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Lentement mais surement la Turquie d’Erdogan avance fièrement et discrètement ses pions.
Désormais, le drapeau islamo-turc flotte aux quatre vents dans les ports du bassin méditerranéen. Devant la faiblesse et le désarroi de l’Europe, l’empire ottoman se réveille et fulmine. Le vieux port de Tripoli redevient le centre de ses activités économiques et militaires malgré l’embargo sur les armes, imposé par le Conseil de sécurité de l’ONU.
Certes, la Turquie fait partie des forces de l’OTAN mais Erdogan se moque éperdument des lois internationales et de ses partenaires occidentaux. Après avoir occupé par la force la moitié de Chypre, il signe un pacte de défense et un partenariat économique avec le pouvoir provisoire de Tripoli. Il installe impunément ses troupes et ses mercenaires sur le sol libyen et profite de ses richesses naturelles inondées de pétrole et de gaz.
Depuis le départ de Kadhafi, Erdogan prépare son intervention libyenne sans gênes et sans difficultés car la planète entière est préoccupée par la pandémie du coronavirus. L’Amérique refuse de jouer le gendarme du monde et la Sixième flotte n’est plus dissuasive. Plongé dans une rude campagne présidentielle et risquant de quitter honteusement la Maison Blanche, Trump est malheureusement indifférent aux manèges d’Erdogan.
Quant à la France de Macron, elle n’a pu à ce jour s’imposer fermement aux provocations de la marine turque. Erdogan marchande et chicane. Il méprise le président français et le porte-avions Charles de Gaulle ne l’effraye guère. Paris avait déjà commis une grave erreur stratégique en intervenant en Libye et en chassant Kadhafi après l’avoir reçu en grande pompe. La même erreur fatale qu’elle avait commise avec le chah d’Iran.
L’idée simpliste de croire à un « printemps arabe » tout beau et tout gentil, ou à une « révolution islamiste » pacifiste et démocratique, ne pourrait être réalisable que dans l’imaginaire d’un philosophe vaniteux prétendant être un stratège ou d’un intellectuel de gauche avide de sensations.
Sartre hier comme BHL aujourd’hui, ne peuvent dicter à des chefs d’Etat de nouvelles règles interna-tionales et modifier le jeu diplomatique par des leçons de morale ou par des prétentions de connaître le terrain et les opérations en cours. En revanche, plus grave encore, comment des hommes d’Etat peuvent-ils être influencés si facilement et s’aventurer si rapidement ? Pourquoi acceptent-ils aveuglement l’arbitrage et les conseils d’un philosophe orfèvre en relations publiques sans le contrepoids des actes réels et diplomatiques ? Que diable allaient-ils faire dans cette galère ? Ne sont-ils pas revenus humiliés et bredouilles ?
Un changement de régime ne peut se faire par une force armée extérieure. La puissante Amérique n’a pas réussi au Cambodge, au Vietnam ou en Irak. L’Union soviétique a échoué dans les pays de l’Est et en Afghanistan. Les chars de Tsahal n’ont pu imposer un nouveau régime à Beyrouth…les exemples sont tristement nombreux et célèbres.
Cependant, la dernière intervention de la Turquie en Libye nous rappelle que le monde libre est capable d’arrêter les intentions hégémoniques, la mégalomanie et le chantage des terroristes ou des pirates, le jour où il décide vraiment d’appliquer une politique ferme, musclée et cohérente.
Cela remonte déjà à l’année 1801, lors de la première bataille maritime des Etats-Unis dans le bassin méditerranéen…au moment des guerres contre les Etats barbaresques, (Tunis et les régences d’Alger et Tripoli) en possession de jure de l’Empire ottoman mais de facto indépendants.
A l’époque, les pirates imposaient un tribut aux navires marchands américains et en cas de non-paiement, ils attaquaient les navires, confisquaient leurs biens, et exigeaient une rançon pour leur libération. Le troisième président des Etats-Unis, Thomas Jefferson, refusa net au chantage. Les navires américains bombardèrent Tripoli et la suite est bien connue…
Ronald Reagan a suivi cette politique intransigeante à l’égard de Mouammar Kadhafi en appliquant des sanctions paralysantes et en bombardant son palais…. Le colonel libyen avait depuis baissé la tête et s’était résigné…
C’est ainsi que l’Occident devrait aujourd’hui se conduire devant le nouveau sultan Erdogan. Dans le bazar turc, le marchandage est inutile et le chantage est toujours payant.