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ANGERS, le Dialogue inter religieux
« Dialogue », voici un mot qui mobilise beaucoup de nos contemporains. En ce qui me concerne, j’ai appris, le dialogue en milieu carcéral. Je suis en retraite et aumônier musulman des services de la pénitentiaire. Lorsque j’exerçais mon métier d’Educateur à la PPJ, autrefois l’Education Surveillée, au COPES de Collonges au Mont d’Or, j’avais fait mon apprentissage du dialogue. Le dialogue est une formation. Je dirais aussi qu’il est toute une pédagogie.
Le COPES, recevait des enfants, placés par ordonnance 1945, enfants qui avaient perpétré des délits. Notre travail était de rédiger un rapport de comportement, dans les trois mois qui suivaient le placement du jeune délinquant dans l’institution. Indépendamment des capacités de développement de l’écriture, vu le nombre élevé des passages de ces enfants, nous avons pu perfectionner, les uns et les autres, le dialogue. A ne pas confondre avec entretiens.
Le dialogue suppose un échange avec une ou plusieurs personnes. Je disais au début de mon propos, qu’en milieu carcéral, j’avais développé mes capacités du dialogue. Je vais développer les conditions du dialogue interreligieux, dans un instant.
Le dialogue dans le domaine interreligieux, est pratiqué depuis de nombreuses années. Si ce dialogue ne paraît pas effectif et efficace…Pourquoi ? Pourquoi, même avec une bonne connaissance de sa propre religion, une grande connaissance de sa culture religieuse, il n’est certain de réussir le dialogue interreligieux. Il est utile, cependant, de bien la connaître sa culture pour un dialogue effectif, et efficace.
Le dialogue interreligieux n’est ce projet de développer les arcanes de sa religion. Pour avoir participer à de nombreux dialogues interreligieux, j’avoue que je n’ai assisté, presque toujours, qu’à cette forme de déballage de la religion des participants. Chacune des parties développent l’organisation et le fonctionnement de sa propre religion, voir parfois, l’étalement des dogmes réciproques ?
Les conditions et les exigences du dialogue interreligieux :
On ne peut s’engager dans le dialogue sans en mesurer les exigences et en connaître les conditions. En voici l’essentiel : L’écoute et l’humilité. Le mot clé pour développer les capacités du dialogue dans le milieu carcéral est l’Ecoute. L’écoute est une véritable école. Elle permet à l’autre de bien exprimer sa peine et donc de soulager sa souffrance. L’écoute est une amorce, une bouffée d’oxygène pour quelqu’un qui souffre et qui se croit perdu. Après l’épreuve de l’écoute, bien après… vient la «parole, le dialogue»….. L’écoute va faire déboucher la parole. Qui sait écouter saura quoi dire et quoi faire. L’écoute, va plus loin dans toutes les religions…Elle ouvre une porte vers la paix. Elle nous met en communion, nous permet de chercher un sens vers Dieu qui lui, est attentif à la vie de chacun d’entre nous. Une certaine connaissance de la personne face à soi est utile pour un dialogue effectif, un dialogue efficace.
En général, éviter de discuter au niveau des dogmes, et particulièrement, des dogmes litigieux. Ce genre de discussion demande une préparation particulièrement soignée. Eviter de discuter au sens propre du mot: la foi n’est pas le fruit d’une discussion bien menée ni d’une argumentation convaincante. Il s’agit plutôt de témoigner de ce qui fait sens, de ce qui est important dans notre vie de foi. Le témoignage ne parle pas de la Vérité en soi, mais de ce que je perçois de la Vérité.
Les difficultés :
Il est difficile de se séparer du sentiment que nous sommes meilleurs que les autres ! Une telle attitude ne peut engendrer que séparation et division ! Il faut se garder d’un sentiment de supériorité.
Ce qui veut dire que de toutes les religions, nous avons quelque chose à recevoir et qu’à toutes nous avons également quelque chose à apporter. Cette double conviction fonde la nécessité théologique, spirituelle du dialogue, de l’échange.
