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Ce n’est pas la première fois que le rapprochement entre Jérusalem et Riyad attire l’attention des chancelleries.
La visite éclair-cinq heures en tout-et « secrète », en jet privé, du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou à Neom au nord-est de l’Arabie Saoudite, le 22 novembre dernier, bien que démentie par le gouvernement saoudien, est considérée désormais comme un événement ayant réellement eu lieu. Benjamin Netanyahou a rencontré, en présence de Mike Pompeo, secrétaire d’État américain, de son secrétaire militaire, le général de brigade Avi Bluth et du chef du Mossad, Yossi Cohen, le prince héritier Mohamed Ben Salman et ce, malgré les réticences du vieux roi Salman plus réservé que son fils quant aux rapports avec Israël.
Ce n’est pas la première fois que le rapprochement entre Jérusalem et Riyad attire l’attention des chancelleries et de la presse. Ainsi, il y a deux ans déjà, le magazine Actualite Juive du 13 décembre 2018 titrait en une : « Israël-Arabie Saoudite. Un rapprochement stratégique ».
Bien avant, en avril 2014, le bruit avait couru d’une rencontre entre le chef du Mossad et Bandar Bin Sultan, patron des renseignements saoudiens, en vue de discuter des moyens de contrer les prétentions hégémoniques démesurées de l’Iran.
En juin 2016, autre rencontre à Washington, entre le prince Fayçal et le général Yaakov Amidror. Peu après, en juillet 2016, un ancien général saoudien, Anwar Eshki, à la tête d’une délégation d’universitaires et d’hommes d’affaires, s’est rendu en Israël, où il a rencontré le directeur général du ministère des Affaires étrangères, Dore Gold, le coordinateur des activités gouvernementales en Cisjordanie, le général Yoav Mordehaï et des parlementaires de la Knesset. En août 2016, la presse d’Arabie Saoudite a lancé une campagne de presse favorable aux Juifs et au judaïsme par le biais d’une série d’articles signés par les plumes les plus réputées du royaume.
Petite anicroche à ce tableau encourageant : l’attitude véritablement infantile, aux Jeux Olympiques de Rio, le même mois, de la judoka saoudienne, Joud Fahmy, qui, par crainte d’avoir à rencontrer l’Israélienne Gili Cohen, a déclaré forfait face à la Mauricienne Christianne Legentil.
Enfin, en janvier 2018, dans un tout autre domaine, le docteur Mohamed Al Issa, ancien ministre de la Justice saoudien, a condamné, dans une déclaration officielle, la négation de la Shoah, considérée par lui comme une « distorsion de l’Histoire ».
Et donc, il y a peu, le déplacement surprise du Premier ministre israélien.
Dans ce contexte prometteur, une question s’est posée et se pose toujours à tous ceux qui s’intéressent aux communautés juives à travers le monde : y-a-t-il des Juifs en Arabie Saoudite ?
On oublie souvent qu’avant les débuts de l’islam avec les prédications de Mahomet dans le Hedjaz, les Juifs étaient nombreux, riches et puissants dans la région. Bien avant l’apparition de Mahomet, un poète juif célèbre, Samuel Ben Adiya, surnommé « Le roi de Taymar », vivait en Arabie. Médine, qui deviendra une ville sainte pour les Musulmans, était à cette époque quasiment une ville juive. Selon de nombreux historiens, dont l’ancien président de l’État d’Israël, Itzhak Ben Zvi, il subsisterait en Arabie saoudite plusieurs tribus « marranes », conscientes de leur origine juive et dont le folklore et les coutumes spécifiques ont gardé la trace discrète mais vivace de leurs ancêtres juifs.
Et si, de nos jours, il peut paraître saugrenu, en effet, de parler de Juifs dans un pays où, conformément à la loi toujours en vigueur, ceux-ci n’ont jusqu’ici pas droit de cité dans le pays de La Mecque et de Médine, on notera, pourtant, que dans les années 1990, on a compté plusieurs milliers de Juifs en Arabie Saoudite.
En effet, dans le cadre de l’opération « Bouclier du désert » avec l’envoi de troupes américaines à la suite de la crise du Golfe, on a dénombré, dès octobre 1990, quelque milliers de soldats juifs américains qui furent stationnés dans la péninsule dont un certain nombre à bord de navires. Rien d’étonnant à cela puisque l’armée américaine compte en moyenne 1% de Juifs.
Une partie de ces Juifs étant religieux, 48 rabbins aumôniers ont accompagné ce contingent. Et bien qu’il ait été alors convenu avec les autorités saoudiennes que les plaques d’identification des soldats US ne comporteraient pas de mention de leur religion, la présence juive en Arabie, quoique discrète, n’est pas passée inaperçue. Annonçant l’arrivée au royaume du roi Fahd, du rabbin Romer, rapidement surnommé « Le rabbin d’Arabie Saoudite », le magazine Actualité Juive (1) titrait : « Le rabbin est arrivé ». Une arrivée en fanfare puisque ce fut l’occasion de faire retentir dans le désert, le son du chofar, la corne de bélier des festivités juives. « Il y a beaucoup de chances que ce soit la première fois, depuis Mahomet, que le son du chofar ait résonné dans le désert d’Arabie ». Dans France-Soir, le comédien américain Kirk Douglas écrivit : « Je dirai que nous vivons une comédie noire et curieuse. Parmi les soldats envoyés en Arabie Saoudite pour défendre le territoire, il y a des Juifs américains. (2) »
Envoyé sur place, Paul Amar, présentateur du 19/20 arrive peu avant Yom Kippour. Il déclare : « C’est mon premier Kippour loin de ma famille et de surcroît en terre d’islam » (3).
Pour Pourim, les soldats juifs avaient reçu des Méguilot, des « Hamantaschen » et autres gâteaux traditionnels. Pour Pessah, la Pâque juive, on leur avait attribué des kits contenant une Haggada , des matzot, des biscuits, du gefilte fish, du thon et des bouteilles de jus de raisin.
D’autres occasions se sont présentées pour assurer, de manière fortuite et limitée dans le temps, une présence juive en Arabie Saoudite.
Ainsi, entre le 10 et le 11 janvier 1991, un pont aérien a relié Israël à l’Arabie Saoudite. Il s’agissait de transporter une douzaine d’engins destinés au franchissement de canaux et de fossés antichars. Un an plus tard, en janvier 1992, sept membres du Congrès Juif Américain se sont entretenus à Riyad avec le prince Saoud, ministre des Affaires étrangères.
En décembre 1999, lors de la rencontre entre la secrétaire d’État américaine Madeleine Albright avec le roi Fahd et le prince Abdullah, Aaron Miller, membre de la délégation avait réuni dans sa chambre d’hôtel plusieurs journalistes pour allumer avec eux les bougies de Hanouka.
En 2020, il n’y a pas de communauté juive organisée en Arabie Saoudite, mais, au train où vont les choses, qui sait ?
Notes :
(1) 26-09-1990
(2) 02-10-1990
(3) Actualité Juive, 17-10-1990