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Iran les troubles atteignent la capitale.
21 septembre 2022
5 morts en Iran alors que les troubles liés à la mort d’une femme atteignent la capitale.
Les manifestants exigent une enquête sur la mort de Mahsa Amini et le démantèlement de la soi-disant « police de la moralité » iranienne, qui l’avait arrêtée après avoir trouvé à redire à son hijab.
Cinq personnes ont été tuées en Iran dimanche alors que des manifestants descendaient dans les rues de la capitale après la mort d’une jeune femme qui avait été arrêtée pour avoir soi-disant enfreint le code vestimentaire du pays. L’agence de presse semi-officielle Fars a déclaré que les étudiants de nombreuses universités de Téhéran se sont rassemblés pour protester, exigeant une enquête sur la mort de Mahsa Amini et le démantèlement de la police des mœurs, qui la détenait lorsqu’elle est décédée.
Des témoins ont déclaré que des manifestants ont envahi le boulevard Keshavarz, une artère centrale, scandant « Mort au dictateur ». Ils ont également scandé la police et endommagé un véhicule de police. Les témoins ont parlé sous couvert d’anonymat pour des raisons de sécurité. Tard lundi, les journalistes de l’ Associated Press ont vu des poubelles incendiées et des pierres éparpillées à certaines intersections du centre-ville alors que l’odeur de gaz lacrymogène flottait dans l’air. La police a fermé les routes menant à la place centrale Vali-e Asr. Des forces de sécurité en civil et des groupes de policiers anti-émeutes étaient visibles dans toute la région, et le service Internet mobile était en panne dans le centre de Téhéran. Des dizaines de manifestants à moto sont brièvement apparus à quelques carrefours, où ils ont renversé des poubelles et scandé contre les autorités avant de s’enfuir.
Entre-temps, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montraient une troisième journée de manifestations dans des villes kurdes de l’ouest de l’Iran ainsi que dans la ville de Rasht, dans le nord, et dans une université de la ville centrale d’Ispahan. L’ Associated Press n’a pas pu vérifier de manière indépendante l’authenticité des images. La police des mœurs a arrêté mardi dernier Amini, 22 ans, pour ne pas avoir couvert ses cheveux avec le foulard islamique, connu sous le nom de hijab, qui est obligatoire pour les femmes iraniennes. La police affirme qu’elle est décédée d’une crise cardiaque et nie avoir été maltraitée. Ils ont publié la semaine dernière des séquences vidéo en circuit fermé montrant prétendument le moment où elle s’est effondrée. Sa famille dit qu’elle n’avait pas d’antécédents cardiaques.
Amini, qui était kurde, a été enterrée samedi dans sa ville natale de Saqez, dans l’ouest de l’Iran. Des manifestations y ont éclaté après ses funérailles et la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants samedi et dimanche. Plusieurs manifestants ont été arrêtés.
Le président iranien Ebrahim Raisi, parti lundi pour New York pour s’adresser à l’Assemblée générale des Nations Unies, a ordonné une enquête et s’est engagé à poursuivre l’affaire lors d’un appel téléphonique avec la famille d’Amini. La justice a lancé une enquête et une commission parlementaire se penche également sur l’incident.
Le hijab est obligatoire pour les femmes en Iran depuis la révolution islamique de 1979 et la police des mœurs est chargée de faire respecter cela et d’autres restrictions. La force a été critiquée ces dernières années, en particulier pour son traitement des jeunes femmes. Des dizaines de femmes ont retiré leur foulard en signe de protestation en 2017. Les Iraniennes sont également descendues dans la rue ces dernières années en réponse à une crise économique exacerbée par les sanctions occidentales liées au programme nucléaire iranien.
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Les armes étrangères qui ont permis à l’Ukraine de tenir face aux Russes : Himars, Javelin, drones suicides…
Au début de septembre, l’Ukraine a réalisé une percée éclair dans les lignes russes, et affirme avoir repris 6 000 km2 de son territoire près de Kherson et de Kharkiv, dans le sud et le nord-est du pays. Ces succès militaires doivent beaucoup aux livraisons d’armes occidentales, qui ont permis à l’armée ukrainienne de se moderniser : blindés de défense antiaériens Gepard Batterie sol-air Nasams Canons Caesar Panzerhaubitze 2000 M777, des obusiers tractés Des chars soviétiques T-72 Missiles antinavires (Harpoon) Missiles antichars (Javelin, NLAW, AT4…) Mëissiles antiaériens (Stinger, Strela, Mistral…) Missiles antiradar (AGM-88 HARM) Bayraktar TB2 Drones suicides, la liste est non exhaustive.
