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Maître-assistant en réanimation au Chu de Blida : « De plus en plus de cas graves affluent dans les hôpitaux » Par Adel Boudahdir.
A près une régression des cas de Covid-19 qui aura duré plus d’un mois, voilà que les hôpitaux de Blida sont submergés par les malades atteints ou présentant des symptômes du coronavirus. Cela nous rappelle Blida durant les mois de mars et d’avril. Des services, jusque-là fermés après l’accalmie sont de nouveau ouverts pour pouvoir accueillir le flux des malades. Dans cet entretien, Adel Boudahdir, maître-assistant en anesthésie et réanimation au Chu Frantz Fanon, confirme la tendance haussière et tire la sonnette d’alarme.
Comment jugez-vous la situation épidémique actuelle ?
Je pense que la situation à Blida et à Alger est inquiétante. A notre niveau au Chu Frantz Fanon de Blida, on a remarqué une augmentation des évacuations des cas graves vers notre structure de réanimation, parfois même des cas familiaux. En parallèle, le burn-out est de plus en plus visible parmi le personnel médical et paramédical.
C’est l’épuisement ! A Blida, on a pris en charge beaucoup de patients depuis le début de l’épidémie, une bonne expérience de gestion des cas graves et des cas moins graves a été acquise et même partagée avec nos collègues sur tout le territoire national.
Mais d’un autre côté, il y a l’épuisement physique et moral, un personnel qui n’a pas pris de congé et qui travaille jour et nuit pour faire face à cette pandémie. Ajouté à cela, le manque d’effectif préalable et le nombre important de contaminations au sein du personnel de santé. Heureusement que les moyens de protection individuelle sont disponibles et adéquats.
Selon vous, pourquoi cette recrudescence ?
La recrudescence est expliquée par le relâchement total et global de la population. Et même dans les administrations publiques, on remarque le même phénomène. La population voulait fermer le livre alors qu’on vient juste de tourner une page.
Pas de port correct des masques malgré leur disponibilité dans les officines et les campagnes de sensibilisation, pas de distanciation au sein de la population lors des réunions et des rassemblements, dans les cafés…
Aussi, il faut noter que les cérémonies familiales ont repris sans application des mesures barrières, ce qui explique l’apparition de clusters dans quelques communes de la wilaya de Blida. Il y a un relâchement de la part des commerçants (boutiques et grandes surfaces). L’immunité collective est loin d’être atteinte apparemment et l’arrivée du vaccin ne sera pas pour bientôt.
Ces points-là risquent de prolonger la durée de l’épidémie, avec malheureusement des conséquences néfastes sur notre système de santé, comme il y a le risque de provoquer beaucoup de victimes directes atteintes de Covid-19 et des victimes collatérales en rapport avec d’autres pathologies.
Ces dernières, comme le cancer et autres maladies chroniques, les malades de la réanimation en dehors de Covid-19, les interventions chirurgicales, les greffes d’organes… risquent d’être mal pris en charge en parallèle.
Je pense que la campagne de sensibilisation a échoué, elle a été confrontée par une campagne de contre-sensibilisation et des rumeurs, surtout sur les réseaux sociaux, qui sèment le doute par rapport à l’existence de la maladie. Ils prétendent que la Covid-19 n’existe pas et que les malades hospitalisés n’ont rien à voir avec le coronavirus, mais sont déclarés victimes de la Covid-19…
Que faut-il faire alors ?
Je pense qu’il faut prendre les choses au sérieux, prendre la Chine comme exemple. La Chine a bien maîtrisé l’épidémie avec l’application des mesures barrières (sensibilisation et application sur le terrain) et un système de santé puissant. On n’a pas le choix en dehors de la prévention pour éviter la saturation de nos hôpitaux et l’augmentation des décès.
Certes, on parle de baisse de virulence par rapport au début de la pandémie, mais cela reste difficile à confirmer. Il s’agit là de suppositions. Il faut faire un vrai dépistage massif et calculer le nombre de décès par rapport au nombre de cas positifs pour avoir une réponse crédible.
Pourquoi Blida a-t-elle été classée parmi les premières wilayas en nombre de cas positifs à la Covid-19 pendant plus de huit mois ?
Je pense qu’à Blida, on teste beaucoup et donc on diagnostique beaucoup de cas. En parallèle, il y a de nombreuses personnes qui tombent malades et sont prises en charge dans le secteur privé sans faire la PCR, donc elles ne sont pas déclarées.
Est-il vrai que les malades des autres wilayas qui sont dépistés à Blida, ou qui décèdent à Blida sont comptabilisés au nom de cette wilaya ?
Non, jamais !
Le mot de la fin…
Nous sommes devant un problème sérieux et mondial, la responsabilité est collective et surtout individuelle. Pour éviter le retour aux mois difficiles qu’on a passés, surtout à Blida avec le confinement total, il faut apprendre à vivre avec le virus avec l’application des mesures barrières.
Cet apprentissage de vivre avec va éviter les répercussions économiques et sociales du confinement, et va permettre aux enfants d’avoir une scolarité correcte… Mohamed Benzerga
Les « cas contacts » non dépistés : Covid-19 : Des failles dans la stratégie de lutte.
Une dizaine de wilayas identifiées comptabilisent, à elles seules, le plus grand nombre d’infections, dont les incidences dépassent actuellement les 50 cas pour 100 000 habitants, soit la norme, selon l’OMS.
