« J’ai peur d’un scénario à l’italienne »
Officiellement, le pays a recensé 910 nouveaux cas en 24 heures, lundi soir, et 14 décès, mais il ne s’agit que des statistiques de l’institut de référence, l’Institut Pasteur d’Alger, dont le directeur, le professeur Fawzi Derrar, déclarait à la radio publique, cette semaine, que « l’Algérie est en train de subir la deuxième vague de la propagation du Covid-19, dont le nombre de contagions est en constante augmentation et à une vitesse inattendue ». « Il faut dire la vérité aux gens, j’ai peur d’un scénario à l’italienne », s’inquiète, pour sa part, Lehmana Bouchama, médecin au pôle Covid-19 de l’hôpital Mohamed-Lamine-Debaghine de Bab El Oued à Alger. Se confiant au quotidien El Khabar ce mardi 17 novembre, il explique que rien que dans deux hôpitaux à Alger il y a eu 22 morts en une journée cette semaine.
La situation est devenue de plus en plus dure pour les entrepreneurs. « J’ai tenu un peu depuis mars, difficilement, mais là, c’est fini, je vais déposer le bilan à la fin de l’année, je ne peux ni payer le loyer ni les salaires de mes quatre employés », explique un jeune gérant de restaurant au centre-ville d’Alger.© Billal Bensalem / NurPhoto / NurPhoto via AFP
« La stratégie des confinements n’est plus efficace, nous n’avons pas les véritables taux de contaminations, et les contaminés asymptomatiques circulent toute la journée en toute liberté. […] La seule solution est de décider d’un confinement général et total d’au moins quinze jours, nous sommes en guerre face à un ennemi qui n’a aucune pitié », poursuit le Dr Bouchama. Dimanche dernier, le gouvernement, qui parle d’une « phase préoccupante », a imposé le couvre-feu de 20 heures à 5 heures (il était à partir de 23 heures) et l’a étendu à 32 préfectures. Les salles de sport, les lieux de plaisance et de détente, les espaces récréatifs et de loisirs, les plages, les maisons de jeunes, et les centres culturels sont fermés pour deux semaines. Certains commerces sont sommés de fermer dès 15 heures alors que cafés et restaurants doivent limiter désormais leurs activités à la vente à emporter et sont soumis à l’obligation de fermer à 15 heures.
« Demi-mesures »
« J’ai tenu un peu depuis mars, difficilement, mais là, c’est fini, je vais déposer le bilan à la fin de l’année, je ne peux ni payer le loyer ni les salaires de mes quatre employés », réagit un jeune gérant de restaurant au centre-ville d’Alger. « Encore des demi-mesures qui ne changeront pas le cours grandissant des contaminations », estime, pour sa part, l’éditorial d’El Watan . Le gouvernement a réitéré également « l’interdiction de tous les rassemblements », dont les mariages et les fêtes de circoncision, et aussi toutes « manifestations politiques », qui « constituent des facteurs de propagation de l’épidémie ».
Justement, le 11 novembre dernier, le professeur Kamel Bouzid, chef du service oncologie du centre Pierre et Marie Curie du CHU Mustapha, avait incriminé les meetings organisés lors de la campagne référendaire : « En juillet-août-septembre, la situation paraissait relativement maîtrisée parce qu’il y avait 250-200 nouveaux cas et de 7 à 10 décès par jour. De manière totalement irresponsable, les walis [préfets] ont donné des autorisations de meeting pour la campagne de sensibilisation au référendum du 7 au 28 octobre. Et on a vu sur les différentes télévisions des salles où il y avait entre 600 et 1 000 personnes sans port de bavette et sans distanciation physique. Donc, maintenant, dans la première semaine qui suit cette farce, on paye. » Aucun commentaire officiel n’a répondu à cette déclaration.
« Un hôpital chez soi ! »
D’après des médias, la propagation inquiète aussi dans le secteur de l’éducation. D’après le quotidien Echourouk , quinze écoles primaires ont été fermées ou semi-fermées, avec 898 contaminations dans le secteur de l’éducation et 400 parents d’élèves contaminés. Les autorités, qui refusent d’entendre parler de suspension de l’enseignement, se dirigeraient vers un système hybride en faisant classe en présentiel et en distanciel. Inès, dans sa pharmacie transformée en bunker anti-Covid avec ses multiples isolations en plexiglas, désespère. « La saturation des hôpitaux est inquiétante. Des gens aisés achètent eux-mêmes leur respirateur. Après le privé, on aura des hôpitaux chez soi. C’est de la folie », s’emporte-t-elle, alors qu’enfle depuis plusieurs jours la polémique sur les tarifs jugés prohibitifs des tests dans les laboratoires.