Si les livraisons ont d’abord concerné des armements légers, tels que des lance-missiles portatifs, de nombreux équipements lourds ont ensuite complété le dispositif.
Si l’essentiel de ces équipements provient des USA comme les lance-roquettes multiples Himars, les obusiers tractés M777, les missiles antinavires AGM-84 Harpoon, les missiles antichars (Javelin, NLAW, AT4…), les missiles antiaériens Stinger, les missiles américains, AGM-88 HARM (High Speed Anti-Radiation) et les « drones suicides » Switchblade, d’autres pays ont envoyés des éléments.
La France a fourni des canons Caesar avec des milliers d’obus qui sont des canons de 155 mm monté sur un camion blindé à roues capable de tirer six coups par six coups par minute à une distance de 40 km.
L’Allemagne a apporté 50 chars antiaériens Gepard et des Panzerhaubitze 2000, canon automoteur de 155 mm à longue distance. De son côté, la Pologne a donné à l’Ukraine 18 engins d’un modèle équivalent d’obusier, le Krab, et lui en a vendu 54 autres.
L’Angleterre est aussi active et le Danemark a fourni ses Harpoon modifiés qui installés sur un camion, devenant ainsi une batterie de défense côtière.
Les drones armés turcs Bayraktar TB2 ont infligé de lourdes pertes à la Russie. Ils peuvent transporter quatre missiles à guidage laser et paradoxalement, l’Ukraine utilise de nombreuses armes soviétiques comme les chars T-72 qu’ils détenaient en propre ou qui proviennent des stocks de la Pologne et de la République tchèque. Ceux-ci sont équipés d’un canon de 125 mm et de mitrailleuses.
De son côté, la position officielle d’Israël est de ne pas fournir de systèmes offensifs et défensifs avancés à Kiev, au motif que cela porterait atteinte aux « relations sensibles » de Jérusalem avec Moscou, notamment du fait de la présence militaire russe dans la Syrie voisine.
Avant l’invasion de la Russie, Israël aurait également fait échouer un projet des États-Unis visant à fournir à l’Ukraine son Dôme de fer, mais selon The Times of Israël, une entreprise de défense israélienne vient de vendre des systèmes anti-drones à l’Ukraine en passant par la Pologne, avec l’accord implicite du gouvernement.
Source : Le Monde & Israël Valley (résumé)
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21 septembre 2022
Proche-Orient: un pays pour deux peuples?
La clairvoyance d’André Chouraqui
Le 5 septembre 1972, 11 athlètes israéliens étaient assassinés lors des JO de Munich. Cinquante ans après, les Palestiniens, toujours instrumentalisés par les bonnes âmes, n’ont pas renoncé au terrorisme. Pour arriver à la paix, André Chouraqui avait proposé d’unir les territoires et de séparer les peuples.
Dans un livre d’entretiens paru voici une quinzaine d’années et intitulé La Discorde [1] , Élisabeth Lévy modérait un dialogue nourri, argumenté et divergent entre Alain Finkielkraut et Rony Brauman. Les échanges portaient sur les relations entre Israël et les Palestiniens, ainsi que sur les Juifs et la France. Or, de tels éléments de réflexion n’en finissent pas, aujourd’hui comme hier, de diviser la société française en courants inconciliables. Ces désaccords marquants produisent de l’incompréhension réciproque, interdisant l’émergence d’un consensus apaisant. Certains en profitent pour accroître leur représentativité politique ; d’autres s’enlisent dans l’équivoque.
Lors d’une récente réunion ouverte, une obédience maçonnique a présenté un travail figuratif sur la Shoah et ses effets au sein des familles de victimes. L’exposé exhaustif d’un dignitaire a été suivi de prises de parole. Immanquablement, l’un des intervenants a évoqué le désarroi occidental généré par les souffrances du peuple palestinien « dans les territoires occupés » , dont il rendait Israël – pays et peuple – responsable. L’orateur principal de la soirée répondit : « Cela montre que les persécutés peuvent devenir persécuteurs. »
Vichy et les territoires occupés
Vingt ans après la fin de la grande extermination, Vladimir Jankélévitch avait anticipé ce type d’insinuations. Citons le philosophe français : « D’autres essayistes en quête d’alibis ont découvert récemment qu’il existait des “Kapo” juifs […]. On imagine l’empressement avec lequel un certain public s’est jeté sur cette attrayante perspective : après tout, les Juifs étaient peut-être eux-mêmes des collaborateurs ? […] Et si par hasard les Juifs s’étaient exterminés eux-mêmes ? » [2] La réplique est avisée ! Il faut souligner la date de l’apparition de l’expression « territoires occupés » : elle remonte à l’époque du régime de Vichy, et plus précisément à une note du 14 mai 1941 qui commence ainsi : « En accord avec la délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés, la Préfecture de police a procédé, sur convocations, à la concentration des ressortissants polonais, Juifs, âgés de 18 à 40 ans [3] […]. » Les premières déportations dans des camps français débutent et la police parisienne se met à la disposition de l’occupant nazi.
