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Rencontre à Nîmes avec un imam pas comme les autres
Entre deux pérégrinations à Lunel, l’imam d’une petite mosquée nîmoise est courageusement engagé contre « l’islam conflictuel » des Frères musulmans, Tablighis et autres salafistes. Et pour ne rien arranger, l’homme refuse également les prébendes de l’islam consulaire. Rencontre avec Hocine Drouiche.
Hocine Drouiche. Auteurs : EREZ LICHTEFELD/SIPA. Numéro de reportage : 00814272_000006
Au centre-ville de Nîmes, il faut y regarder à deux fois avant de trouver l’entrée discrète de la mosquée: “La Fraternité humaine”. Une simple feuille de papier collée contre la fenêtre indique les horaires des cours d’arabe. Pas de doute, je suis sur la bonne piste. Un vieux chibani m’ouvre la porte de la salle de prière, qu’aucun minaret ni arabesque ne distingue extérieurement des immeubles voisins, et me confirme de l’arrivée imminente de l’imam. En ville, Hocine Drouiche, la quarantaine, porte un costume-cravate qu’il recouvre d’un qamis lorsqu’il dirige la prière. Parmi les dizaines d’adeptes qui se prosternent face à l’imam niché dans son minbar, quelques jeunes font baisser la moyenne d’âge plutôt élevée. La première génération d’immigrés, au français souvent approximatif, y pratique un islam traditionnel, étranger à la politique. Un vieillard d’origine algérienne me fait sourire en tentant de m’édifier : à l’en croire, seuls les musulmans iront au paradis. L’auguste septuagénaire ignore sans doute la chanson de Polnareff et le film d’Yves Robert.
Chez Hocine Drouiche, on ne trouve aucune trace de cet argumentaire enfantin qui échange piété contre rétribution divine. Né en Algérie, ce docteur en théologie musulmane a gagné ses galons de réformateur sur le terrain. Au point de connaître la ville de Damas comme sa poche. Depuis vingt ans, l’homme a écumé toutes les grandes mosquées de la région avant de s’être fixé à Nîmes. En signe d’œcuménisme, assumant la rupture avec son prédécesseur Frère musulman notoire, réputé polygame, fraudeur de la CAF, harceleur sexuel aujourd’hui imam à Montpellier. Il a accolé l’épithète « humaine » au nom de la mosquée. Les présentations faites, Drouiche va droit au but : « Il y a un conflit entre l’islam et la République. Théologiquement, l’islam lui-même, le Coran et les hadiths nous mettent en conflit direct avec la modernité, notre époque et la société. Est-ce qu’on peut-encore accepter les interprétations du Moyen Âge ? » Diantre, le CCIF crierait à l’islamophobie pour moins que ça…
Ce constat posé, tout reste à faire. Prenons l’exemple du voile. Il ne suffit pas de vouloir remodeler l’interprétation des textes à sa guise. Dans une religion dépourvue de clergé et d’autorité centrale, à l’instar du judaïsme, l’exégèse doit certes épouser son temps. Mais surtout obtenir l’assentiment de la majorité des ouailles. Ce qui n’est pas gagné.
Au risque de passer pour un apostat, voire un hérétique à la Hallaj, mieux vaut gagner les cœurs avant de prendre la tradition à rebrousse-poil. C’est bien l’ennui. « Les islamistes dominent mosquées et associations depuis 1980. Il faut du courage pour casser les tabous. Tariq Ramadan, l’UOIF et les Frères musulmans ont inculqué à des générations le conflit et la haine de l’Autre. C’est le modèle du musulman européen » diagnostique Drouiche qui se réclame de la « majorité silencieuse ». Dans son combat culturel, l’imam dénonce l’instrumentalisation politique de la religion telle qu’elle s’exprime dans les manifestations contre l’islamophobie. Dernièrement, « des insultes ont été lancées contre des musulmans qui ont une vision plus humaine de l’islam » par des imprécateurs en quête de brebis galeuses à apostasier. Zineb El Rhazoui, Kamel Daoud, Zohra Bitan et autres « collabeurs » accusés de propager la haine contre leur supposée communauté en savent quelque chose. « On subit la censure. Si vous parlez, des armées virtuelles vous attaquent ou des gens viennent semer la zizanie à la mosquée », s’afflige Drouiche.
