La loi sur les « séparatismes » permettra ainsi à l’Etat d’avoir un contrôle accru sur le fonctionnement et le financement des associations, ainsi que des lieux de culte. Les associations cultuelles musulmanes, majoritairement constituées sous le régime de l’association loi 1901 pour des raisons historiques, seront notamment « incitées » financièrement à « basculer » dans le régime de la loi de 1905, plus transparent sur le plan comptable et financier.
« C’est la fin d’un système d’opacité. Il ne s’agit pas d’interdire les financements venant de l’étranger. Il s’agit simplement de les encadrer, de les rendre transparents, de les maîtriser », justifiait Emmanuel Macron début octobre. « Il n’y a aucune raison que les associations cultuelles bénéficient d’un régime associatif de droit commun », plaide Aurore Bergé, députée des Yvelines et présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée. En contrepartie, ces associations cultuelles pourront avoir accès à des déductions fiscales ou encore tirer des revenus d’immeubles acquis à titre gratuit.
Par ailleurs, les dons étrangers dépassant 10.000 euros seront soumis à un régime déclaratif de ressources. Une disposition « anti-putsch » est aussi prévue dans le texte pour éviter toute prise de contrôle d’une mosquée, ou d’une autre association cultuelle, par « des groupes radicaux ».
Une future « labellisation » des imams loin de faire consensus
Concernant la structuration de l’islam en France, l’exécutif avance à pas feutrés. « C’est un pilier qui n’est pas dans la loi car la France n’a pas à s’ingérer dans l’organisation des cultes, indique l’Elysée. Mais nous avons une relation de dialogue. Le président a invité les musulmans à mieux s’organiser et à travailler sur la formation des imams. » Son objectif est également de mettre fin, d’ici quatre ans, à la présence en France des 300 imams étrangers « détachés » par la Turquie, le Maroc et l’Algérie.
« Il y a un besoin pour l’Etat d’avoir une structuration de l’islam. Car aujourd’hui, qui est l’interlocuteur légitime ? C’est une difficulté », reconnaît Aurore Bergé. « L’Etat ne va pas se mêler de théologie. Mais la question est de savoir comment on s’assure de la manière dont la formation est effectuée pour que, demain, tel ou tel prêche ne soit pas incompatible avec les valeurs républicaines », ajoute la députée.
La mission de créer un « Conseil national des imams » (CNI), chargé de certifier leur formation en France, a été confiée au Conseil français du culte musulman (CFCM), principal interlocuteur de l’exécutif. Le chef de l’Etat a insisté pour qu’une « labellisation des formations » et une « certification des imams » soient instaurées d’ici six mois. Une charte républicaine doit également être mise en place, dont le non-respect entraînerait la révocation des imams.
« La charte des valeurs a été finalisée et remise jeudi au ministère de l’Intérieur », confie Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman. Mais la question de la labellisation est, elle, loin de faire consensus. « Mettre fin aux imams autoproclamés est une bonne chose. Mais il y a une levée de boucliers de la base chez les imams, qui remettent en cause la légitimité de ceux qui demain vont les écouter et les contrôler pour leur donner cette certification, alors qu’ils exercent depuis des années. Qu’on arrête d’ailleurs de parler des labels, les imams ne sont pas de la marchandise », s’agace le responsable, par ailleurs président de l’Observatoire de lutte contre l’islamophobie. Ce projet est d’autant plus délicat à mettre en place que le CFCM est lui-même régulièrement décrié pour son manque de représentativité, tant par les voix modérées que les plus rigoristes de l’islam en France.