À la porte du Sahara, l’oasis de Bou-Saada inspire les plus grands peintres, écrivains, photographes ou acteurs de cinéma. La photojournaliste Farida Hamak a immortalisé entre 2012 et 2015 la localité algérienne, ses habitants et ses paysages.
« Depuis que je suis adolescente, on me parle de cette oasis, de sa beauté et de son histoire. Les artistes du monde entier y sont allés pour se ressourcer, comme Simone de Beauvoir ou Eugène Delacroix », se remémore-t-elle.
Née dans l’arrière-pays algérois en 1950, aux prémices de la guerre, Farida Hamak et ses parents déménagent six ans plus tard en France. De là, elle s’intéresse à son pays d’enfance et se fascine pour l’oasis de Bou-Saada.
Lors d’un voyage à Singapour, la jeune Franco-Algérienne se passionne pour la photographie. Mais son maître, Henri Cartier-Bresson, le père de la photographie instantanée, lui déconseille de s’engager dans cette voie difficile.
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Obstinée, inspirée par les pays arabes et avide de raconter ses origines, Farida Hamak persiste. Elle commence à prendre des clichés de sa famille, pour montrer le « choc des cultures française et algérienne et leur conciliation ». En scrutant toujours de loin ladite oasis.
Pendant dix-sept ans, Farida Hamak entasse des pellicules capturant son enfance, dans une famille pudique sur son histoire. « Là où la parole se taisait, mes images, elles, ont choisi de parler »,explique-t-elle. Mais, comme dans un mirage, la photographe avance dans sa carrière sans apercevoir le fameux point d’eau à l’horizon.
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En parallèle de son travail photographique sur sa famille, Farida Hamak embrasse une carrière de photoreporter de guerre. Elle s’installe à Beyrouth en 1982 pour couvrir les conflits au Liban. « Je voulais raconter la vie de la population pendant le conflit et non ce qui se déroulait sur les champs de combats », précise-t-elle pour éclairer sa vision de photographe.
Le temps passe, les reportages s’éloignent de Bou-Saada et se rapprochent du Proche-Orient. Jusqu’à ce que Farida Hamak rencontre son mari, un Lyonnais dont la famille est originaire d’un village à 100 km de Bou-Saada.
Après trente années à travailler sur la mémoire dans le monde arabe, la photographe reprend la route vers le Sahara. Loin d’une Algérie urbaine et de la politique, elle consacre la série de photos Sur les traces aux paysages arides et épurés, à la lumière singulière du territoire.
Plus qu’un cours d’eau, Bou-Saada est une source d’inspiration et de respiration. Une pause dans un rythme de vie effréné au cours duquel Farida Hamak n’a cessé d’aller à l’encontre, en prenant le temps d’approcher ses lieux de reportage. Ces photos épurées dévoilent quelques silhouettes parmi une immensité de sable et de lumière. Certaines ressortissent au décor désertique.
« Je veux éviter l’écueil de l’orientalisme, mais certaines habitantes ont tenu à ce que je les photographie dans leurs tenues clinquantes, qu’elles portent à l’occasion de mariages ou seulement pour le plaisir. Pour elles, les costumes se perdent de plus en plus face aux foulards et aux djellabas. » Après des décennies de fascination, Farida Hamak a fait plus que se ressourcer à Bou-Saada. Elle a immortalisé son âme.