de préciser les engagements que prend toute association ou fondation qui sollicite une subvention publique ou un agrément de l’Etat. Ainsi, l’association ou la fondation « s’engage (…) à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine ainsi que les symboles de la République (…) », « à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République » et « à s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public ».
Ces engagements sont souscrits dans le respect des libertés constitutionnellement reconnues, notamment la liberté d’association et la liberté d’expression dont découlent la liberté de se réunir, de manifester et de création.
ENGAGEMENT N° 1 : RESPECT DES LOIS DE LA RÉPUBLIQUE
Le respect des lois de la République s’impose aux associations et aux fondations, qui ne doivent entreprendre ni inciter à aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public.
L’association ou la fondation bénéficiaire s’engage à ne pas se prévaloir de convictions politiques, philosophiques ou religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant ses relations avec les collectivités publiques.
Elle s’engage notamment à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République.
ENGAGEMENT N° 2 : LIBERTÉ DE CONSCIENCE
L’association ou la fondation s’engage à respecter et protéger la liberté de conscience de ses membres et des tiers, notamment des bénéficiaires de ses services, et s’abstient de tout acte de prosélytisme abusif exercé notamment sous la contrainte, la menace ou la pression.
Cet engagement ne fait pas obstacle à ce que les associations ou fondations dont l’objet est fondé sur des convictions, notamment religieuses, requièrent de leurs membres une adhésion loyale à l’égard des valeurs ou des croyances de l’organisation.
ENGAGEMENT N° 3 : LIBERTÉ DES MEMBRES DE L’ASSOCIATION
L’association s’engage à respecter la liberté de ses membres de s’en retirer dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 et leur droit de ne pas en être arbitrairement exclu.
ENGAGEMENT N° 4 : ÉGALITÉ ET NON-DISCRIMINATION
L’association ou la fondation s’engage à respecter l’égalité de tous devant la loi.
Elle s’engage, dans son fonctionnement interne comme dans ses rapports avec les tiers, à ne pas opérer de différences de traitement fondées sur le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée qui ne reposeraient pas sur une différence de situation objective en rapport avec l’objet statutaire licite qu’elle poursuit, ni cautionner ou encourager de telles discriminations.
Elle prend les mesures, compte tenu des moyens dont elle dispose, permettant de lutter contre toute forme de violence à caractère sexuel ou sexiste.
ENGAGEMENT N° 5 : FRATERNITÉ ET PREVENTION DE LA VIOLENCE
L’association ou la fondation s’engage à agir dans un esprit de fraternité et de civisme.
Dans son activité, dans son fonctionnement interne comme dans ses rapports avec les tiers, l’association s’engage à ne pas provoquer à la haine ou à la violence envers quiconque et à ne pas cautionner de tels agissements. Elle s’engage à rejeter toutes formes de racisme et d’antisémitisme.
ENGAGEMENT N° 6 : RESPECT DE LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE
L’association ou la fondation s’engage à n’entreprendre, ne soutenir, ni cautionner aucune action de nature à porter atteinte à la sauvegarde de la dignité de la personne humaine.
Elle s’engage à respecter les lois et règlements en vigueur destinés à protéger la santé et l’intégrité physique et psychique de ses membres et des bénéficiaires de ses services et ses activités, et à ne pas mettre en danger la vie d’autrui par ses agissements ou sa négligence.
Elle s’engage à ne pas créer, maintenir ou exploiter la vulnérabilité psychologique ou physique de ses membres et des personnes qui participent à ses activités à quelque titre que ce soit, notamment des personnes en situation de handicap, que ce soit par des pressions ou des tentatives d’endoctrinement.
Elle s’engage en particulier à n’entreprendre aucune action de nature à compromettre le développement physique, affectif, intellectuel et social des mineurs, ainsi que leur santé et leur sécurité.
ENGAGEMENT N° 7 : RESPECT DES SYMBOLES DE LA RÉPUBLIQUE
L’association s’engage à respecter le drapeau tricolore, l’hymne national, et la devise de la République ».
