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Pour ceux qui s’intéressent aux rapports qu’a entretenus Napoléon avec la Communauté juive de l’époque et les questions posées au Sanhédrin, ancêtre du Consistoire de France, nous soulignerons que pour contraindre les rabbins, Napoléon convoqua le Sanhédrin pour la séance inaugurale un shabbat.
Nous restons étonnés de voir que les Présidents français, qui ont cherché à donner une place à l’Islam dans la République, n’aient pas agi comme Napoléon à son époque, pour confirmer la compatibilité de l’islam avec la République. Napoléon avait exigé des rabbins français de l’époque de clarifier leur position sur des sujets pour lesquels la loi juive lui semblait incompatible avec la loi de la république (voir article). Nos dirigeants actuels (Sarkozy, Hollande, Macron), auraient été bien inspirés en demandant aux représentants de l’islam en France, un engagement solennel sur les différents points qui posent problème. Cela vaut pour la France comme pour l’Europe, et les pays occidentaux dans leur ensemble, étant entendu qu’en Chine, en Inde ou en Russie, ces régimes ne s’embarrassent nullement des principes moraux, qu’ils accommodent à leurs convenances.
1807 : questions posées au Grand Sanhédrin par Napoléon
Les réponses des notables ne pouvaient que donner satisfaction à l’Empereur. Mais celui-ci n’eut pas de peine à se rendre compte que rien ne lui garantissait l’application de mesures prises par des députés qui ne représentaient pas l’opinion juive, puisqu’ils avaient été nommés par les préfets, et qui ne jouissaient d’aucune autorité, aux yeux de la loi juive, pour imposer à leurs congénères la moindre modification aux usages en vigueur.
Seul, lui dit-on, un Sanhédrin (Tribunal) réunissant des rabbins d’une autorité religieuse incontestée, avait le droit de prononcer sur de semblables matières. Séduit par l’idée de faire donner une consécration religieuse et légale à ses volontés et d’étonner le monde en jouant le rôle d’un nouveau Moïse, c’est-à-dire d’un nouveau législateur du Judaïsme, il décida de convoquer un grand Sanhédrin qui entérinerait solennellement les décisions prises par l’Assemblée des Notables.
Ce grand Sanhédrin devait compter 71 membres, dont au moins deux tiers, soit 45, en possession du diplôme rabbinique.
Autant la réunion de l’Assemblée des notables avait été improvisée, autant celle du Sanhédrin fut l’objet d’une préparation minutieuse. Les Commissaires de l’Empereur allèrent jusqu’à demander à collaborer à la rédaction de la prière d’inauguration ainsi qu’au programme de la cérémonie.
Ce grand Sanhédrin devait compter 71 membres, dont au moins deux tiers, soit 45, en possession du diplôme rabbinique.
Autant la réunion de l’Assemblée des notables avait été improvisée, autant celle du Sanhédrin fut l’objet d’une préparation minutieuse. Les Commissaires de l’Empereur allèrent jusqu’à demander à collaborer à la rédaction de la prière d’inauguration ainsi qu’au programme de la cérémonie.
David Sintzheim, rabbin de Strasbourg, fut nommé Chef du Sanhédrin (Nassi), Benoît Sauveur Segré, rabbin de Verceil (Piémont), premier assesseur (Ab Beth Din) et Abraham Cologna, rabbin de Mantoue, second assesseur, (Ha’ham), Furtado et le rabbin Cracovie, rapporteurs, Michel Berr, secrétaire.
La première réunion solennelle eut lieu à l’Hôtel de Ville de Paris, le 9 février, après une imposante cérémonie à la synagogue de la rue Sainte Avoye. Le 16 février, les membres du Sanhédrin se finirent d’accord pour adopter un costume officiel, comprenant pour les membres laïcs, le port de l’épée.
Le grand Sanhédrin tint huit séances entre le 4 février et le 9 mars 1807. Ses membres, choisis comme ceux de l’Assemblée des notables, avec un soin tout particulier par les préfets, parmi les rabbins ou les laïcs jugés bien disposés en faveur de la doctrine napoléonienne, savaient ce qu’on attendait d’eux : la consécration des décisions de l’Assemblée des Notables. D’ailleurs, pour éviter toute équivoque à ce sujet, le 16 février, Napoléon envoya aux Chefs de Sanhédrin, par l’intermédiaire de ses commissaires, des directives très nettes et bien détaillées.
Il était convaincu que les mesures édictées par une telle Assemblée prendraient force de Loi aux yeux du judaïsme universel, au même titre que le Schul’han Aruch. Le Code rituel en usage depuis le 16ème siècle.
Au cours de la séance solennelle de clôture, le 9 mars, le rabbin David Sintzheim, Chef du Grand Sanhédrin, lut une importante déclaration, dans laquelle il résumait les travaux de l’Assemblée.
…Nous nous sommes constitués, dit-il, en Grand Sanhédrin, afin de trouver en nous le moyen et la force de rendre des ordonnances religieuses conformes aux principes de nos saintes lois… Les ordonnances apprendront aux nations que nos dogmes se concilient avec les lois civiles sur lesquelles nous vivons, et ne nous séparent pas de la Société des hommes.
En conséquence, nous déclarons : que la loi divine contient des dispositions religieuses et des dispositions politiques ; que les dispositions religieuses sont, par leur nature, absolues et indépendantes des circonstances et des temps ; qu’il n’en est pas de même des dispositions politiques (lesquelles) ne sauraient être applicables depuis qu’il (le peuple juif) ne forme plus un corps de nation…
- Décisions du Grand Sanhédrin.
Puis il donna lecture des décisions doctrinales prises par l’Assemblée :
Article 1er. – Polygamie.
