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Par Paul Sugy et Mayeul Aldebert
La campagne de communication financé par la Commission européenne et le Conseil de l’Europe avait fait polémique.Conseil de l’Europe
L’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler dénonce l’entrisme d’organisations affiliées à l’idéologie des Frères musulmans au sein des programmes subventionnés par l’Union européenne, notamment au titre du financement de la recherche en sciences sociales.
Florence Bergeaud-Blacker est anthropologue au CNRS et à l’université Paris Sciences et Lettres.
Le meilleur du journalisme européen, sélectionné et traduit par Édouard de Mareschal.
LE FIGARO.- Vous avez dénoncé le financement d’organes de propagande islamiste par les fonds européens alloués à la recherche. Comment est contrôlée l’allocation de ces fonds, et quelles sont les règles à respecter par les chercheurs candidats à des subventions ?
Les Frères s’appuient sur, et contribuent à la promotion des théories relativistes des indigénistes et néo-féministes importées par les sciences sociales. Les théories critiques de la sociologie et en particulier leurs formes radicales relativistes et post-modernes, qui prétendent que nous serions passés à l’âge post-séculier, font un travail de déconstruction voire de destruction intellectuelle de la culture occidentale qui entre en résonance avec ce que les Frères appellent l’ «Islamization of Knowledge», c’est à dire «l’islamisation de la connaissance», qui consiste à relire les sciences sociales au prisme de l’islam, à en proposer une autre épistémologie compatible avec la charia.
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L’UE dépense des centaines de millions d’euros chaque année pour promouvoir des politiques inclusives qui font une place disproportionnée aux études et aux actions de lutte contre la haine et les discriminations des minorités. Celles-ci sont traitées avec le plus grand soin, comme des grenades susceptibles d’exploser à tout moment. Plus les représentants autoproclamés de ces minorités se disent victime d’une oppression, plus la Commission leur accorde d’attention et de ressources afin qu’elles n’éveillent pas le monstre endormi, «l’extrême droite blanche». Cette situation constitue une rente pour des centaines d’influenceurs et de sociologues en Europe qui occupent ce créneau, proposent des solutions qui encouragent la reconnaissance de ces minorités en tant que telles.
Ils accumulent une expertise qui se nourrit d’elle-même, s’habille de concepts de plus en plus changeants et opaques produisant une novlangue, très créative, cache-misère d’une pensée qui s’appauvrit. Mais surtout ils laissent de côté la compréhension du fondamentalisme religieux, et de l’islamisme qui selon bon nombre de ces chercheurs ne serait qu’une vue de l’esprit, une créature imaginaire supposée détourner des vrais problèmes socio-économiques et du racisme structurel dont les États membres se seraient rendus coupables. La France est particulièrement ciblée comme l’exemple de l’intolérance à l’égard des minorités, et des musulmans en particulier, sa laïcité étant caricaturée à outrance.
Les études sur l’islam se réduisent à l’étude des causes de l’islamophobie. Et comme les financements publics au niveau des États se font rares, les appels à projet fléchés de l’Europe de la recherche sont d’autant plus convoités. Le problème c’est qu’ils sont rédigés avec les concepts fumeux de la novlangue inclusive, et qu’il faut également impliquer dans le consortium des «stakeholders» des acteurs de la société civile, parmi les «minorités» étudiées. Des ONG se sont constituées, maillant le territoire européen, pour fournir à ces consortiums de recherche ces voix de la société civile et ainsi influencer les résultats de recherche. On y trouve des alliances de militants fréristes, d’indigénistes, de néo-féministes, et des militants radicaux LGBTQI+ qui coalisent des petites minorités bruyantes surreprésentées dans les médias.
Depuis vos premières alertes, l’UE a-t-elle renforcé le contrôle des associations qu’elle finance ?