La conjugaison de cette filiation vichyste et de l’entêtement à rendre Israël responsable du malheur des Palestiniens offre le paysage bien connu de la mutation de l’antisémitisme virulent. La bataille de la communication engagée par les nazis a reposé sur la haine devenue paroxystique du Juif, entretenue presque partout en Europe depuis des siècles, pour ensuite être prolongée par la substitution de la victime européenne en bourreau moyen-oriental. Depuis environ vingt années, une partie de la gauche française et désormais des éléments de LFI puisent sans vergogne dans ce dernier sac à boniments, en mêlant les années 1930 et la période ouverte par la seconde Intifada, puis le sort des suppliciés de la Shoah et la situation des Israéliens installés dans les implantations. Ces virtuoses de l’enfumage (quelle sinistre passion de procéder ainsi avec un peuple monté en fumée dans les fours crématoires !) se répandent au détriment de la cohésion nationale , dégât majeur que le juge des référés du Conseil d’État, décidant l’annulation d’un spectacle particulier de Dieudonné M’Bala M’Bala, avait su repérer en janvier 2014.
Il s’agissait alors d’empêcher les moqueries proférées et les ricanements suscités au détriment des victimes de la Shoah, les unes et les autres produisant leurs effets négatifs sur le pays.
André Charouqui à Jérusalem, années 1970 / D.R.
Pour autant, la situation tragique des Palestiniens demeure une variable d’ajustement au Moyen-Orient. Le choix catastrophique du terrorisme meurtrier leur a davantage nui que la corruption trop souvent observée de certains de leurs dirigeants et les phases de confrontation meurtrière avec Israël. Les 5 et 6 septembre prochains, nous commémorerons l’attentat de Munich, au cours duquel périrent, sous les balles d’un commando palestinien, 11 membres de la délégation israélienne lors des Jeux olympiques d’été de 1972 [4] . Choisir cette ville, siège du parti NSDAP, un quart de siècle après la reddition nazie et malgré ce que fut au même endroit l’orchestration de la propagande hitlérienne, pour les JO s’entendait en termes de résilience. Encore fallait-il que le respect des victimes intervînt.
Mais le président du Comité international olympique, Avery Brundage, n’était pas à son coup d’essai. Il fut celui qui bloqua le boycott, envisagé par les États-Unis, des Jeux de 1936 à Munich. Son indifférence à l’égard d’un régime sur lequel plus personne au monde ne conservait d’illusions ne fit pas obstacle à son élection à la tête du mouvement mondial. Lorsqu’un commando de Septembre noir attaqua à Munich la délégation israélienne au sein du village olympique et commença par assassiner une partie de ses athlètes, Avery Brundage, au terme d’une déclaration qu’il voulait consensuelle, affirma : « Les Jeux doivent continuer […]. » Ils continuèrent, après une très courte suspension. Comment ne pas songer, à nouveau, à Jankélévitch ?
Le philosophe décrit ainsi l’esprit d’après-guerre : « Ce qui est arrivé n’avait pas la même importance pour eux et pour nous. » [5] Le tour de passe-passe consistant à faire des Israéliens, donc des Juifs, des nazis se heurte à une réalité première : l’obsession chez les terroristes et les fascistes de séparer pour tuer. Le choix continu de cette violence ajoute au malheur accentué des Palestiniens. Prendre en compte leur détresse profonde nécessite de renoncer à les instrumentaliser. Il s’agit, pour tous ceux érigeant leur cause en une priorité, de décider enfin s’il est préférable de les savoir partie intégrante des progrès de paix, ou de les encourager dans la haine des Juifs qui repose toujours sur des mensonges.
