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La fermeture d’un lieu de culte nécessite de longs mois d’investigations et des preuves irréfutables.
Par Christophe Cornevin
Tout en essayant de contenir la montée en puissance de «l’imam Google» et d’éradiquer la salafisation rampante des esprits sur les réseaux sociaux, l’État continue à cibler les mosquées qui diffusent des messages de haine et appellent à faire sécession avec la République.
Prière de rue, en avril 2019 à Marseille, dans le quartier des Oliviers, après la fermeture de la mosquée par les autorités. Sébastien LEBAN/Sébastien Leban pour Le Point
Mais le combat est âpre. Selon un dernier bilan porté à notre con-naissance, pas moins de 250 structures répandant l’«idéologie séparatiste» ont été fermées depuis 2018. Parmi elles, ne figurent que quinze lieux de culte, dont deux au titre de la loi sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (Silt) «aux seules fins de prévenir la commission d’un acte de terrorisme». Outre douze associations «culturelles», huit structures accueillant des mineurs en dehors de tout contrôle et quatre écoles, le reste des dossiers (210) a surtout visé des débits de boissons, en particulier les bars à chicha, ou des restaurants «kebab».
Si l’écrasante majorité des 2600 lieux de culte pratique un islam modéré et compatible avec les valeurs de la France, les services de renseignement répertoriaient, il y a deux ans déjà, environ 130 mosquées et quelque 300 salles de prières «rigoristes», tenues par des «piétistes», adeptes du «tabligh», ou par des prosélytes Frères musulmans qui rêvent de transplanter les lois de l’islam au cœur de la société. Dans les radars, ces lieux déviants ne peuvent être interdits qu’au terme de plusieurs semaines d’une enquête fouillée, d’un dossier nourri sous l’autorité des préfets et d’une transmission au ministère de l’Intérieur qui «consolide» la procédure en évaluant les possibilités de recours. Les risques d’échecs ne sont pas négligeables. «L’exercice est d’autant plus complexe que tout le monde sait désormais que les imams radicaux ont appris à tenir leur langue et que leurs prêches posent de moins en moins de problèmes en surface», concède un conseiller de haut rang qui rappelle que l’État appuie sur tous les leviers, en particulier «le non-respect des règles sur les établissements recevant du public (ERP)».
Prêches radicaux
Soucieux d’aller plus loin dans la riposte, les architectes du projet de loi sur «les séparatismes» planchent sur l’hypothèse de fermer des salles de prières, voire des pages de réseaux sociaux pour le seul fait d’abriter des prêches radicaux contraires aux valeurs de la République. Cette disposition n’est pas sans rappeler l’article 8 de la loi sur l’état d’urgence qui permettait au ministre de l’Intérieur et au préfet «d’ordonner la fermeture de lieux de réunion de toute nature (…) au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d’acte de terrorisme».
À l’heure où le projet de loi est encore en plein arbitrage à l’Élysée, une source très informée, prudente, préfère parler d’une simple «piste de réflexion». «Un certain nombre de dispositions, étudiées sérieusement, font actuellement l’objet d’une importante tâche d’analyse juridique», avant d’insister sur l’impérieux «travail d’équilibre» entre entrave de l’islam radical et défense des libertés individuelles. «À chaque fois, nous serons obligés de monter des dossiers, avec toutes les difficultés qu’il y a à établir des preuves.»
Sur le terrain, les plans de lutte contre la radicalisation (PLR-Q) continuent à porter leurs fruits. Lancés en février 2018 de façon expérimentale dans 15 quartiers d’où sont partis des djihadistes, ils ont permis de mener 163 contrôles antifraudes visant les établissements communautaires. Mais aussi de redresser 5 millions d’euros pour la Caisse d’allocations familiales (CAF) ainsi que 15 millions d’euros pour l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf). Comme pour les voyous, une des meilleures façons de combattre l’islamisme est de le frapper au portefeuille.