La proportion des personnes positives sur l’ensemble des personnes testées avec la PCR est en nette augmentation dans plusieurs wilayas du pays. Le taux de positivité avoisine les 32%, selon certains épidémiologistes, et les incidences affichent trois chiffres.
Le taux de positivité est un indicateur majeur quant à l’évolution de la situation, qui inquiète sérieusement les spécialistes. Ce qui explique la tendance du nombre de malades hospitalisés ainsi que les évacuations en réanimation qui risquent de connaître un accroissement dans les prochains jours.
Une dizaine de wilayas identifiées comptabilisent, à elles seules, le plus grand nombre d’infections, dont les incidences dépassent actuellement les 50 cas pour 100 000 habitants, soit la norme, selon l’OMS.
Un état de fait qui fait appel au redéploiement en termes de mesures de prévention et le renforcement des moyens et mécanismes des équipes d’enquêtes épidémiologiques afin de s’assurer que ces enquêtes soient minutieusement menées pour chaque cas et sujet contact, dans chaque région, pour enrayer l’épidémie.
Il s’agit donc du dépistage, le traçing et le confinement des cas positifs et des cas contacts, tel qu’édicté dès le début de l’épidémie dans une déclaration signée par un groupe d’experts en épidémiologie et santé publique et publiée dans la presse nationale.
Signataire de cette déclaration et expert en maladies respiratoires, le Pr Messaoud Zidouni explique ce nouveau rebond de cas de Covid-19 par le fait du relâchement des mesures de prévention, que ce soit les gestes barrières par la population et le non-confinement des cas contacts. «L’environnement du cas positif n’est pas toujours pris en considération. Ce principe n’est pas appliqué, notamment par les cas contacts, pour la simple raison qu’ils ne sont pas symptomatiques.
C’est ainsi que les cas contacts, qui représentent des milliers de personnes, ne sont pas confinés, comme cela est indiqué par les directives nationales alors qu’ils peuvent être contaminants. Il faut un mécanisme faisant obligation au confinement des cas contact » , a souligné le Pr Zidouni, qui plaide pour la prescription par les médecins du secteur privé de l’hydroxychloroquine, selon le protocole thérapeutique du ministère de la Santé.
« Durant ces derniers mois, plusieurs patients testés positifs à la Covid-19 non notifiés n’ont pas été traités sous le protocole du ministère de la Santé, en l’occurrence l’hydroxychloroquine et l’azythromycine, par les médecins privés. L’antibiotique seul n’est pas suffisant pour faire baisser la charge virale. Ce qui donne une fausse idée de la charge de morbidité réelle » , a-t-il souligné. Et d’insister sur la corrélation entre les cas positifs soignés et l’isolement des cas contacts pour arriver à casser la chaîne de contamination.
Pour le Pr Zidouni, il est important de prendre sérieusement en compte les indicateurs épidémiologiques, notamment «l’incidence de la maladie, qui doit être significative au terme mensuel, le taux de positivité et surtout s’éloigner des discours rassurants qui risquent de compliquer davantage la situation » .
Il explique que le renforcement des mesures sanitaires se base justement sur l’étendue de ces indicateurs pour dicter les actions à mettre en place. « Actuellement, ce sont quelques wilayas qui enregistrent une hausse de cas, il est aisé d’agir rapidement à ce niveau pour freiner la propagation du virus et casser la chaîne de contamination. On peut agir de manière spécifique en fonction de la morbidité et prendre des mesures à chaque situation.
Ce qui semble être le maillon faible de la stratégie de lutte contre la Covid-19 », a-t-il souligné, tout en appelant les pouvoir publics à faire respecter les mesures barrières, notamment celles qui ont montré leur efficacité, à savoir le port du masque, la distanciation physique et le non-regroupement, surtout en cette période de multiplication des virus respiratoires.
Ce qui pourrait, selon lui, stopper la diffusion de l’épidémie et éviter une propagation au niveau national, d’où l’importance du travail de la cellule d’investigation et de suivi des enquêtes épidémiologiques, dont on ne connaît pas encore les conclusions au regard de son rôle dans la consolidation, l’évaluation et le développement de stratégies de lutte contre la propagation d’épidémies en Algérie.
« La cellule opérationnelle d’investigation et de suivi des enquêtes épidémiologiques contribuera à l’avenir à consolider, évaluer et développer des stratégies de lutte contre la propagation d’épidémies dans notre pays » , a indiqué M. Djerad dans son allocution à l’occasion de l’installation du Pr Mohamed Belhocine à la tête de cette cellule en juin dernier. Et de déclarer : « Le renforcement du système de recherche et d’investigation des épidémies est le fer de lance de notre bataille contre la Covid-19. »
L’Institut national de santé publique (INSP) fait état, dans son dernier bulletin épidémiologique, d’une hausse des hospitalisations, l’épuisement du personnel soignant e´prouve´ par les six premiers mois de l’e´pide´mie. « Les mesures de confinement ont montre´ leurs limites lorsqu’elles sont trop e´tale´es dans le temps. Cela sous-entend que des efforts de communication s’imposent pour expliquer l’importance de chaque mesure prise, mais qu’il est e´galement impe´ratif de revenir aux essentiels de la lutte contre cette affection, c’est-à-dire : trouver, isoler, tester et prendre en charge chaque cas et chercher sans rela^che chaque contact » , a recommandé l’équipe de l’INSP. Djamila Kourta