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Fuyant « l’islamophobie » dont le président turc accuse la France, ils sont des centaines de musulmans français à choisir de partir pour la Turquie.
Thibault, un prénom d’emprunt qu’il a choisi, a 32 ans et une barbe rousse bien fournie. Il est avenant mais un brin méfiant. « Reconverti », selon ses termes, à l’islam depuis plus de sept ans, cela fait près de dix-huit mois que cet ancien boulanger originaire de l’Isère a élu domicile à Istanbul avec sa femme et leurs deux enfants. Dans un contexte de crispations hexagonales autour de l’islam, le couple en mal d’évasion s’est d’abord installé en Bosnie-Herzégovine et en Norvège, avant de chercher à effectuer la « hijra » : l’expatriation en terre musulmane. « Nous voulions éviter l’assimilation, inculquer une éducation islamique à nos enfants pour faire en sorte qu’ils restent musulmans toute leur vie », plaide Thibault. Si lui et son épouse songeaient en premier lieu à l’Égypte et au Maroc, la Turquie, plus proche de la France « au niveau de la mentalité », s’est imposée comme une évidence. Aujourd’hui, le couple a refait sa vie sur les rives du Bosphore, scolarisant ses enfants dans un établissement local où, prévient Thibault, « il y a des choses un peu bizarres » tant la laïcité reste de mise dans la plupart des écoles publiques turques. Mais malgré quelques déboires administratifs liés aux titres de séjour, le trentenaire ne regrette pas son exil stambouliote. D’autant qu’il y a six mois il a trouvé un filon : l’exportation de biens à une clientèle principalement française et musulmane. Corans, tapis de prière, abayas, chapelets islamiques ou dentifrices au siwak, telle est la gamme de produits qu’il propose sur son compte Instagram. « Je croule tellement sous la demande que je n’arrive plus à satisfaire toutes les commandes, surtout avec le ramadan qui approche », se félicite-t-il.
De nombreux musulmans de France attirés par la Turquie
Si les organes de presse progouvernementaux turcs ont consacré pléthore d’articles pointant un « exode » de musulmans fuyant « l’islamophobie française » vers la Turquie, le phénomène semble, somme toute, limité. Il est néanmoins indéniable que, depuis quelques années, de nombreux musulmans de France sont séduits par la Turquie. Aussi existe-t-il au moins une dizaine d’influenceurs français, la plupart d’origine maghrébine, qui mettent en scène leur expatriation au pays d’Erdogan. Tous s’y sont installés au cours des cinq dernières années. Parmi ces influenceurs, un profil revient souvent : celui de l’entrepreneur pieux, mondialisé et productif qui affiche sa réussite, réelle ou fictive, et propose des conseils pour mener à bien sa vie professionnelle et personnelle. Tout en usant des codes de la modernité occidentale et du capitalisme, ces « digital nomads » revendiquent leur religiosité, vantant les mérites de la rigueur morale et de l’orthodoxie sunnite. À l’image de Zia, Franco-Tunisienne de 25 ans originaire de Lyon, dont la chaîne YouTube est suivie par plus de 40 000 abonnés, et qui s’est installée à Istanbul avec son époux franco-algérien il y a près de deux ans. Dans une vidéo, elle explique comment pratiquer le « développement personnel » en évitant de tomber dans l’idolâtrie des spiritualités New Age.
Le choix d’une double culture
Pour ces musulmans d’Occident, le choix de la Turquie n’est pas anodin. Comme certaines monarchies du Golfe ont pu devenir des pays de cocagne pour une jeunesse française issue de l’immigration maghrébine, la Turquie est devenue une destination prisée tant elle apparaît comme musulmane, développée économiquement et occidentalisée. « Il y a une sorte de double culture ici, très européenne et moyen-orientale, qui me parle », affirme dans l’une de ses vidéos Fodil Mahani, un influenceur qui a troqué Dubai pour Antalya en 2019, et qui cumule plus de 70 000 abonnés sur sa chaîne YouTube.
Pour « pratiquer l’islam en paix »
David Bizet, qui se présente désormais sous le nom de « Davut Paşa », un Dijonnais converti à l’islam et au nationalisme turc, est installé en Turquie depuis 2019. Sollicité, il n’a pas répondu aux demandes d’entretien du JDD. Il a fondé un groupe Facebook intitulé Émigrer en Turquie en octobre 2020. « Ce groupe a pour but de connecter les musulmans francophones, actuels ou futurs si Allah le veut, en Turquie, annonce la description du groupe. Il s’adresse donc à des francophones qui aspirent à s’expatrier là-bas, ou qui vivent déjà dans ce pays, principalement pour des raisons religieuses afin de pratiquer l’islam en paix. »« Pas une semaine ne passe sans que je ne reçoive de message de Français installés ou souhaitant s’installer en Turquie » se félicitait-il sur le réseau social il y a deux semaines. Son groupe compte aujourd’hui plus de 2 000 membres.
Un sentiment anti-slam, rapporte le Daily Sabah
Le président Recep Tayyip Erdoğan a déclaré l’année dernière que les pays occidentaux insistent pour ne pas prendre de mesures contre la montée du sentiment anti-islam et a appelé les institutions turques à agir sur les questions liées aux musulmans et aux Turcs dans ces pays. Certains pays européens, en particulier la France, ont adopté une position hostile contre les musulmans ces dernières années. L’année dernière, une commission spéciale de l’Assemblée nationale française a approuvé la « charte des valeurs républicaines » de l’islam introduite l’an dernier par le président Emmanuel Macron dans le cadre de la lutte contre le « séparatisme », qui indigne la communauté musulmane. La législation a été critiquée. pour cibler la communauté musulmane de France – la plus importante d’Europe, avec 3,35 millions de membres – et imposer des restrictions sur de nombreux aspects de leur vie. La loi permet aux fonctionnaires d’intervenir dans les mosquées et les associations responsables de leur administration ainsi que de contrôler les finances des musulmans affiliés associations et organisations non gouvernementales (ONG).
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