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La question mérite d’être posée vu le nombre de femmes et d’hommes qui utilisent le féminisme comme argument….
Tribune publiée par le quotidien Liberté
Par Razika Adnani
La question mérite d’être posée vu le nombre de femmes et d’hommes qui utilisent le féminisme comme argument pour défendre le port du voile et sa version maillot de bain, le burkini. La réponse est négative : on ne peut pas être féministe et défendre le port du voile. Ce sont deux propositions contradictoires. Le féminisme est une doctrine qui revendique l’égalité sociale, juridique et politique entre les hommes et les femmes. Or, le voile, dans toutes ses versions, est fondamentalement discriminatoire à l’égard des femmes. Il suffit de se rappeler qu’il est imposé à la femme et non à l’homme. Soit on est féministe et dans ce cas on ne peut que s’opposer au port du voile, soit on le défend et on le revendique et dans ce cas on n’est pas féministe.
L’histoire du voile remonte à l’Antiquité. C’est l’homme qui l’a imposé à la femme comme un signe de son infériorité. « L’homme ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. C’est pourquoi la femme doit, à cause des anges, avoir sur la tête la marque de sa dépendance. », décrète Saint Paul au premier siècle de notre ère dans sa première épître aux Corinthiens. C’est au prophète Mohamed, donc à un homme, que le Coran demande de recommander aux femmes, sans évoquer leur chevelure, une certaine façon de s’habiller. Aujourd’hui encore, les hommes musulmans sont les premiers à réagir dès lors que le voile est évoqué pour le défendre. Derrière une femme voilée, il y a toujours un homme.
Dans les pays musulmans et dans les quartiers de grande concentration musulmane en Occident, les femmes subissent des pressions pour les obliger à se voiler. En Iran, en Afghanistan et en Arabie Saoudite celles qui ne se soumettent pas à cette pratique risquent de sévères punitions. Le voile n’est pas seulement une pratique discriminatoire à l’égard de la femme. Il est aussi un moyen d’oppression.
En Afghanistan, la burqa prive les femmes du droit d’utiliser leurs yeux pour regarder le monde dans lequel elles vivent. Si la covid 19 a fait que nous avons tous réalisé que masquer le visage réduit, dans certaines positions, la visibilité de l’espace, que peut-on dire des femmes qui regardent le monde derrière un petit grillage ? Que peuvent-elles ressentir de savoir qu’elles ne pourront jamais avoir le droit de voir le monde comme tout le monde ?
Quand on est humaniste, car le féminisme est un humanisme, on ne peut admettre cette atteinte à la dignité humaine.
On ne peut pas défendre le port du voile au nom d’une liberté illusoire alors que l’on connaît la pression et les violences que subissent beaucoup de femmes dans le monde pour les soumettre à cette pratique. Liberté illusoire, car le voile, ou le brukini, ne change pas de sens, de discours ou d’objectif parce que la femme qui le porte vit à Paris ou à Bruxelles ou parce qu’elle siège dans des assemblées ou enseigne à l’université.
Mais le voile ne discrimine pas uniquement les femmes par rapport aux hommes, il discrimine également les femmes non voilées par rapport à celles qui sont voilées. Une discrimination qui remonte également à l’antiquité où le voile a été ordonné aux femmes mariées et libres qui devaient être respectées pour les distinguer des esclaves et des prostituées livrées à la violence et au viol. Une distinction qu’on retrouve dans le verset 59 de la sourate 33, Les Coalisés : « Ô prophète dis à tes épouses à tes filles et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs djalabib ( pluriel de djilbab signifiant robe longue) ainsi elles seront vite reconnues et ne seront pas offensées ». Les musulmans racontent que le deuxième calife Omar interdisait aux esclaves de se voiler.
