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Les demandes de surveillance liées au terrorisme sont loin devant toute autre activité dans ces services.
La lutte contre le terrorisme est demeurée la priorité des services de renseignement français qui lui ont consacré près de 40 % de leurs activités de surveillance en 2019, loin devant la criminalité organisée , selon un rapport officiel.
« La prévention du terrorisme continue, depuis 2015, à fonder la plus grande partie des demandes de techniques de renseignement », a constaté la Commission de contrôle des techniques du renseignement (CNCTR), qui vient de rendre public son rapport annuel. Le sujet représente en effet 38 % des demandes adressées l’an passé par les grands services de renseignement de l’Hexagone à la commission, autorité administrative indépendante chargée depuis 2015 de contrôler la légalité de leurs activités.
Une vigilance sur la surveillance des groupes
La criminalité et la délinquance organisée en représentent 19 %, avant les « intérêts géostratégiques » de la France (18 %), un intitulé qui couvre notamment la défense nationale, le contre-espionnage et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive . Viennent ensuite les actions des groupements dissous et autres violences collectives (14 %), à relier notamment aux débordements de certaines manifestations des « gilets jaunes ».
La commission rappelle d’ailleurs sa vigilance sur ce dossier, « considérant que la prévention de violences collectives ne saurait être interprétée comme permettant la pénétration d’un milieu syndical ou politique ou la limitation du droit constitutionnel de manifester ses opinions, même extrêmes, tant que le risque d’une atteinte grave à la paix publique n’est pas avéré ». Viennent ensuite les intérêts économiques du pays (11 %).
Sur le plan global, 22 210 personnes ont été surveillées en France l’an passé , un chiffre stable par rapport à 2018 (+0,8 %). La CNCTR est censée veiller à ce que les techniques de renseignement mises en œuvre soient conformes à la loi. En d’autres termes : pas de dérapage, de dérive politique, de surveillance indue d’un individu pour des raisons qui n’auraient rien à voir avec la sécurité nationale.
Son rapport souligne avoir rendu 460 avis défavorables , soit 1,4 % du nombre d’avis rendus. Taux plutôt peu élevé, qui baisse chaque année depuis 2015, et que la commission salue sans réserve comme le signe d’un encadrement qui porte ses fruits.
Ce taux « est en cohérence avec les efforts déployés par les services de renseignement pour se conformer à l’ensemble des exigences imposées par le cadre juridique en vigueur », indique le rapport qui se réjouit de « la qualité et de l’utilité du dialogue régulier qu’elle entretient » avec les services. La commission précise en particulier avoir, à 1 732 reprises, demandé des précisions aux services avant de rendre un avis.
La France fait face à un « degré de violences » inédit, selon le coordinateur du renseignement
Un militaire de l’opération Sentinelle, le 25 août 2019, à Paris. — Clément Follain / 20 Minutes
Si la France n’est « pas la seule concernée », et le djihadisme n’est pas « la seule idéologie » préoccupante, le pays fait face à « un degré de violence » inédit, a alerté Pierre Bousquet de Florian, le coordinateur national du renseignement , lors d’une conférence au salon dédié à la sécurité intérieure des Etats, ce jeudi, à Villepinte (Seine-Saint-Denis).
« On constate une forte dégradation des rapports sociaux dans les sociétés occidentales », a-t-il ajouté. Evoquant des « postures populistes de plus en plus véhémentes », on est face à « une forme d’ensauvagement général de notre société avec un degré de violence et une rapidité de montée vers la haine que nous n’avions jamais connus auparavant », a déclaré Pierre Bousquet de Florian.
« Les radicaux de tous bords »
La France n’est « pas la seule concernée », et le djihadisme n’est pas « la seule idéologie » préoccupante, a-t-il expliqué. Dans ce contexte, il a évoqué plusieurs points « d’attention majeurs » pour les services : l’ultradroite et l’ultragauche, mais aussi « les radicaux de tous bords ».
Selon lui, cela comprend tous les groupes se distinguant par des discours « de plus en plus violents » c’est-à-dire « les antispécistes , les autonomistes, les identitaires, demain peut-être une marge radicale de mouvements écologistes… » Il a enfin évoqué « une quatrième catégorie à laquelle il faut être attentif, les Etats ». Si « on n’a pas constaté de véritable terrorisme étatique contre nos intérêts ces dernières années », « il n’est pas exclu qu’un Etat acculé puisse recourir à ce type d’extrémités ».