La clairvoyance d’André Chouraqui
Juriste de réputation internationale, conseiller de David ben Gourion, penseur érudit, André Chouraqui fut avant tout un homme de paix et d’espoir. Sa dénonciation des « lamentables » guerres israélo-arabes occupe une partie de ses considérations réunies dans Ce que je crois [6] . Après avoir analysé les causes d’un conflit fratricide, il évoque le voyage d’Anouar el-Sadate à Jérusalem et la logique de cessation des guerres. Menahem Begin et le chef d’État égyptien, qui le paiera de sa vie, se sont attelés à surmonter les obstacles sur le chemin d’un traité, toujours en vigueur, aux prolongements inespérés initialement mais effectifs aujourd’hui.Citons André Chouraqui : « La solution qui pourrait concilier les légitimes intérêts d’Israël, de la Jordanie et des Palestiniens serait de créer sur leurs territoires réunifiés une fédération où chaque entité ethnique verrait ses droits nationaux reconnus et garantis. [7] » Le génie, au sens d’opérabilité et de lumineuse intuition, réside ici dans la double signification de la notion d’impasse : faire adroitement l’économie d’une question territoriale qui se révèle insoluble, tout en concrétisant une perspective partagée hors la voie sans issue des conflits. Begin et Sadate possédaient une commune volonté d’en finir avec les morts inutiles.
La paix ne s’installe jamais si les guerres recommencent stupidement.
Leur accord reposa sur l’amputation d’une partie des exigences du président égyptien de promouvoir la cause des Palestiniens et de récupérer le Sinaï. Il n’eut satisfaction que sur ce deuxième point. L’accentuation des difficultés actuelles des Palestiniens repose sur le ressort, depuis près de trois quarts de siècle, d’une indépassable haine du Juif. Elle a pris le relais, au Moyen-Orient, d’un antijudaïsme n’ayant plus droit de cité dans l’Europe honteuse de la Shoah. Puis ce transfert de la détestation d’Israël a produit une contagion en Europe, par le biais d’esprits malins maniant avec dextérité la détresse des Palestiniens.
Le résultat de la manipulation des apprentis sorciers est d’avoir, dans les années 1970, ancré le terrorisme au Moyen-Orient et en Europe de l’Ouest. Cette mécanique étant impossible à stopper net, la violence terroriste devient cyclique, parfois paroxystique, toujours difficile à combattre. L’extirper représente une cause prioritaire qui trouvera une traduction par une solution négociée entre les Palestiniens et Israël. À l’approche du 75e anniversaire de la naissance de ce pays, relire André Chouraqui présente un intérêt immédiat, dans un environnement politique et stratégique marqué par la reprise des actes terroristes et, à l’inverse, par la mise en œuvre des Accords d’Abraham, amplifiés par des coopérations affirmées avec d’autres pays arabes.
Voici le credo d’André Chouraqui : « Unir les territoires que l’on se dispute et séparer les ethnies pour mieux assurer la protection de leurs droits nationaux, politiques, religieux, linguistiques et culturels, mettrait un terme au conflit. La route de la paix est barrée parce qu’elle va dans des directions exactement contraires : on entend séparer les territoires et confondre les nationalités au lieu d’unir les premiers et de donner aux deuxièmes la possibilité de s’exprimer dans des entités politiques et culturelles autonomes. »
André Chouraqui défendait une conception structurée de la paix, reposant sur des institutions adaptées, telles que la naissance d’une fédération israélo-jordano-palestinienne préfigurant une confédération d’États plus large, pour en finir avec « le heurt de nos contradictions » . Les actuels échanges technologiques, sécuritaires et politiques vont dans le sens d’une histoire qui donnera probablement naissance, malgré les coups d’arrêt observés, à un ensemble fédératif. Lorsque la menace nucléaire extérieure à ces pays, les défis climatiques et la nécessité d’un partage des ressources naturelles auront contraint des dirigeants en quête d’une sortie des confrontations, l’impasse territoriale sera alors traitée comme la difficulté à surmonter.
Toujours inspiré, André Chouraqui, dont l’absence est décidément cruelle, concluait dans le même ouvrage : « L’essentiel réside dans notre volonté de résister au vertige de la mort et d’imposer à nos consciences la chance fragile de la survie et du salut, le nôtre et celui du monde. » Il publia Ce que je crois l’année de la révolution iranienne, qui instaura dans ce pays l’affirmation de la volonté prioritaire de détruire Israël. Les déclinaisons exhaustives de l’antisémitisme – au sens du rejet de tous les sémites du Moyen-Orient – aspirent à se rejoindre dans l’action néfaste. Trop de Palestiniens ont été élevés dans l’idée que le seul compromis possible serait le renoncement d’Israël à son propre droit d’exister. Ceux qui ont élevé leur cause scandaleusement rentabilisée au stade de magistère de la pensée sommaire contribuent au maintien de la condition douloureusement abaissée des Palestiniens.