Aujourd’hui, à l’université algérienne, des étudiants incitent les filles à se voiler et distribuent à celles qui y succombent des attestations appelées « la couronne de la pudeur » par opposition aux non voilées considérées comme impudiques. Certes, le voile n’a jamais protégé les femmes des agressions des hommes, car seul le respect de la dignité humaine peut être un rempart contre la violence. Cependant, cette discrimination à l’égard des femmes non voilées se répercutent négativement sur leur liberté et leur sécurité dans les sociétés et les communautés musulmanes. Sur les plages algériennes, s’il n’y a que des femmes voilées, cela n’est pas dû au fait que toutes les Algériennes sont voilées, mais parce que les non-voilées ne peuvent plus y aller. Ainsi, revendiquer le voile, dans toutes ses versions, au nom de l’égalité est un non-sens. C’est même paradoxal d’utiliser le principe de l’égalité pour défendre et imposer la pratique la plus discriminatoire à l’égard des femmes.
Enfin, le voile est défendu et porté au nom de la charia qui elle-même est fondée sur le principe d’inégalité. Ses règles présentent la femme comme un être inférieur et l’homme comme un être supérieur. Le seul féminisme « islamique » qui puisse exister est celui qui décrète caduques toutes les règles discriminant les femmes et affirme leur abolition. Pourquoi cela serait-il impossible étant donné que l’abrogation est connue en islam ?
Les musulmans ne pratiquent pas toutes les recommandations coraniques. ils ne mangent pas le porc alors que le Coran ne l’interdit pas en cas de nécessité. « Certes il vous est interdit la chair d’une bête morte le sang la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué un autre que Dieu il n’y a pas de péché sur celui qui est contraint sans toutefois abuser […]. » (Sourate 2, La vache, verset 173). Ils ne boivent pas le vin alors que deux versets coraniques l’autorisent et ne pratiquent pas l’esclavage hormis les groupuscules comme Daech.
Les musulmans ont donc abrogé des règles qui ne répondaient pas à leur culture et leur vision de la société ou qui s’opposaient à d’autres règles comme c’est le cas de la consommation du vin que les versets 90 et 91 de la sourate 5, la Table servie, considèrent comme une abomination et recommandent aux croyants de s’en éloigner. Les musulmans ne peuvent pas pratiquer toutes les règles inscrites dans le Coran même s’ils le veulent.
Concernant le port du voile, en plus du fait qu’une règle soit inscrite dans le texte coranique n’implique pas impérativement son application, aucun verset n’évoque la chevelure de la femme ni sa tête ou encore son visage. Et parce que le foulard est la pièce principale du voile sans laquelle la femme ne peut être considérée comme voilée cela permet de déduire aisément que le port du voile n’est pas une prescription islamique.
Le verset 31 de la sourate 24, la Lumière, le plus cité par les adeptes du voile, affirme que les femmes doivent rabattre « leur khimar sur leurs djouyoub ». Le terme djouyoub, pluriel de djaïb, est traduit par poitrine même si certains commentateurs pensent qu’il s’agit du col du vêtement. Quant au mot khimar, qui signifierait le foulard islamique, il ne peut dans ce cas qu’être le châle ou l’écharpe.
Le verset 59 de la sourate 33, les Coalisés, recommande aux femmes « de ramener sur elles leurs djalabib », pluriel de djilbab. Ce terme désigne une robe longue sans aucune précision sur sa longueur et une robe couvre le corps et non la tête. En réalité les philologues ne savent pas quel est le sens exact de ces mots ni quelle était la mode vestimentaire de l’époque du prophète en Arabie. Cependant, les musulmans qui considèrent que le voile est une prescription islamique se réfèrent à des commentaires datant de plusieurs siècles.
Quant au verset 60 de la sourate 24, la Lumière, il parle du vêtement en général sans aucune précision. Il ne parle pas de la chevelure ni de la tête de la femme. Le terme hidjab lui-même est mentionné dans le verset 53 de la sourate 33, les Coalisés, pour désigner un rideau qui doit séparer les femmes du prophète de ses compagnons.
Razika Adnani