De plus, de nombreux passages bibliques, et coraniques expriment, un refus du dialogue, et manifestent une profonde aversion envers les autres religions. L’Ancien Testament condamne radicalement les Baal, et on se souvient qu’Elie va jusqu’à massacrer leurs prêtres. D’autres textes interdisent aux juifs de se commettre, si peu que ce soit, avec les cultes païens, contre lesquels les prophètes mènent une incessante polémique. Parfois, ils les qualifient d’abomination, de prostitution et les considèrent comme criminels. Y a-t-il opposition, contradiction entre les religions ? Toutes, le judaïsme, le christianisme, l’Islam trahissent peu ou prou, dénaturent plus ou moins la révélation qui les a suscitée. Elles s’enferment dans des systèmes doctrinaux. Il y a en chacune d’elles de l’angélique, elles sont messagères aussi du diabolique. Il n’existe pas de religion totalement vraie et juste, mais pas non plus de religion complètement fausse et mauvaise. Ce qui accentue la nécessité du dialogue et de la coopération, c’est la domination actuelle d’une culture athée, matérialiste et permissive, et l’effondrement de l’ordre social à une époque où les différents points de la planète sont interconnectés par la révolution des télécommunications qui a fait du monde un village planétaire.
Un constat :
Depuis quatorze siècles, chrétiens et musulmans s’affrontent au niveau des dogmes: les deux religions s’opposent à propos de la Trinité, de la divinité du Christ, sur la conception du salut, l’inspiration de la Bible ou du Coran, etc. A moins d’être menées par des théologiens particulièrement avertis les discussions concernant les dogmes finissent dans l’aigreur. Et pourtant, plus que par le passé, chrétiens et musulmans se rencontrent et désirent se communiquer un peu de la foi qui les fait vivre.
Des questions :
- • Comment pouvons-nous aider à cultiver une amitié profonde entre croyants différents ?
- • Comment pouvons-nous aider les musulmans à découvrir et préserver leur propre identité tout en accueillant les richesses de leurs interlocuteurs chrétiens ?
- • Comment aider chrétiens et musulmans à témoigner de leurs convictions sans blesser celles de leurs interlocuteurs ?
- • Comment s’entraider au niveau spirituel sans partager les mêmes croyances ?
Des convictions :
L’Histoire des relations islamo-chrétiennes prouve la possibilité d’échanges fructueux. On pense particulièrement à Elie de Nisibe (975-1046), à Thomas d’Aquin (dans les trois premiers tomes de la Somme contre les Gentils). A une époque récente, en particulier, plusieurs solutions ont été trouvées permettant, par exemple, à des éducateurs chrétiens de former leurs élèves musulmans à une authentique vie de foi sans détruire leurs convictions musulmanes. Ce sont ces réussites qui inspirent les conseils qui suivent.
Visée religieuse du dialogue interreligieux :
Quel sens et quel but que je veux donner au dialogue ? Que la rencontre entre religions soit une “fécondation réciproque”. D’abord, le dialogue doit obliger chacun à réfléchir sur sa propre foi, l’approfondir, mieux la comprendre. Il fera percevoir des aspects de sa propre religion qu’il a négligés. Par exemple, les chrétiens ont du remarquer qu’ils ont insisté sur l’engagement du croyant dans le monde, mais ont trop oublie le travail sur soi-même. A l’inverse, le dialogue avec le christianisme, bien des religions orientales redécouvrent l’importance du domaine social. En rencontrant des gens différents de nous, nous percevons certaines de nos carences, et du coup nous devenons capable de progresser. Les musulmans ne paraissent pas régresser dans leur croyance, cela peut faire réfléchir les chrétiens, qui paraissent avoir moins d’ardeur dans ce domaine. Cela ne peut pas ne faire réfléchir. Le dialogue doit susciter, développer, favoriser une attitude critique envers soi-même, ce qui me paraît essentiel. Une religion, quelle qu’elle soit, a besoin de critique pour rester vivante et vraie. Elle invite à changer, à bouger, à se réformer. Une spiritualité vivante conduit à se remettre en cause, à se transformer. Dieu ne nous demande pas de rester les mêmes, comme si nous étions parfaits. Nos religions ne doivent pas ressembler à des constructions achevées, à ces immeubles où l’on ne peut plus modifier que des détails. Le thème du cheminement, du voyage, du pèlerinage tient une très grande place dans le judaïsme, dans le christianisme, dans l’Islam, et aussi dans le bouddhisme. Les croyants ne sont pas invités à s’arrêter dans de belles demeures spirituelles, mais à marcher, à aller de l’avant. Parmi ceux qui sont persuadés de sa nécessité, et qui le pratiquent, on rencontre actuellement trois manières de comprendre le dialogue interreligieux.