S’il s’agit de l’amélioration de leur sort, les pistes de réflexion ouvertes par André Chouraqui méritent d’être privilégiées, car des solutions pourront advenir au gré des rapprochements en cours. Mais si l’unique question est de savoir comment continuer, à toute force, de susciter depuis l’Europe ou le continent américain la détestation des Juifs, les Palestiniens resteront les jouets de ceux qui les instrumentalisent avec une mauvaise foi faussement contristée et indifférente au malheur de ceux dont ils prétendent se soucier. Le statu quo de la haine, laquelle constitue l’activité la plus nocive de l’homme pour lui-même, n’a jamais produit aucune avancée viable sur quelque sujet que ce soit.
[1] « Champs essais », Flammarion, 2008.
[2] L’Imprescriptible : Pardonner ? Dans l’honneur et la dignité , Seuil, 1986.
[3] Voir Maurice Rajsfus, La Rafle du Vel’ d’Hiv (2002), Détour, 2021, page 14.
[4] Crime qui avait suscité l’enthousiasme révolutionnaire d’un certain Edwy Plenel.
[5] Op. cit , pp. 98 et 99.
[6] Grasset, 1979.
[7] Ibid ., page 289.
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Jean-Pierre Chevènement : “Le traité de Maastricht, dans les faits, s’est évaporé”
“La crise du coronavirus a permis de rendre manifeste l’impasse dans laquelle l’Europe de Maastricht était engagée.”
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Jean-Pierre Chevènement :
“Le traité de Maastricht, dans les faits, s’est évaporé”
Trente ans après le référendum de septembre 1992 sur le Traité de Maastricht, le leader du « Non » de gauche et ancien ministre d’État revient sur la critique qu’il formulait à son égard, à l’époque. Selon lui, sous l’effet de plusieurs crises, ce traité s’est aujourd’hui « évaporé ». Et l’impératif pour l’Europe est maintenant de faire preuve de volontarisme politique et économique.
La critique du traité de Maastricht est condensée par les principales objections que j’ai faites du temps de son élaboration.
Ces critiques concernaient en premier lieu la libéralisation de la circulation des mouvements de biens, de services et surtout de capitaux, sans harmonisation préalable des règles, notamment fiscales. En second lieu, la critique que je formulais parmi beaucoup d’autres concernait la capacité donnée à la Commission européenne d’harmoniser par voie de directives les législations nationales au seul regard de la concurrence « pure et non faussée ». Enfin ma critique, rejoignant celle de beaucoup d’autres, concernait le pouvoir donné à la Banque centrale européenne indépendante d’émettre de la monnaie, mais seulement à la hauteur de ce qui était nécessaire pour contenir l’inflation à moins de 2 % par an. Parallèlement, étaient mises en cause, par les adversaires du traité de Maastricht, les règles de plafonnement des déficits budgétaires (3 % du PIB) et de l’endettement public (pas plus de 60 % du PIB).
À ces critiques, les tenants du traité opposaient une confiance globale fondée sur une sorte de « mystique européenne » (« L’Europe c’est la paix »). Parallèlement, François Mitterrand évoquait même la logique des institutions pour produire, le moment venu, les mesures réglementaires qui compenseraient ce qu’un dispositif trop général pouvait avoir d’imparfait.
Quel bilan peut-on dresser trente ans après que le traité de Maastricht a été soumis au référendum de septembre 1992 ?
L’application de celui-ci a entraîné une croissance fortement ralentie et même après 2008, une véritable logique d’austérité. Après une phase de baisse des taux d’intérêt pratiquée par les Banques centrales, une logique restrictive s’est développée pour remédier à la crise de l’euro et contrarier les évolutions divergentes des économies du Nord et du Sud de l’Europe, notamment à partir de la récession de 2008. Il a fallu attendre 2012, et surtout 2015, pour que le nouveau président de la Banque centrale, Mario Draghi, prenne des mesures correctives : achat de titres publics et politique de création monétaire, dite quantitative easing .
Ainsi, plus de vingt ans auront été nécessaires, à partir de la signature du traité de Maastricht, pour que la Banque centrale européenne infléchisse, prudemment d’ailleurs, le cours de sa politique monétaire. Et pour que la « logique des institutions » consente à se manifester. Et encore cet infléchissement n’évita-t-il pas une crise économique d’ampleur (2011-2017). La « logique des institutions » n’évita pas, quant à elle, le déclin de la croissance européenne par rapport à la croissance américaine et, sur le plan interne, un développement asymétrique entre les pays de l’Europe du Nord et ceux de l’Europe du Sud. Ces résultats ne condamnaient-ils pas les choix opérés dans les années 1980-1990 au moment de l’élaboration du traité de Maastricht ? La désindustrialisation de la France ne fut-elle pas ainsi bien cher payée ?