« Vendu, collabo, traître, sioniste, pro-juif et pro-français »
Sans craindre l’amalgame, il désigne clairement l’ennemi. « Ils sont dans la thématique du djihad : Daech fait le djihad armé, eux le djihad électronique, judiciaire, dans une logique d’affrontement et de conflit… On va mettre tous les Français qui critiquent l’islam devant les tribunaux ? » Cinq ans après, certains contempteurs de Charlie en rêvent. Après tout, l’aboutissement logique d’une société multiculturelle est peut-être d’interdire le « blasphème », histoire de ne heurter personne… Inquiet, l’imam balaye devant sa porte plutôt que d’accuser les criiques de l’islam d’attiser les tensions, sinon d’exciter les pulsions meurtrières de quelques frapadingues, comme le terroriste de Bayonne. « La relation entre les musulmans et la majorité sociale ne cesse de se dégrader. L’avenir de nos enfants et la paix sociale sont en danger. Les Arabes se font insulter dans la rue, la haine contre les musulmans ne cesse d’augmenter… »
Son « islam réconciliateur » l’isole-t-il de la communauté des croyants musulmans ? C’est la conviction d’un de ses amis libre penseur, militant laïque de la région, qui admire son courage tout en s’interrogeant : « Qu’est-ce qui le pousse à m’aider et à prendre de tels risques ? » Traité « de vendu, de collabo, de traître, de sioniste, de pro-juif et de pro-français » (rayer la mention inutile), Hocine Drouiche s’est souvent senti esseulé. Quelques jours après l’attentat de l’Hyper cacher, ils n’étaient que trois ou quatre imams à se rendre sur les lieux du massacre commis par Amady Coulibaly pour dénoncer l’antisémitisme islamiste. A Nice, après le drame de la promenade des Anglais, il s’est recueilli seul. « En juillet 2017, j’ai co-organisé la marche musulmane contre le terrorisme avec Chalghoumi et soixante imams. On a marché jusqu’à Berlin. A Paris, le CFMC nous a traités de charlatans, de faux imams. Non seulement ils ne font rien mais ils combattent les rationalistes qui ouvrent une porte de dialogue ! » Vice-président de la Conférence des imams, instance très minoritaire à laquelle appartient l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, « Bien sûr que je suis minoritaire dans la représentation. Mais je reçois presque 500 personnes par jour dans ma mosquée. »
Jusqu’à ces derniers jours, Drouiche briguait la présidence de la Grande mosquée de Paris. Patatras, entre-temps, l’inamovible Bouteflika, pardon Boubaker, a laissé la place à son dauphin, en cours à Alger. En vain, Drouiche demandait « le soutien de Macron », conscient que ce genre de tractation « se passe entre la présidence française et la présidence algérienne ».
Voilà un cheval de bataille supplémentaire pour cet homme qui n’en manque pas. L’islam consulaire est une rustine posée sur la plaie du sécessionisme islamiste. Certes, Turquie mise à part, les ambassades n’ont plus prise sur les deuxième, troisième et quatrième générations de musulmans. Mais Alger, Rabat, Ankara voire Riyad ou Doha ont placé leurs pions au sein de l’islam de France. Si bien que « presque tous les imams républicains sont exclus des aumôneries ou de leurs mosquées par le Conseil français du culte musulman (CFCM). La République a installé un élément qui travaille contre la République ! ». Contre ce mercenariat islamique, Drouiche sort les chiffres qui fâchent : d’après l’Institut Montaigne, seuls 9% des musulmans français déclarent se reconnaître dans le CFCM! Peut-être parce que 90% des imams de France restent dépourvus de toute diplôme en théologie…
Dernière mise au point, l’imam considère qu’exonérer les musulmans de leurs responsabilités dans la montée de l’islamisme et du djihadisme ne les aide pas. Pire, l’essor des théories du complot (qui s’orientent inexorablement vers qui-vous-savez…) permet aux plus radicaux de « manipuler la foule des musulmans » en la faisant « vivre dans la victimisation ». Hélas, « ça marche parce que les gens ne veulent pas se libérer ». Souhaitons que l’amour de la liberté conquière les mosquées de France et de Navarre.
“Certains politiques veulent officialiser la victoire de l’islam politique en France”. L’imam de Nîmes, Hocine Drouiche, regrette qu’Emmanuel Macron cherche à réformer l’islam de France avec des personnalités proches de l’islam politique, tout en écartant celles qui s’en sont véritablement distingué.
