À la suite de prêches aux contenus «attentatoires à l’égalité femmes-hommes », le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a demandé ces dernières semaines la convocation en préfecture des instances dirigeantes de la mosquée Ennour de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et de la mosquée Attakwa, à Saint-Chamond (Loire). La destitution est déjà effective pour l’imam de la première mosquée, et pourrait s’accompagner d’un non-renouvellement de titre de séjour pour celui de Saint-Chamond. Enfin, une mosquée de Roubaix est également dans le viseur de la place Beauvau, pour avoir exclu les femmes de la prière depuis le début de la pandémie.
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Dans un courrier adressé le 13 juin au préfet des Hauts-de-Seine, le ministre dit avoir été informé du contenu d’un prêche tenu le 4 juin par un imam à Gennevilliers. Les propos tenus accusaient les femmes de manquer de pudeur, notamment «celles qui partagent sur les réseaux sociaux des leçons de maquillage ou des tenues qui mettent en valeur les formes de leur corps, qui sont habités par Sheitan [le diable, en arabe, ndlr]».
Gérald Darmanin note que le lieu de prière «attirerait un nombre croissant de pratiquants rigoristes ». Et de demander au préfet de convoquer officiellement les dirigeants de la mosquée Ennour, la plus grande du département (2500 à 5000 fidèles réguliers), et de recueillir leurs explications. «Si ces propos étaient avérés, vous leur demanderez de se séparer sans délai de l’imam et de prendre les mesures nécessaires pour que de tels discours attentatoires à l’égalité femmes/hommes ne soient, à l’avenir, plus tenus au cours de prêches. » L’auteur de la lettre ajoute que l’avertissement doit avoir «la solennité nécessaire ».
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Enfin, le ministre compte sur l’implication personnelle du préfet et l’avise d’utiliser «les nouveaux moyens » permis par la loi «confortant le respect des principes de la République », dès sa promulgation officielle, pour faire suspendre l’activité du lieu de culte en cas de récidive. «Tous les moyens de l’État, et notamment de contrôle », doivent ainsi être mobilisés. Contactée, la préfecture des Hauts-de-Seine confirme que la réunion a eu lieu la semaine dernière, aboutissant effectivement à la fin des fonctions de l’imam, ainsi qu’à un signalement au procureur de la République de Nanterre.
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Non-renouvellement de titre de séjour pour un imam de la Loire
Un second courrier, en date de ce jeudi 22 juillet et porté à la connaissance du Figaro, concerne un imam de Saint-Chamond. «L’imam aurait expressément ordonné aux femmes musulmanes de se soumettre strictement à leur mari, en les enjoignant « d’obéir au doigt d’Allah et à ceux de leur époux»», note Gérald Darmanin. Les propos incriminés avaient été relevés par une conseillère municipale RN de la ville, Isabelle Surply, qui avait publié la vidéo du prêche. «Restez dans vos foyers et ne vous exhibez pas », demandait notamment l’imam.
Conséquence de ces propos «tout simplement inacceptables », le ministre demande à la préfète de la Loire de convoquer sans délai les instances dirigeantes de la mosquée et, notamment, d’instruire le non-renouvellement du titre de séjour de l’imam concerné. Ce dernier défendait mercredi 21 juillet ses propos auprès du Progrès : «Pour aller au paradis, les femmes doivent respecter le droit d’Allah. Mais les hommes aussi. Chacun a ses droits envers les autres. Nous sommes égaux. Nos filles ne sont pas contraintes de rester à la maison. Elles vont à l’école, deviennent médecins, ingénieures ou pilotes d’avion », assurait-il. «Sur cinq pages de discours, c’est dommage qu’on ne retienne qu’une seule phrase. D’autant que je mets un point d’honneur à parler en français pour que tout le monde puisse comprendre », ajoutait-il.
Selon la préfecture de la Loire, la réunion a eu lieu jeudi 22 juillet, le jour du courrier de Gérald Darmanin. La préfète de la Loire a «expressément demandé » de mettre un terme aux fonctions de l’imam, et «la question du non-renouvellement de son titre est à l’étude ».
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Enfin, le ministre de l’Intérieur s’apprête, selon nos informations, à faire convoquer la direction d’une troisième mosquée, en raison de l’exclusion des femmes de l’édifice depuis le début de la pandémie. «Ce n’est pas une question d’exclusion. C’est un problème de place », défendait Kamel Amrane, vice-président de la mosquée Sunna à Roubaix, auprès de La Voix du Nord mercredi. Le lieu de culte musulman est limité à 800 places depuis le début de la pandémie, alors qu’il peut accueillir 1900 hommes et 600 femmes dans une autre salle en temps normal. Cette dernière a été réservée aux fidèles masculins.
La décision ne pose pas de problème du point de vue théologique, ajoutait l’imam local Hamid Debdouche, s’appuyant sur les textes coraniques pour justifier la décision : «Pour le vendredi et les grandes fêtes, l’obligation du culte, c’est pour les hommes, surtout en cas de pandémie : pour les femmes, venir à la mosquée, c’est facultatif. Il est préférable qu’elles prient à la maison », arguait-il. La préfecture du Nord confirme ce vendredi au Figaro que le préfet recevra le semaine prochaine le président de la mosquée.