III. La crise du coronavirus, véritable point de retournement.
Il a fallu attendre 2019 pour que soient suspendus les fameux critères de Maastricht. En même temps la Banque centrale européenne, sous l’impulsion de Mario Draghi, puis de Christine Lagarde, a abandonné sa politique monétaire restrictive pour faire tourner la planche à billets et financer les mesures d’aides aux entreprises et de lutte contre le chômage partiel, intervenues en 2020. Jusqu’à cette date, le modèle maastrichtien a conduit à l’alignement de la politique monétaire des pays du sud de l’Europe sur les exigences de l’économie allemande : financement de la réunification allemande dans les années 1990, à travers la fixation d’une parité monétaire surévaluée entre l’Ostmark et le Deutschemark , soutien à la compétitivité des exportations allemandes par une politique de restriction salariale (plans Schröder).
En réalité, ce qui était en cause, c’était la survie de la zone euro à travers les règles excessivement restrictives imposées par l’Allemagne. La crise du coronavirus a permis de rendre manifeste l’impasse dans laquelle l’Europe de Maastricht était engagée. Curieusement, Emmanuel Macron n’est pas crédité de ce renversement d’orientation opéré en 2020 et prolongé jusqu’à aujourd’hui. Certes, le problème de l’endettement est posé mais il l’est à l’échelle européenne. Emmanuel Macron a proposé dans son discours au Parlement européen, en décembre 2021, de nouvelles règles de désendettement : partir des investissements rendus nécessaires dans chaque État par le financement de la transition énergétique et climatique. C’est une base autrement sérieuse pour négocier que la fixation de chiffres arbitraires correspondant à des données économiques obsolètes. Bien entendu, rien n’est définitivement gagné mais on peut déjà observer que la réduction du déficit budgétaire à 3 % du PIB, telle qu’elle est fixée par le traité de Maastricht, est reportée par nos responsables à 2027. Bien entendu, il faudra résister à la pression de l’idéologie déflationniste, véhiculée par exemple par une partie de l’actuel gouvernement allemand.
Le traité de Maastricht, dans les faits, s’est évaporé. Je le dis au passage à ceux pour qui rien n’a jamais changé et qui semblent n’avoir d’oreilles que pour ne pas entendre. Ce n’est pas moi qui ai changé, c’est tout simplement la réalité. On ne peut plus raisonner s’agissant de l’Europe comme si nous étions encore en 1925, en 1950, ou en 1989. L’Europe a été conçue par Aristide Briand à la fin des années vingt pour dépasser les conflits de leadership entre l’Allemagne et la France. En 1950, il s’agissait de faire face à l’impérialisme soviétique. En 1989, François Mitterrand a voulu, à travers une monnaie unique, partager le leadership entre l’Allemagne et la France. Ces supputations sont aujourd’hui obsolètes.
La vraie nécessité de l’Europe résulte du fait qu’entre les États-Unis et la Chine, il faut une réponse coordonnée pour remédier aux dépendances que nous voyons se creuser en matière d’énergie, d’agriculture, de matières premières, de nouvelles technologies. En prenons-nous le chemin ? Assurément non ! La politique russe a renforcé l’emprise des États-Unis sur l’Europe. Il est temps qu’une véritable Europe se manifeste en affichant la reconquête de son indépendance au premier rang de ses priorités. Les problèmes aujourd’hui ne se posent plus comme il y a trente ans. L’euro est une réalité mais ce qui manque à l’Europe, c’est d’abord la volonté en matière de politique économique mais aussi de politique étrangère. Et c’est là que la politique de la France peut et doit peser.
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Woke ! Une nouvelle religion ?
Le philosophe défend l’idée, arguments forts à l’appui, que le « wokisme » est une religion. Dont il faut s’inquiéter.
LES « WOKES », NOUVEAUX FANATIQUES ?
« Woke » veut dire « éveillé », c’est-à-dire vigilant, conscient des injustices à combattre, actif dans les luttes contre les dominations. Le terme s’est diffusé dans les années 2010 pour désigner les nouveaux mouvements militants émergeant des campus universitaires américains. Arrivé en France vers 2020, le vocable n’a cessé de se propager. Au premier abord, cette vague politique paraît désireuse de justice et d’égalité. Refuser les discriminations selon les genres, combattre l’héritage esclavagiste, dénoncer les méfaits des phobies… qui serait contre ? Les wokes dérangent l’ordre mental établi. Comme bien d’autres avant eux, ou très différemment ?
Pour le philosophe Jean-François Braunstein, professeur émérite de philosophie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, auteur notamment de La Philosophie devenue folle (Grasset, 2018), ce mouvement n’est ni une mode politique ni une idéologie, mais bien, à proprement parler, une religion. L’affirmation surprend. Pourtant, les analyses précises qu’il développe dans La Religion woke , fondées sur une vaste documentation de première main, montrent que cette thèse ne manque pas d’arguments forts.