Il est défendu à tous les Israélites de tous les États où la polygamie est prohibée par les lois civiles, et en particulier à ceux de l’Empire de France et du Royaume d’Italie, d’épouser une seconde femme du vivant de la première, à moins qu’un divorce avec celle-ci, prononcé conformément, aux dispositions du Code Civil et suivi du divorce religieux, ne les ait affranchis des liens du mariage.
Art. 2. – Répudiation.
Nulle répudiation ou divorce ne pourra être fait selon les formes établies par la loi de Moïse, qu’après que le mariage aura été déclaré dissous par les tribunaux compétents (civils). En conséquence, il est défendu à tout rabbin… de prêter son ministère dans aucun acte de répudiation ou de divorce, sans que le jugement civil qui le prononce lui ait été exhibé en bonne forme…
Art. 3. – Mariage.
Il est défendu à tout rabbin ou autre personne de prêter leur ministère à l’acte religieux du mariage, sans qu’il leur ait apparu auparavant de l’acte des conjoints devant l’office civil.
Le grand Sanhédrin déclare, en outre, que les mariages entre israélites et chrétiens, contractés conformément aux lois du Code Civil, sont obligatoires et valables et que bien qu’ils ne soient pas susceptibles d’être revêtus de formes religieuses, ils n’entraîneront aucun anathème.
Art. 4. – Fraternité.
En vertu de la Loi donnée par Moïse aux enfants d’Israël…, qui nous ordonne d’aimer notre semblable comme nous-mêmes… et de ne faire à autrui que ce que nous voudrions qu’il nous fût fait, il serait contraire à ces maximes sacrées de ne pas regarder nos concitoyens, Français et Italiens, comme nos frères.
Art.5. – Rapports moraux.
Le grand Sanhédrin prescrit à tous les israélites, comme devoirs essentiellement religieux et inhérents à leur croyance, la pratique habituelle et constante, envers tous les hommes reconnaissant Dieu créateur du ciel et de la terre, quelque religion qu’ils professent, des actes de justice et de charité dont les Saints Livres leur prescrivent l’accomplissement.
Art. 6. – Rapports civils et politiques.
Un israélite né et élevé en France et dans le royaume d’Italie et traité par les lois des deux Etats comme citoyen, est obligé, religieusement, de les regarder comme sa patrie, de les servir, de les défendre, d’obéir aux lois, et de se conformer, dans toutes ses transactions aux dispositions du Code Civil.
En outre… tout israélite appelé au service militaire est dispensé par la loi, pendant la durée du service, de toutes les obligations religieuses qui ne peuvent se concilier avec lui.
Art 7. – Professions utiles.
Considérant… qu’il résulte de la lettre et de l’esprit de la loi mosaïque que les travaux corporels étaient en honneur parmi les enfants d’Israël, et qu’il n’est aucun art mécanique qui leur soit nominativement interdit, puisque la Sainte Ecriture les invite et leur commande de s’y livrer… et que cette doctrine est confirmée par le Talmud, le grand Sanhédrin ordonne à tous les israélites, et en particulier à ceux de France et du royaume d’Italie, qui jouissent maintenant des droits civils et politiques, de rechercher et d’adopter les moyens les plus propres à inspirer à la jeunesse l’amour du travail, et à la diriger vers l’exercice des arts et métiers ainsi que des professions libérales… Invite, en outre, les Israélites… à acquérir des propriétés foncières, comme un moyen de s’attacher davantage à leur patrie; à renoncer à des occupations qui rendent les hommes odieux ou méprisables aux yeux de leurs concitoyens, et à faire tout ce qui dépendra de nous pour acquérir leur estime et leur bienveillance.
Art. 8. – Prêt entre Israélites.
Le mot Nésche’h, que l’on a traduit par celui d’usure, a été mal interprété ; il n’exprime, dans la langue hébraïque, qu’un intérêt quelconque et non un intérêt usuraire… En conséquence, le grand Sanhédrin ordonne à tous les Israélites… de n’exiger aucun intérêt de leurs coreligionnaires, toutes les fois qu’il s’agira d’aider le père de famille dans le besoin, par un prêt officieux ; statue, en outre, que le profit légitime du prêt entre coreligionnaires n’est religieusement permis que dans le cas de spéculations commerciales, qui font courir un risque au prêteur… selon le taux fixé par la loi de l’État.
Art. 9. – Prêt entre Israélites et non-Israélites.
Le mot No’hri ne s’applique qu’aux individus des nations étrangères et non à des concitoyens, que nous regardons comme nos frères. (Mais) même à l’égard des nations étrangères, l’Écriture Sainte, en permettant de prendre d’elles un intérêt, n’entend point parler d’un profit excessif et ruineux…
En conséquence, le grand Sanhédrin ordonne de ne faire aucune distinction, à l’avenir, en matière de prêt, entre concitoyens et coreligionnaires ; Déclare que toute usure est indistinctement défendue, non seulement d’Hébreu à Hébreu et d’Hébreu à concitoyen d’une autre religion, mais encore avec les étrangers de toutes les nations, regardant cette pratique comme une iniquité abominable aux yeux du Seigneur.
La rédaction de l’article 3 donna lieu à une discussion serrée. Napoléon ne prétendait rien moins que de voir les rabbins bénir les unions mixtes et les recommander « comme moyen de protection et de convenance pour le peuple juif ». Il voulait que, dans chaque département, sur trois mariages, on n’en autorisât que deux entre juifs et juives et que l’autre fût obligatoirement un mariage mixte.
Pas plus que l’Assemblée des Notables, le grand Sanhédrin ne voulut accepter cette atteinte à la liberté religieuse d’Israël et il opposa une résistance acharnée aux prétentions de l’empereur.