Comment les gendarmes ont infiltré un gigantesque réseau de téléphones cryptés
Des organisations criminelles du monde entier utilisaient un téléphone crypté pour communiquer.
Après plusieurs mois de travail, les gendarmes ont trouvé le moyen pour contourner le chiffrement des messages. Une soixantaine d’enquêteurs sont chargés de les analyser.
Les gendarmes ont travaillé, au cours des derniers mois, avec la police hollandaise qui s’intéressait également à ces appareils cryptés. Plusieurs centaines de personnes ont déjà été interpellées aux Pays-Bas et des milliers de kilos de drogues saisis.
Son nom : EncroChat. Un téléphone crypté hypersécurisé , intraçable, garantissant un anonymat complet à ses utilisateurs. En une fraction de seconde, ces derniers peuvent effacer toutes les données sensibles qu’il contient. L’appareil, vendu 1.000 euros sur le marché noir, a été adopté dans le monde entier par des organisations criminelles persuadées que leurs conversations ne seraient pas interceptées par les forces de sécurité. Mais dans la nuit du 12 au 13 juin 2020, un message d’alerte s’est affiché sur leur écran. Le réseau a été « infiltré illégalement » par des « entités gouvernementales ». « Il vous est conseillé d’éteindre votre appareil et de vous en débarrasser immédiatement. »
Les gendarmes du Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) ont commencé à s’intéresser à ces téléphones en 2017, alors que les enquêteurs en saisissaient de plus en plus dans des dossiers de criminalité organisée. Problème : les conversations étant chiffrées, ils étaient inexploitables. Ils découvrent néanmoins que les serveurs utilisés par EncroChat sont installés dans le Nord de la France. La Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Lille va alors ouvrir une enquête préliminaire.
« Les communications ne concernaient que des activités criminelles »
De leur côté, les techniciens du département Informatique Électronique de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) vont mener des travaux de recherche approfondis, financés en partie par des fonds européens, pour comprendre le fonctionnement de ces appareils et tenter de percer leur coffre-fort. Après plusieurs mois de travail, ils parviennent à trouver une solution pour contourner le chiffrement. Ils peuvent ainsi intercepter et déchiffrer les messages échangés par les criminels en temps réel.
Ils sont ensuite analysés par la soixantaine de gendarmes, issus de différents services, qui composent depuis mars dernier la cellule d’enquête nationale. « Très vite, on s’est rendu compte que les communications ne concernaient que des activités criminelles, essentiellement du trafic de stupéfiants, explique à 20 Minutes la colonelle Fabienne Lopez, cheffe du C3N. On a aussi détecté de nombreux projets de meurtres ou d’atteintes graves à l’intégrité physique qu’on signalait aux autorités des pays concernés afin qu’ils empêchent la commission de ces crimes. »
En avril 2020, sous l’égide d’Eurojust, une équipe commune d’enquête est constituée avec les policiers néerlandais qui s’intéressent également de près à ces appareils utilisés par 10.000 personnes dans leur pays. L’analyse des millions de messages échangés par leurs possesseurs leur permettra d’interpeller une centaine de suspects et saisir plus de 8.000 kg de cocaïne , 1,2 tonne de méthamphétamine, des dizaines d’armes à feu, des montres de luxe, des voitures utilisées pour le transport de drogue, plusieurs millions d’euros en liquide, et de démanteler 19 laboratoires de drogues synthétiques.
Les investigations ont aussi révélé « des indices de fuite au niveau des services de police », qui sont pris « extrêmement au sérieux », a souligné la cheffe de la police néerlandaise, Janine van den Berg, lors d’une conférence de presse organisée ce jeudi à La Haye (Pays-Bas ).
Une enquête loin d’être terminée
En France, « les outils mis en place ont permis de détecter des structures criminelles de très haut niveau », impliquées dans les trafics d’armes ou de stupéfiants , ou dans le blanchiment d’argent, a pour sa part indiqué Carole Etienne, procureur de la République de Lille , sans en dire davantage.
Cette enquête inédite, qui a déjà donné de nombreux résultats, est loin d’être terminée. Une information judiciaire a été ouverte en mai dernier et un juge d’instruction saisi. « Il s’agit désormais de mettre à jour les membres de cette organisation » qui fournissait ces téléphones cryptés au gotha mondial de la criminalité, conclut Fabienne Lopez. Dans le monde, au moins 50.000 appareils EncroChat étaient en utilisation… du moins, jusqu’au 13 juin dernier.