L’urgentiste a dressé à la demande du ministère de la Santé une liste de faits de radicalisation et d’atteintes à la laïcité à l’hôpital. Il préconise un renforcement des outils de signalement.
Comme dans d’autres services et établissements publics, la radicalisation , le prosélytisme religieux et les atteintes à la laïcité constituent une réalité et un risque à l’hôpital. Telle est la conclusion du «rapport sur la prévention contre la radicalisation des agents des établissements de santé» commandé par le ministère de la Santé à l’urgentiste Patrick Pelloux. Désormais entre les mains du ministre Olivier Véran, le document mis en ligne jeudi affirme que «le système sanitaire et social est une cible du radicalisme, notamment islamiste. » L’ancien chroniqueur de Charlie Hebdo estime qu’il est «urgent de créer une charte de la laïcité obligatoire et systémique pour tous les agents hospitaliers », explique-t-il au Figaro.
Les faits dénoncés, «quasiment inexistants avant les années 1990 », sont «en augmentation lente mais constante ces 30 dernières années », écrit le plus connu des médecins du Samu. S’il constate l’émergence d’«un communautarisme » à l’hôpital et «de conflits sur le port du voile » qui ont fait l’objet de nombreux témoignages, les cas de radicalisation au sens strict se comptent en quelques dizaines seulement. Qualifiant le sujet de «tabou », il dit observer un scepticisme général chez ses confrères (70 professionnels de la santé ont été interrogés) lorsque cette question est abordée.
«J’ai pensé à l’assassinat de Samuel Paty et à toutes les victimes des attentats qui nous obligent à réaffirmer la laïcité », explique Patrick Pelloux, qui se défend de toute volonté de stigmatisation. Ce rapport doit contribuer à «garantir des prises en charge des malades sans influences religieuses », assure celui qui a travaillé en collaboration avec la Direction générale de l’offre de soins (DGSO) et les ARS. L’urgentiste pointe notamment «l’entrée d’associations cultuelles dont le but véritable est du prosélytisme », ainsi que «des remises en cause des actes médicaux et chirurgicaux » et «un sexisme sournois. »
Hausse des signalements
Même s’il est difficile de quantifier le phénomène, plusieurs cas de radicalisation ont été signalés. Celui de Farid Benyettou, ancien prédicateur de la filière djihadiste des Buttes-Chaumont, proche des frères Kouachi. «Élève infirmer à la Pitié-Salpêtrière en 2015 (au moment de l’attaque de Charlie Hebdo), il est suspecté de prosélytisme », commente Patrick Pelloux. À Marseille, à l’hôpital de la Timone, un cas de radicalisation a également été détecté. Fin 2016, un interne en chirurgie est arrêté à la frontière turque et poursuivi pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle. » Il sera condamné en 2019 à neuf ans de prison.
Il doit y avoir une mobilisation contre un système qui, par certains principes religieux, est une régression de l’éthique scientifique et du droit des malades.
Patrick Pelloux
Plusieurs cas de prosélytisme au sein d’un établissement de santé ont également été rapportés. «L’autre danger c’est une frange vraiment intégriste qui sait pourquoi elle est là, à l’hôpital…», assure Patrick Pelloux. Depuis 2000, un infirmier exerçant dans un service de patients polyhandicapés dans l’est de la France manifeste ses croyances religieuses auprès de son équipe, entraînant la conversion d’un de ses collègues, et aurait tenu des propos antisémites.
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Dans son rapport, l’urgentiste prévient : «Le système sanitaire et social est un objectif des religions, notamment d’une partie de l’islam dite politique. » Et de citer l’exemple de l’hôpital Saint Camille dans le Val-de-Marne, confronté à une réelle problématique : «Après la fermeture d’une mosquée ordonnée par le ministère de l’Intérieur, 200 salafistes sont venus prier dans les couloirs de l’hôpital », relate le médecin.
Des aumôniers ont pu également «outrepasser leur mission d’accompagnement du patient afin d’exercer une influence sur des agents et des patients », précise le rapport. «La pédiatrie, la cancérologie, c’est leur terrain… », soutient l’urgentiste. «Des imams radicalisés ont pu prêcher un discours anti français auprès de patients vulnérables, comme en psychiatrie », ajoute-t-il.
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Enfin, il énumère les atteintes à la laïcité, comme le non-respect de l’interdiction du port du voile ou «le détournement des coiffes de blocs opératoires par les femmes pour se voiler ». Autres cas relevés, «la discrimination par certains soignants du patient en fonction de son sexe. Des maris qui refusent que leur femme soit soignée par un homme », précise le rapport.
La médecine libérale n’est pas épargnée, signale l’urgentiste, citant le Conseil de l’ordre des médecins qui se dit inquiet de la montée en puissance d’une médecine communautarisée, «où les musulmans consultent uniquement des musulmans. »
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«Une sous-estimation possible du phénomène » dans le système hospitalier n’est pas à exclure, juge l’urgentiste. Il est donc nécessaire selon lui de sensibiliser et former davantage les agents publics à ces thématiques, mais également d’être plus rigoureux sur l’attribution de l’agrément des associations intervenantes et d’actualiser le cadre juridique des aumôneries hospitalières. «Les outils de signalement se sont développés pour accompagner les établissements mais sont souvent mal connus et manquent de leviers et de sanctions adéquates », relève le rapport.
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