Par ailleurs, l’article 5 du décret précise que « l’association ou la fondation veille à ce que le contrat…… soit respecté par ses dirigeants, par ses salariés, par ses membres et par ses bénévoles. Sont imputables à l’association ou la fondation les manquements commis par ses dirigeants, ses salariés, ses membres ou ses bénévoles agissant en cette qualité, ainsi que tout autre manquement commis par eux et directement lié aux activités de l’association ou de la fondation, dès lors que ses organes dirigeants, bien qu’informés de ces agissements, se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient ».
Une série d’inquiétudes légitimes
Une première remarque s’impose à la lecture de l’annexe du décret définissant le contenu du contrat d’engagement républicain. Alors que les dispositions de l’article 10-1 de la loi du 12 avril 2000 résultant de la loi du 24 août 2021 déterminait trois obligations mise à la charge de l’association à laquelle était imposée la signature du contrat d’engagement républicain, le décret en énumère sept.
Par ailleurs, la généralité de l’obligation de souscription du contrat d’engagement républicain interroge. Comme le soulignait le Conseil d’Etat dans son avis du 3 décembre 2020, « le contrat d’engagement républicain dont le contenu est délimité par la loi, ne saurait étendre l’application du principe de laïcité au-delà de l’administration et des services public ». Sage observation fondée sur la réaffirmation de l’un des caractères fondamentaux du principe de laïcité tel qu’il ressort des deux premiers articles de la loi du 9 décembre 1905. C’est l’Etat et ses services publics qui sont neutres et non la société civile et ses acteurs. Le lien mécanique établi entre sollicitation d’une subvention et obligation de signature d’un contrat d’engagement républicain tend à soumettre l’ensemble du tissus associatif subventionné à une statut voisin de celui des personnes privées investies d’une mission de service public ou délégataires de service public. Il convient de le rappeler, remplir des missions d’intérêt général, ce que font nombre d’associations, n’en fait pas nécessairement des collaboratrices du service public sauf à considérer que le secteur associatif n’aurait d’autre justification que de fournir des petites mains chargées de compenser l’impuissance publique. Il y a là une atteinte inadmissible à la liberté d’association au travers d’un conditionnement de l’accès à des subventionnements public. De la même façon, l’on peut considérer que se trouve affecté le principe de libre administration des collectivités territoriales.
Des obligations au périmètre incertain
Une lecture rapide du document pourrait laisser supposer que l’on se trouve simplement en présence d’une démarche d’explicitation de la loi. Avant même l’adoption du décret, lors des débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi, quelques voix se sont élevées pour souligner l’incongruité voire l’inutilité de contrat d’engagement républicain en soulignant que toutes les associations étaient déjà soumises au respect des lois de la République. « Si ces règles sont méconnues, il existe déjà de nombreuses dispositions dans les différents codes pour y répondre », indiquait Jean-Pierre Sueur devant le Sénat
La réalité est un peu plus complexe. A côté de la formulation d’évidences, comme l’obligation de respect la loi et de n’entreprendre aucune action violente de nature à troubler gravement l’ordre public, l’engagement de s’abstenir de toute provocation à la haine, de tout recours à la violence et de rejeter toutes formes de racisme, d’autres dispositions, derrière leur caractère anodin et, en apparence, largement réitératif du droit existant, posent ou pourront poser problème. Ainsi en va-t-il, par exemple de l’obligation de respect de la dignité de la personne humaine. Cette obligation, posée par l’article 16 du code civil et résultant de la loi du 29 juillet 1994 constitue incontestablement un progrès. Mais encore faudrait-il qu’un accord à peu près général existe sur le contenu qu’il convient de lui donner. Un exemple suffira à comprendre la difficulté. Un collectivité territoriale gouvernée par une majorité hostile à l’interruption volontaire de grossesse pourrait, sur le fondement d’une lecture spécieuse du respect de la dignité de la personne humaine, s’opposer à l’octroi ou au maintien de subventions au Planning familial. De la même façon, la formulation de l’engagement n° 2 n’est pas sans soulever de difficultés en introduisant un principe de neutralité convictionnelle auquel devrait se soumettre toute association à rebours du principe selon lequel si l’Etat et ses services publics sont soumis à une stricte obligation de neutralité, les acteurs de la société civile ont la pleine