L’organique, voilà l’ennemi
Pourquoi nommer religion cette effervescence multiforme ? D’abord à cause de son déni du corps, de son refus de la réalité physique et de ses limites. En effet, l’idéal d’une « fluidité » des genres opposée aux identités stables (par exemple chez Judith Butler), la croyance qu’il suffit de déclarer ce qu’on désire être pour le devenir supposent une puissance de l’esprit supérieure aux contraintes de la nature. « Nos consciences fabriquent le monde. » L’organique, voilà l’ennemi. Nos corps biologiques ne seraient pas déterminants, seules le seraient nos décisions intimes. La biologie, qui distingue des mâles et des femelles, ne serait pas une science, mais un mythe destiné à imposer la binarité, une imposture à déconstruire.
Autre figure diabolique : l’antiracisme universaliste et humaniste. Etre « aveugle aux couleurs », ne faire aucune différence entre Noirs et Blancs, ne signale plus une absence de racisme, mais sa présence sournoise. La « théorie critique de la race » (Richard Delgado) considère l’universalisme comme une invention piégeuse de la « blanchité » (Robin DiAngelo). Au lieu d’effacer les races, il faudrait tout voir à travers leur prisme et s’éveiller au fait que les Blancs sont tous coupables, tous racistes (Ibram X. Kendi). C’est pourquoi leurs discours, leurs savoirs, leurs institutions sont à rejeter. Il est même officiellement conseillé d’en finir avec les mathématiques, jugées « blanches » , au grand dam de Sergiu Kleinerman, professeur à Princeton, et avec la logique (explicitement qualifiée de « raciste » dès 2017 à l’université Evergreen).
« On n’a jamais été aussi loin dans la haine de la raison » , conclut Jean-François Braunstein. Il met en garde contre le danger inédit de cette religion nouvelle, aux antipodes des Lumières, issue, pour la première fois, du sein même des universités. Elle contient les ingrédients d’un nouveau fanatisme : déni de la réalité, refus de tout débat, remplacement de la réflexion par une foi aveugle en des dogmes absurdes, persécution de ceux qui résistent et contestent. Il pourrait devenir difficile de soutenir que les corps humains existent et qu’ils sont sexués, que l’universel n’est pas un vain mot, que la raison forge des vérités. Raison de plus pour persévérer.
Source : lemonde.fr
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Monique Canto-Sperber, Une école qui peut mieux faire. Albin Michel, 2022.
L’auteure ajoute un sous-titre prônant l’octroi d’une large autonomie aux établissements scolaires publics. Je rappelle qu’il s’agit d’un rejet en bloc du conformisme et de l’égalitarisme. Mais ce qui frappe le plus, c’est que MCS fait presque part de son désir de prendre en charge toute l’éducation nationale, tant son projet, intelligent et novateur, relève des compétences d’un véritable ministre de l’Enseignement et de l’éducation.
L’égalitarisme est responsable de bien des maux de l’éducation nationale ; pour tout observateur impartial, non guidé par des visées idéologiques, le diplôme de fin d’études acquis dans un établissement de l’est ou du nord du pays n’a pas la même valeur que le même diplôme acquis dans les grands lycées parisiens… Et cette remarque fait bondir d’indignation les partisans du centralisme jacobin et de l’égalitarisme, convaincus qu’on en est encore au temps de la Révolution où le maître-mot était le bannissement les privilèges et la production de clones républicains. On appréciera l’image du vers de Virgile étudié par tous les élèves au même moment de l’année, car c’était prévu dans le programme…
Le monde a changé, les besoins de la France ont changé, l’hétérogénéité de la société française a détrôné l’homogénéité des premières décennies du XXe siècle : MCS donne des statistiques qui montrent qu’on a changé d’époque. Cette fiction que tous disposent de la même égalité des chances est un véritable mythe qui n’a que trop duré.
MCS parle aussi d’une réorganisation en profondeur frappée au coin du bon sens mais qui ne verra jamais le jour dans notre pays, tant celui-ci n’osera jamais s’en prendre aux vaches sacrées que sont l’uniformisation, la pesante tutelle de l’État et de ses fonctionnaires qui sont là pour ramener dans le droit chemin ceux qui ont l’imprudence de s’en écarter. Si j’osais, je dirais que cela fait penser aux réformes de la fiscalité, de la retraite, de la justice, de l’enseignement etc… qui ne verront jamais le jour.
