En même temps, la place de l’immigration dans la population de la plupart des pays européens tourne en moyenne entre 8 et 10 %. On n’est donc pas dans un phénomène de grand remplacement et les démographes comme François Héran insistent beaucoup, dans leurs cours au Collège de France, sur ce phénomène. Je crois qu’il faut quand même prendre ce premier argument.
Les autres arguments sont de type culturel. On est dans, peut-être, une certaine archipélisation des entre-soi culturels. Mais dans l’ensemble, les cultures dominantes de la plupart des pays européens restent quand même solides et ne sont pas menacées véritablement par des contre-cultures qui viendraient de l’immigration, des périphéries, etc. C’est donc un aspect qui est quand même très important. Dans l’ensemble, les phénomènes d’intégration fonctionnent, quoi qu’on en pense, et il y a encore une très grande solidité des cultures européennes, nationales et aussi, d’ailleurs, d’un certain nombre de projets européens de vivre ensemble et d’affirmation de ce que peut être une culture européenne.
Un dernier point sur lequel j’insiste pour contrecarrer le livre de Stephen Smith, La Ruée vers l’Europe. Certes, l’Afrique a une démographie très importante dans la partie subsaharienne, mais la plupart des Africains, puisque ce sont ceux qui sont aujourd’hui définis comme cibles qui apporteraient ce grand remplacement, migrent surtout en Afrique. Aujourd’hui, on a 26,5 millions de migrants à l’intérieur de l’Afrique, qui sont pour l’essentiel des Africains et qui, pour le reste, migrent en Europe mais aussi dans le Golfe, aux États-Unis, en Chine… L’Europe est loin d’être la destination finale de ces migrations. On a énormément de migrations internes, notamment avec les déplacés environnementaux. Ce n’est pas demain qu’on va trouver à sa porte un déplacé environnemental dans les pays européens. (…) On est tout à fait dans une idée fausse de ce que sont ces phénomènes migratoires transcontinentaux.
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Pierre Henry est le président de l’association France Fraternités, à l’initiative de la série « Les mots piégés du débat républicain », disponible également en podcast sur Beur FM.
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