disposition de leur liberté de conscience et d’expression, sous les seules réserves de l’ordre public défini par la loi. Les termes de l’engagement n° 7 peuvent également surprendre. « L’association s’engage à respecter le drapeau tricolore, l’hymne national et la devise de la République ». Jusqu’où va le respect, qui en est juge ? Faut-il admettre qu’étaient justifiés les injures que l’extrême droite de l’époque réservait à Jean Zay pour son poème intitulé « Le Drapeau » dans lequel il dénonçait avec virulence l’exacerbation nationaliste, enveloppée dans les plis du drapeau tricolore, qui avait alimenté la boucherie de 14-18. Plus largement, la généralité de la plupart des engagements : « ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République », s’engager « à agir dans un esprit de fraternité et de civisme », « à respecter l’égalité de tous devant la loi », sont d’une généralité telle qu’elle ouvre la porte à toutes les interprétations et à tous les accaparements idéologiques de la part de collectivités territoriales aux intentions liberticides. Elles vont trouver là l’argument qui permettra de donner légitimité à des pratiques discriminatoires jusque-là pratiquées dans une coupable clandestinité. On avait pu le constater avec les « chartes de la laïcité » adoptées par certaines collectivités territoriales. De plus, se limiter, le plus souvent, à réitérer des dispositions législatives, des principes de valeur constitutionnelles ou des principes généraux du droit, n’ajoute rien à l’obligation de leur respect.
Une autre difficulté tient au périmètre conféré aux obligations souscrites ou, plus exactement à la détermination des personnes physiques susceptible d’être tenues responsables de leur irrespect. L’article 5 du décret précise que l’association ou la fondation signataire « veille à ce que le contrat (…) soit respecté par ses membres et par ses bénévoles ». Il ajoute que la personne morale doit se voir imputer « les manquements commis par ses dirigeants, ses salariés, ses membres et ses bénévoles ». Outre que la distinction opérée entre membres et bénévoles interroge et pourrait conduire à considérer que l’association peut être tenue pour responsable d’actes ou de comportement de personne sans autre lien avec elle que l’engagement militant, il apparaît qu’au terme d’une dilatation du périmètre d’application du dispositif, pourront se voir soumises à l’exigence de neutralité des personnes sans lien statutaire avec le service public, voire sans lien contractuels stables avec l’association subventionnée.
Une mise en œuvre problématique
Restait deux interrogations que les textes ne résolvent pas explicitement, celle relative à l’obligation de signature du contrat d’engagement républicain par les associations subventionnée et celle du caractère obligatoire des stipulations figurant en annexe du décret du 31 décembre 2021.
Une obligation de signature
Sur le premier point, la logique qui avait déterminé la conclusion de la charte des engagements réciproques du 14 février 2014 est clairement remise en cause. Les collectivités territoriales se trouvent soumises à une logique d’encadrement dans le choix des partenaires associatifs avec lesquels elles souhaitent entretenir des liens de coopération et à une obligation de conditionner l’octroi de subventions à la conclusion d’un contrat d’engagement républicain et à solliciter le remboursement des montants alloués dès lors que l’association viendrait à être soupçonnée de méconnaître la teneur de ses engagements.
S’affranchiraient-elles de l’obligation de faire signer un contrat d’engagement républicain ou omettraient-elles de tirer les conséquences de ce que l’Etat considère comme un engagement au regard du principe de laïcité, qu’elle pourraient s’y trouver contraintes au moyen du référé « liberté » que le représentant de l’Etat pourrait soumettre à l’attention du juge administratif. En effet, l’article 5 de la loi du 24 août 2021 a complété les dispositions de l’article L2131-6 du code général des collectivité territoriales relatives au déféré préfectoral des actes des collectivités territoriales en précisant que dorénavant, un tel déféré peut être assorti d’une demande sursis à exécution de l’acte contesté, sur lequel le juge administratif dispose d’un délai de 48 heures pour se prononcer « lorsque l’acte est de nature à porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics ». Le ministre de l’Intérieur, par une instruction en date du 31 décembre 2021, a tenté d’en préciser les contours. Il y est notamment indiqué qu’entrent dans son champ d’application : « les subventions ou le soutien aux associations (par exemple : les délibérations accordant une subvention, les délibérations fixant le règlement d’occupation des locaux) ».