Nous devons être extrêmement attentifs aux objections ou réticences à notre égard. Nous devons les prendre très au sérieux, nous demander si elles sont fondées, et ne pas nous en défendre, comme nous le faisons instinctivement en considérant qu’elles traduisent des incompréhensions ou des malentendus. Ce que nous disent les autres nous montre nos insuffisances, nos défauts, nos déviations; nous ne nous en apercevrions pas tout seuls. Mais en même temps, et à l’inverse, il nous faut aussi savoir formuler et faire entendre aux autres nos critiques ou nos réserves, ce qui demande du tact, du doigté et ce qui implique aussi de développer des relations amicales, sans lesquelles la critique sera interprétée comme une agression qui cherche à détruire, et non comme une interrogation qui vise à rendre service.
Le dialogue renvoie à une autre manière de comprendre la religion, qui la caractérise non par des croyances et des rites, mais par une recherche celle du sens de la vie, des valeurs ultimes, d’une existence authentique. La spiritualité représente non pas un édifice de doctrines et de pratiques, mais un questionnement engagé sur soi, sur le monde, sur la vie, un approfondissement des interrogations existentielles présentes en tout être humain. Dialoguer avec l’autre consiste alors à partager son questionnement, à l’interroger sur sa démarche, et à s’interroger sur la sienne, même si on n’entend pas changer de voie. De cette manière, on s’aide mutuellement à progresser dans nos cheminements spirituels respectifs, à approfondir, à épurer et à élargir sa foi. Elles ont, par exemple, en commun le sens du sacré. Dialoguer avec une autre religion, signifie, dans ce cas, découvrir chez elle ce qu’elle partage avec nous, et se retrouver soi-même en elle.
Pour l’autre conception, les religions sont, au contraire, totalement différentes les unes des autres. Il n’y a rien de commun entre le bouddhisme, l’Islam, les animismes africains, les spiritualités amérindiennes et le christianisme. Parler, dans tous ces cas, de religion n’indique nullement une parenté. Dialoguer veut dire ici rencontrer non un semblable, comme dans le cas précédent, mais un étranger. Parce qu’on ne parle pas de la même chose, on n’a rien à recevoir de lui, ni à lui dire. Par contre, il importe de poser ensemble les principes d’une coexistence pacifique qui permette à chacun de se pratiquer tranquillement, paisiblement le jeu ou la religion qui a ses préférences. Le dialogue interreligieux se cantonne donc dans le domaine civique ou social, et n’a pas de dimension spirituelle. Malgré les différences qui existent entre l’islam et les autres religions révélées, il y a un terrain d’entente commune où tous peuvent se rencontrer. Par exemple, toutes les religions divines reconnaissent les notions de divinité, de mission prophétique et de vie éternelle. Elles acceptent toutes les principes de bonne conduite et se préoccupent de la structure sociale de la famille. Elles ont des vues convergentes sur les questions relatives à l’environnement, aux droits de l’homme, à la défense des opprimées, la confrontation de l’injustice et du despotisme ; elles dénoncent les génocides, les agressions et le fanatisme et oeuvrent en faveur de la tolérance, etc. Jean-Paul II a souvent souligné, notamment dans son encyclique Redemptoris mission, que l’on peut très bien affirmer son identité tout en dialoguant. Mais aussi que l’on peut ensemble faire progresser l’humanité. En témoigne plusieurs initiatives qui ont le plus marqué ce pontificat : les rencontres d’Assise du 27 octobre 1986 et du 10 janvier 1993, comme les dialogues avec les jeunes musulmans à Rabat le 9 août 1985 ou sa venue à la synagogue de Rome le 13 avril 1986. Les relations de l’Eglise catholique avec les religions non chrétiennes ont été abordées sur le fond par le Concile Vatican II, dans le décret ” Nostra Grenoble “