Il n’y a pas de contrôle de ces associations. À un député européen qui s’inquiétait de savoir pourquoi l’UE subventionnait le FEMYSO connu pour sa proximité avec les Frères musulmans, la Commission européenne a répondu: «Les Frères musulmans et le FEMYSO ne font pas l’objet de mesures restrictives de l’UE». La députée européenne Monika Hohlmeier qui occupe les fonctions de présidente de la Commission du contrôle budgétaire s’en est d’ailleurs inquiétée lors d’un séminaire public au cours duquel elle a préconisé la mise au point d’une «white list» d’associations au-dessus de tout soupçon. En attendant, il n’existe aucun mécanisme pour empêcher le financement d’associations fréristes, qu’il soit direct, ou indirect par le biais de la recherche.
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Le cas du Secours Islamique créé en 1984 à Birmingham est également emblématique de l’effet multiplicateur des subventions européennes. Bien que cette ONG ait fait parler d’elle pour ses liens avec le Hamas et les propos antisémites de certains de ses administrateurs, et que le gouvernement allemand ait souligné ses liens avec les Frères musulmans, cette ONG qui a reçu de l’UE et des pays membres plusieurs dizaines de millions d’euros continue d’être accréditée par la Commission. Les bureaux suédois, allemand et français du Secours islamique font partie de la liste 2021-2027 des ONG de la Direction générale de la protection civile européenne et des opérations d’aide humanitaire (DG ECHO). Interpellée sur cette anomalie par des députés européens, la Commission a une fois de plus botté en touche en réaffirmant qu’elle n’opérait «aucune discrimination fondée sur la religion ou les convictions et ne classe pas les organisations partenaires en fonction de leur appartenance religieuse», ce qui n’est évidemment pas le problème.
L’Union européenne est pourtant transparente sur les organisations qu’elle finance…
Oui et non. Il y a une volonté de transparence dans la mesure où les fonds européens pour la recherche sont administrés par des comités d’experts selon des barèmes précis en vertu d’appels d’offres publics. Le problème vient essentiellement du fléchage et de la rédaction des appels d’offre. Les sujets sont définis sur la base de concepts liés à l’idéologie inclusive devenue hégémonique dans l’UE. Les évaluateurs, des experts «indépendants» qui se cooptent entre eux, sont dotés de grilles d’évaluation sous forme de case à cocher. Si vous en cochez le maximum, c’est-à-dire si vous avez réussi à utiliser la novlangue européenne, alors votre projet a des chances d’être retenu. Les fonds sont souvent attribués aux mêmes organisations dont les évaluateurs «indépendants» connaissent le travail ou avec qui ils ont une proximité idéologique. Ils gèrent ainsi des centaines de millions d’euros en dehors de tout contrôle parlementaire.
Le problème semble venir de ce que l’Europe ne sait pas dire ce qu’est l’islamisme ?
L’islamisme est un islam fondamentaliste à visée politique. On sait le définir et le caractériser mais le problème c’est que l’identifier ne suffit plus. Dans la recherche aujourd’hui, on a pris cette habitude de faire valider les résultats par les groupes étudiés. Si je démontre que l’UOIF (devenue «Musulmans de France») représente le canal historique des Frères musulmans en France en révélant les liens historiques, financiers et sociaux entre l’association et la confrérie, on prendra en compte «mon point de vue relatif» de chercheur. Mais si l’association Musulmans de France publie un communiqué pour dire que ce sont des calomnies, c’est ma parole contre la leur. Les Frères ont compris qu’un bon avocat peut venir à bout de décennies de recherches accumulées. Il suffira de me coller une étiquette infamante pour anéantir des années de travail.
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L’anthropologie critique très en vogue dans les études financées par l’UE est aveugle à l’existence de l’islam fondamentaliste, car elle prétend ce n’est qu’un anathème, une façon de raciser l’islam. À l’affut de toutes les minorités qu’ils peuvent sauver et coaliser, ces chercheurs se moquent bien de savoir ce qu’il y a sous le voile. La seule chose qui les intéresse c’est de coaliser contre des chimères : le racisme systémique, l’islamophobie, le «biais inconscient». Car les chimères ne meurent jamais, leur combat vertueux leur garantit une rente morale à vie.
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La création d’un Conseil national, censé labelliser les imams compatibles avec la République, est contestée par le CFCM. Pour Philippe D’Iribarne, cette division illustre la difficulté des représentants musulmans à être en conforme avec leur base.
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