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Réclamées par le parquet antiterroriste
Après l’adoption de la proposition de loi de Yaël Braun-Pivet par l’Assemblée nationale, le président du Palais Bourbon a sollicité les Sages pour qu’ils se prononcent sur «les enjeux juridiques soulevés par les dispositions créées par ce texte».
Les débats vont se poursuivre. Quelques minutes seulement après l’adoption définitive, après-midi, d’une proposition de loi (PPL) visant à instaurer des mesures de sûreté pour les terroristes sortant de prison, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, a saisi le Conseil constitutionnel. Dans l’exposé de ses motifs, consulté, l’élu breton dit solliciter les Sages pour qu’ils se prononcent sur «les enjeux juridiques soulevés par les dispositions créées par ce texte». Il souhaite ainsi s’assurer qu’il existe bien «une conciliation satisfaisante entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public nécessaire à la sauvegarde des droits et principes de valeur constitutionnelle et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnelles garanties».
«Je salue une décision importante, à la hauteur des enjeux», a rapidement indiqué l’auteure de la proposition de loi, Yaël Braun-Pivet, dans un communiqué publié lundi en fin de journée. «La saisine du Conseil constitutionnel parachève notre démarche, qui a toujours été de veiller au plus strict respect de nos principes constitutionnels. Le droit, au service de la lutte contre le terrorisme, ne peut qu’y gagner. Et c’est avec les armes de notre État de droit que l’on combat le plus efficacement ceux qui le menacent», a ajoutée la députée LREM des Yvelines et présidente de la commission des lois du Palais Bourbon.
Ces dernières semaines, plusieurs défenseurs des libertés publiques se sont élevés contre le texte porté par Yaël Braun-Pivet. En cause, le renforcement du suivi et de la surveillance des individus les plus à risque, qui s’apparente selon eux à une forme de «peine après la peine». La Commission nationale consultative des droits de l’homme remet en cause la notion de «dangerosité», trop floue juridiquement à son goût. Aussi estime-t-elle que le dispositif mis en place – celui d’une forme d’assignation à résidence sous forme de pointages au commissariat, port de bracelet électronique, et interdiction de quitter le territoire – est d’autant plus disproportionné qu’il peut durer 10 ans au plan délictuel et 20 ans au plan criminel.
Inspirées initialement du dispositif qui s’applique aux délinquants sexuels, ces mesures sont réclamées de longue date par une partie de la droite. Mais aussi par le parquet antiterroriste, qui l’a exprimé par la voix de son procureur Jean-François Ricard. Ce dernier rappelait que «la loi de 2016 réduit les crédits de réduction de peine pour les terroristes». «Or, la durée des surveillances après la peine est calquée sur ces dernières. Cela signifie qu’en l’état des textes ces surveillances sont réduites. Il faut donc trouver un mécanisme, conforme aux exigences constitutionnelles, qui permette des mesures adéquates de surveillance pour répondre à ce risque de récidive». C’est ce que pourrait permettre le nouveau dispositif.
Une étude révèle un taux élevé de récidive chez les djihadistes
60 % des combattants partis en Afghanistan, Bosnie-Herzégovine et Irak ont été condamnés pour d’autres infractions terroristes.
Lionel Dumont (ici lors de son procès à Douai, en décembre 2005) a participé aux actions terroristes du «gang de Roubaix» après son retour de Bosnie, où il était parti combattre au nom de l’islam au début des années 1990.
Les fous de Dieu ne sont pas des détenus tout à fait comme les autres. Alors que les libérations d’islamistes, à l’issue de leur peine, se poursuivent et que le Parlement débat de mesures de sûreté contre les terroristes recouvrant la liberté, le Centre d’analyse du terrorisme (CAT) a communiqué au Sénat une étude inédite et éclairante sur le taux de récidive des djihadistes des années 1988-2006 (et non sur les djihadistes ayant rejoint Daech, toujours incarcérés pour la plupart).
En matière de terrorisme islamiste, la connaissance du passé est essentielle pour une bonne analyse de la menace. Or, selon l’étude du CAT, le taux de récidive de ces «anciens» djihadistes est très élevé. 60 % des 166 ressortissants ou résidents français étant partis combattre en Afghanistan (de 1986 à 2011), en Bosnie-Herzégovine (1992-1995) ou en Irak (de 2003 à 2006) ont ensuite été condamnés en France ou à l’étranger, postérieurement à leur retour du djihad et pour des infractions terroristes distinctes de
Quelles mesures seront appliquées au premier djihadiste français libéré ?
Jean-Charles Brisard, président du centre d’analyse du terrorisme, était l’invité de la matinale de Mathieu Belliard lundi. A la veille de la libération de Flavien Moreau, le premier djihadiste français jugé à son retour de Syrie, il détaille les mesures administratives et judiciaires prévues dans cette situation inédite.
Flavien Moreau est le premier revenant de Daech jugé en France à sortir de prison. Il a été libéré de a prison de Condé-sur-Sarthe dans l’Orne, où il était incarcéré depuis sept ans. Une libération qui inquiète dans un pays encore meurtri par les attentats terroristes des dernières années. Une quarantaine d’autres revenants condamnés à des faits liés au terrorisme islamique vont également sortir des prisons françaises en 2020. Jean-Charles Brisard, président du centre d’analyse du terrorisme, explique à quelles mesures judiciaires et administratives ces revenants de Daech ayant purgé leurs peines en France seront soumis.
Flavien Moreau, un Nantais âgé de 33 ans, a, au cours de sa détention, été impliqué dans de nombreux incidents, rappelle Jean-Charles Brisard. “Il y a eu des agressions, des outrages, des dégradations, et des armes artisanales ont même été retrouvées dans sa cellule”, explique le président du centre d’analyse terroriste. “Il avait déjà un casier judiciaire extrêmement volumineux avant sa condamnation. Une quinzaine de condamnations pour vol et port d’arme”, poursuit-il. Alors quelle mesures de surveillance appliquer à cet individu qui a purgé sa peine en France ?
Jean-Charles Brisard explique qu’une évaluation de sa dangerosité a été effectuée en prison. Ainsi, des mesures de surveillance judiciaire adaptées ont été mises en place dès sa sortie de prison. “Il va devoir pointer régulièrement auprès du juge d’application des peines, pendant quasiment un an”, affirme le spécialiste. “En plus de ces mesures judiciaires, il y aura des mesures de surveillance administrative”, informe Jean-Charles Brisard. “Depuis deux ans, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif de surveillance post-carcéral, géré par les servies de renseignement, qui vont devoir suivre cet individu. C’est là l’essentiel”.
“On ne peut pas les garder plus longtemps en prison”
“On a préparé ces sorties. Depuis 2018, ce dispositif coordonné par la DGSI est mis en place. Il vise à suivre ces individus en fonction de leur dangerosité”, explique Jean-Charles Brisard qui rappelle que ces femmes et ces hommes “ont purgé leur peine, ont été jugés et condamnés. On ne peut pas les garder plus longtemps en prison”.
Pour le président du centre d’analyse terroriste, face à ces libérations qui inquiètent, “tout l’enjeu réside dans notre capacité à suivre ces individus pour s’assurer qu’ils ne replongent pas dans des faits de terrorisme”.