Il s’agit là d’une contrainte particulièrement lourde créant une sorte de compétence liée des collectivités territoriales qui ne disposent plus de marge d’appréciation tant en ce qui concerne l’octroi d’une subvention, de son retrait ou sa demande de remboursement. Il peut sembler surprenant que le Conseil d’Etat, dans son avis sur le projet de loi et le Conseil constitutionnel dans la décision appréciant la constitutionnalité de la loi votée n’aient pas soulevé d’objection ou à tout le moins, en ce qui concerne le Conseil constitutionnel, formulé de réserve d’interprétation tant le texte adopté va à l’encontre de la lecture particulièrement libérale à laquelle avait habitué le Conseil d’Etat concernant l’application de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905.
La porte ouverte aux interprétations
Mais la question de l’obligation de signature du contrat d’engagement républicain se double de celle du contenu des engagements souscrits. Le texte de la loi du 24 août 2021 fait référence au respect des « principes de la République ». L’on ne peut que se réjouir que le Conseil d’Etat ait convaincu le gouvernement de renoncer à la formule initialement choisie : les « valeurs de la République ». Mais si les « principes de la République » sont mieux identifiables, il n’est pas sûr qu’il soit aisé de leur donner une définition incontestable. L’engagement à ne pas porter atteinte à la dignité de la personne humaine peut donner lieu, à l’évidence, à des interprétations différentes, notamment lorsque sont abordées les questions de l’interruption volontaire de grossesse ou la fin de vie. Certaines formules deviennent vides de sens, tant le propos y est général. Que signifie concrètement « agir dans un esprit de fraternité et de civisme » ? Et surtout à quel indice, à quel critère juge-t-on que tel n’a pas été le cas ? Parmi les obligations souscrites, certaines sont positives, comportent un engagement de faire ou de faire d’une certaine façon : « respecter l’égalité devant la loi », « la liberté de conscience » des membres de l’association, « respecter les lois et règlements »… D’autres postulent des abstentions « ne pas remettre en cause » « s’abstenir de toute action », etc.
Le danger existe de voir se dessiner une lecture idéologique des obligations formulées en fonction de l’orientation politique des collectivités territoriales. La question n’est pas simplement théorique comme on a pu le voir, avant l’adoption de la loi, lors de l’analyse par les juridictions administratives de « chartes de la laïcité » que des collectivités territoriales cherchaient à imposer à leurs partenaires, notamment associatif. Et c’est, vraisemblablement, sur la question de la laïcité, qui fut introduite en tout début de débat parlementaire, que des débats vont principalement s’engager. Des associations telles la Cimade, Caritas ou le Secours catholique devraient-elles se voir refuser toute subvention à raison de leur caractère confessionnel ? Mais l’on pourrait poser une question identique, concernant, par exemple le prêt d’une salle municipales à une association religieuse pour organiser une grande fête religieuse, dès lors que la religion professée par les membres de l’association prévoirait des emplacements séparés pour les femmes et les hommes ? Admettrait-on qu’une collectivité publique se fasse l’arbitre des pratiques rituelles d’un culte en violation manifeste avec les dispositions de la loi de 1905 ?
Le Conseil d’Etat a su, dans les années qui ont suivi l’adoption de la loi de 1905, apporter intelligence et sérénité dans l’application du principe de séparation à la pratique des sonneries de cloche ou au déroulement des processions religieuses. Il serait souhaitable qu’il en soit de même avec la mise en œuvre concrète de l’obligation de signature de contrats d’engagement républicain. L’on peut cependant déplorer que le choix d’une stratégie de posture de la part du législateur contraigne les justiciables à user des ressources du contentieux pour éclairer l’usage démocratique des droits que leur confère la République. Ni la laïcité, ni le principe d’égalité, ni finalement et, plus largement, les principes de la République, n’ont à gagner à se trouver convoqués dans des législations de circonstance. Le travail de pacification du juge, s’il constitue une ressource nécessaire ne saurait consoler de l’incertitude de la loi et de la brutalité du règlement.