“Monsieur le président, votre engagement pour la réforme de l’islam est importante et intelligente, mais vous vous trompez complètement de chemin et de partenaires.
Les nouvelles propositions dévoilée par le Monde concernant la nouvelle organisation de l’islam en France sont catastrophiques.
Nous avons soutenu le président de la République pour sa vision réformiste et il doit aider les imams républicains pour reformer l’islam avec courage. Sans cette vision réformiste humaine et républicaine, le président Emmanuel Macron continuera la politique du bricolage voulue par l’islam politique pour gagner du temps et dominer les mosquées et les institutions musulmanes. Malheureusement, ce bricolage risque de se terminer par un bain de sang et une guerre civile à la libanaise souvent souhaitée par les islamistes, qui ne s’empêcheront pas d’utiliser la violence lorsqu’ils ne peuvent plus convaincre.
Certains politiques veulent officialiser clairement la victoire de l’islam politique en France.
Choquant, incompréhensible et humiliant pour les imams, les responsables musulmans et tous les Français musulmans qui combattaient avec courage pour un islam réformé et progressiste.
La majorité des personnalités proposées dans ce triste rapport de Hakim El Karaoui attaquaient et condamnaient les imams républicains qui ont eu le courage et l’initiative d’organiser la marche musulmane contre le terrorisme en juillet dernier et combattent la francophobie et l’antisémitisme sans aucune ambiguïté.
L’islam politique était toujours une partie du problème. Il ne sera jamais une solution de la crise de l’islam en France.
L’Etat peut ouvrir ses yeux pour voir les expériences catastrophiques et les résultats de l’islam politique en plusieurs pays étrangers.
Une nouvelle fois, la restructuration de l’islam en France se trompe dans le chemin et dans l’essence. Les politiques s’inclinent devant les islamistes qui ne cachent pas leur volonté d’islamiser la France et l’Europe entière en mettant notre société dans une guerre religieuse.
Ce choix menace clairement notre avenir en commun, car si le problème n’est pas réglé par les musulmans eux-mêmes, la solution sera violemment imposée par la majorité sociale qui ne cesse pas de déclarer et d’afficher ses inquiétudes et ses craintes envers l’islam et les islamistes sans qu’elle soit entendue ni par les responsables musulmans ni par les politiques.
Les islamistes qui étaient en conflit éternel avec les valeurs de la République et de la société locale pourraient devenir les leaders de la réforme de l’islam selon les propositions actuelles…! Ils n’ont jamais rêvé d’avoir cette chance en France. Cela signifie la disparition totale de certains imams courageux que les Français ont connus et aimés ces dernières années. Ces imams qui n’ont pas cessé de défendre un islam rationnel, fraternel et humain, pas antisémite et pas homophobe. L’imam Chalghoumi, le mufti des Comoriens à Marseille, Saïd Kassim, Ghaleb Ben Cheikh, Hocine Drouiche et tous les imams qui ont osé visiter Israël seront bientôt les premières victimes des islamistes choisis pour gérer la crise profonde que l’islam traverse aujourd’hui en France et ailleurs.
Ce sont les seuls qui ont osé être présents au Bataclan, à Charlie Hebdo, à Nice, à Rouen, à Bruxelles et à Toulouse.
Nos adversaires nous ont accusé de collaborateurs, de traîtres, de vendus pour nous discréditer devant les musulmans ; ils n’ont pas pu nous séparer de notre communauté musulmane. Ils viennent d’avoir un cadeau inimaginable. Ce cadeau vient malheureusement de notre Etat laïque qui devait soutenir ceux qui portaient ses valeurs et pas ceux qui les combattaient et qui rêvent de les changer un jour.
Je demande à toutes les personnes de lumière ainsi qu’à la société civile d’aider les musulmans de France afin qu’ils ne tombent pas dans l’obscurantisme et les projets suicidaires de ces islamistes caméléons qui ne rassurent personne. Ils n’ont jamais clarifié leurs positions haineuses envers les musulmans républicains, l’occident, les juifs, le prosélytisme, le terrorisme l’égalité hommes-femmes et la réforme de l’islam.
Le président de la République voulait finir avec l’anarchie totale du grand souk du CFCM en présentant comme alternative un monstre islamiste qui menace l’avenir de nos valeurs, de notre paix sociale et qui pourrait à moyen et long terme nuire à l’image brillante du président lui-même”.