Le moule d’une éducation nationale fonctionnarisée, avec son armée d’inspecteurs en tout genre, ses recteurs d’académie, ses censeurs, ses chefs d’établissement appartient au passé, même si d’aucuns s’entêtent à le faire marcher, faute de mieux… Quand vous voyez comment se fait l’affectation des nouveaux enseignants dans l’établissement public censé les accueillir, vous ne pouvez que lever les bras au ciel… Et même le mode d’échange, de collaboration entre les enseignants, censés participer au même projet éducatif, nous laisse songeurs. Il faut de l’autonomie, ce que MCS réclame à cor et à cri sur près de deux cents pages…
Le constat peut paraître sévère mais il se justifie. Et MCS a raison d’expliquer de manière détaillée qu’une autonome raisonnablement octroyée aux établissements pourrait changer la donne. Pourquoi donc l’État se mêle-t-il de la nomination des enseignants ? Cela devrait relever des compétences des chefs d’établissement qui sont en mesure de recruter les enseignants dont ils estiment avoir besoin. Cela ne nuira pas au maintien de leur statut de fonctionnaire d’État.
Il ne faut pas oublier de dénoncer la rigidité des programmes et le couperet des concours que les candidats malheureux ne peuvent pas cumuler avec l’année suivante au cours de laquelle ils font de nouveau acte de candidature. De brillants sujets qui ratent de peu l’agrégation sont condamnés à tout reprendre du début, en perdant le bénéfice des matières où ils ont fait leurs preuves… C’est parfois un vrai drame humain pour des gens qui ne franchissent pas l’obstacle, au lieu d’être évalués individuellement et sur le long terme. Cela a au moins l’avantage d’éclaircir l’horizon qui se bouche alors pour toute une vie.
MCS aborde la question de la finalité de la formation, du résultat de tout cet effort éducatif au bénéficie de l’enseigner ; ce que nos voisins allemands appellent die Bildung, la formation intellectuelle et morale, depuis Luther jusqu’à Nietzsche, en passant par Goethe, l’enseignement de l’autre côté du Rhin a voulu servir les idéaux de la Bildung. On peut en avoir une petite idée en parcourant les premières pages de Faust…
Les principautés germaniques poursuivaient depuis les origines un système qui se revendiquait de ses racines chrétiennes, geistig-religiös. J’en parle en connaissance de cause : en Allemagne, la religion est une matière académique comme toutes les autres. Tant à Berlin qu’à Heidelberg, j’ai eu bien des étudiants qui se destinaient aux fonctions honorables de pasteur ; pour notre culture française, cela est impensable. La Bible, même étudiée en tant que document littéraire, n’a trouvé refuge que dans les institutions religieuses alors que les deux Testaments sont la genèse du politique. Voir Carl Schmitt qui expliquait en 1924 dans sa Politische Theologie (traduit chez Gallimard) que la plupart des idéaux politiques modernes découlaient de valeurs religieuses sécularisées.
Dans les tout premiers chapitres MCS définit les différents sens du terme autonomie. C’est bien utile car on commet généralement des confusions dans ce domaine. Je n’entre pas dans les détails, mais toutes ces explications sont les bienvenues.
Les détracteurs de l’autonomie dans le cadre des établissements publics se trompent lorsqu’ils la conçoivent comme un abandon au secteur privé, une sorte de désengagement de l’État au profit d’une idéologie qui barderait un secteur clé dans la vie des citoyens, à savoir l’acquisition d’un savoir et l’exercice ce d’un métier.
On ne manquera pas d’être impressionné par l’argumentation de MCS en faveur de l’autonomie ; ses analyses sont claires, faciles à comprendre et à juger. Mais les pesanteurs sociologiques françaises font que certaines choses sont quasi inamendables. Par ailleurs, sur un tout autre sujet, on en attend beaucoup trop de l’école, en raison de la démission de certains parents, notamment les familles monoparentales et, depuis quelques décennies, en raison du nombre croissant d’enfants d’émigrés qui n’arrivent pas à s’intégrer à leur nouvel environnement.
Comment enseigner des enfants qui regroupent plusieurs dizaines de nationalités dont quelques-uns ne comprennent pas vraiment notre langue ? Il y aurait tant de choses à dire… Il est vrai que l’éducation nationale a longtemps été le parent pauvre des préoccuperions de la puissance publique. Les enseignants ont conscience d’un déclassement au plan social et au plan financier.
Pour finir, sans conclure vraiment, je relève que deux points méritent d’être soulignés, par-delà les demandes d’autonomie, qui restent cruciales ; il s’agit du handicap qui touche de plus en plus d’enfants ; et l’instauration d’un enseignement d’histoire des religions afin de ne pas être pris au dépourvu. De telles choses demandent un certain temps de préparation et de concertation.